L’article de couverture de ce numéro était consacré à Jacqueline Vinzio-Bloch, gratifiée du titre de «bonne fée des banquiers». Le journaliste soulignait que cette «one-woman-show» d’origine lyonnaise «avait réussi à donner ses lettres de noblesse à une profession décriée»: «Les chasseurs de têtes ont généralement mauvaise réputation […], ces convaincants professionnels de la débauche, ces indiscrets qui fouillent les dossiers, les réseaux et même les structures de pouvoir d’une entreprise, ceux qui n’hésitent pas à «voler» les meilleurs éléments d’une société pour le compte de leur client.»

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La couverture du 3e numéro de "PME Magazine" en 1989.
© DR


Un autre métier controversé faisait l’objet d’un dossier économique quelques pages plus loin: les conseillers en relations publiques. «Nos hommes politiques tels que nous les percevons dans les médias ne seront-ils bientôt plus que le produit des conseils en relations publiques? Les journaux reflètent-ils à peu près la réalité ou sont-ils l’œuvre de personnes dont l’activité consiste à influencer le public?» s’interrogeait son auteur en ouverture.

Pour expliquer le rôle des PR, il osait une analogie audacieuse: «Quand un jeune homme fait la connaissance d’une jeune fille et lui dit qu’il est un type fantastique, c’est de la réclame… Quand il lui dit combien elle est ravissante, c’est de la publicité… Mais quand la fille se décide pour lui, parce que d’autres lui ont dit qu’il était un mec bien, alors ça devient des relations publiques!»

«Cantonalité aiguë»

Le chroniqueur Roland Godel s’interrogeait pour sa part sur «le paradoxe de la mosaïque»: «Jura libre, indépendance genevoise, animosité entre régions lémaniques, amertume tessinoise, manque patent d’entrain dans l’organisation de CH 1991… La Suisse souffre de cantonalite aiguë. La nouvelle famille européenne brisera-t-elle le paisible foyer helvétique?» Et de noter cependant que «le choc helvétique des cultures est finalement positif […]. Il nous prépare d’autant mieux à aller affronter «l’au-delà» avec l’intime conviction que notre excellente petite roue dentée s’adaptera parfaitement au grand mécano mondial, puisque les différences sont faites pour se compléter en un tout.»

Les chasseurs de têtes, ces convaincants professionnels de la débauche...

Un portrait était consacré à l’entrepreneur valaisan Jean-Daniel Descartes, dont l’enseigne Meubles Descartes fêtait son 20e anniversaire en 1989. Une photo le montrait au volant «d’un coupé Mercedes ayant appartenu au neveu du shah d’Iran». Un autre cliché voyait le self-made-man de Saxon présenter un plan du projet de station thermale d’Ovronnaz, dont «le coût de construction doit s’élever à 95 millions de francs. Du jamais-vu!»

La domotique, une utopie?

«Utopie ou réalité?» était la question posée par un sujet consacré à l’automatisation des foyers et à la domotique. Ses auteurs prédisaient que «demain, dès que la sonnerie du réveil retentira, votre baignoire se remplira automatiquement, et à la température désirée […]. Le jour où les foyers seront largement automatisés n’est plus très loin.» Trente ans plus tard, il semble que la maison connectée ne tienne pas encore toutes ses promesses.


Trente ans de tourisme: le grand tournant alpin

Essentiel à l’économie des régions alpines, le tourisme représente un cinquième du PIB. La branche a subi de profondes transformations depuis l’âge d’or des domaines skiables.

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Les bains de Brigerbad s’adressent à une clientèle familiale, avec toboggans et attractions aquatiques.
© DR

Il y a trente ans, il fallait anticiper longtemps en avance pour assurer sa réservation dans une station de sports d’hiver, raconte Nicolas Délétroz, économiste à l’Observatoire valaisan du tourisme. Avec l’intensification de la concurrence internationale, le tourisme est passé d’une économie de l’offre à une économie de la demande.» Seules trois régions alpines – les Alpes fribourgeoises, la Suisse centrale et l’Oberland bernois – ont vu leur nombre de nuitées augmenter entre 2000 et 2017. Le Valais et la Suisse orientale ont pour leur part enregistré un léger recul, tandis que les Alpes vaudoises, le Tessin et les Grisons ont plongé. Ces résultats témoignent d’une recomposition du tourisme au cours des dernières décennies, qui continue tout de même de générer 27% de l’emploi et 21% de la valeur ajoutée brute des régions de montagne.

1. D’une montagne sportive à une montagne reposante

Pour Yvan Aymon, actif dans le secteur depuis 1989, le tourisme alpin a amorcé la troisième rupture de son histoire. «De 1850 à 1950, nous avons connu les prémices du tourisme en Suisse avec les premières cures thermales, rappelle le président de l’association des entreprises Valais excellence. A partir de la seconde moitié du XXe siècle, l’avènement des sports de glisse a apporté une grande valeur ajoutée aux régions alpines.

Désormais, même si la plupart des investissements continuent de se concentrer sur les activités sportives, on perçoit de nouveau le potentiel d’une montagne ressourçante.»

Les offres «wellness» n’ont cessé de se développer ces dernières décennies. «Etablissements de soins au départ, les thermes sont devenus un endroit pour se faire du bien», constate Olivier Foro, directeur des Bains de Brigerbad (VS). Ancien responsable de l’Office du tourisme d’Ovronnaz (VS), puis directeur marketing des bains de la même localité, il a suivi l’inauguration du centre thermal en 1990. «L’ouverture des bains a fait connaître Ovronnaz à toute la Suisse romande. Nous avons été parmi les premiers à proposer, avec succès, des forfaits combinant ski et bains.»

Cette évolution vers le «thermoludisme» se décline en plusieurs segments. «Certaines offres s’adressent à un public assez large, avec aussi des infrastructures pour les familles, comme à Brigerbad ou à Saillon, en proposant toboggans ou animations aquatiques. D’autres misent spécifiquement sur la détente, avec des espaces spa.» Symboles du succès du «thermoludisme», les Bains de Lavey (VD) ont très vite vu leur nombre d’entrées passer d’environ 80 000 à près de 250 000, à la suite de la rénovation de l’ancien centre thermal et de la construction de grands bassins en 2000. Ce chiffre a ensuite continué de progresser, jusqu’à se stabiliser depuis quelques années autour de 470 000 visiteurs annuels.

2. La révolution numérique

«L’arrivée des plateformes de réservation en ligne a constitué un grand chamboulement», note Dominique Fumeaux, responsable de la filière du tourisme à la HES-SO Valais. Les offices du tourisme ont tenté dès le milieu des années 1990 de prendre le virage numérique en proposant aux hôteliers helvétiques des systèmes informatiques. «La logique de concurrence entre les acteurs locaux et la mentalité frileuse des régions alpines ont toutefois empêché le décollage de ces initiatives», analyse Roland Schegg, professeur dans ce même établissement.

Les plateformes de réservation en ligne internationales n’ont alors cessé de gagner en importance. «Celles-ci représentent aujourd’hui presque 30% des nuitées à la montagne avec des commissions moyennes entre 13 et 15%.» Le grand gagnant est Booking.com. Mais, outre les pertes liées aux fortes commissions, les hôteliers n’ont pas la main sur les données, pourtant cruciales sur le plan du marketing. L’arrivée d’Airbnb, qui cumule désormais 8% des nuitées en Suisse, a également bousculé l’hébergement dans les stations.

Cette transformation numérique a néanmoins aussi profité à des produits de niche et à des stations moins connues, grâce notamment aux réseaux sociaux. «En Valais, ce bouche à oreille numérisé se révèle important pour des lieux comme Champex-Lac ou l’Hospice du Grand-Saint-Bernard, relève Dominique Fumeaux. Cette «e-réputation» met en avant ceux qui travaillent le mieux.»

3. Enneigement et réchauffement

Un autre défi de taille touche depuis quelques années les Préalpes et même les domaines de plus haute altitude: le changement climatique. «L’hiver de quatre mois et demi, c’est fini, estime Nicolas Délétroz. Le corollaire, c’est une diversification grandissante des activités de montagne et une professionnalisation accrue des acteurs proposant ces nouvelles activités.» Toujours plus de remontées mécaniques sont par exemple ouvertes en été pour la pratique du VTT ou de la marche, ce qui permet une bonne exploitation des capacités hôtelières, selon BAK Economics: «L’espace alpin suisse se distingue par une performance excellente, notamment en été où la croissance des nuitées a atteint 6,5% entre 2016 et 2017.»

L’offre culturelle, permise par des liaisons accrues entre les plaines et les montagnes, mais aussi l’œnotourisme et la gastronomie constituent d’autres pistes de diversification pour les régions alpines. «Nous devons réussir à nous mettre dans la peau des clients et imaginer leur customer journey, explique Damian Constantin, directeur de Valais/Wallis Promotion. Se déplacer une heure paraît long pour un montagnard, mais des touristes venus de l’autre bout du monde n’auront aucun mal à aller à la Fondation Gianadda à Martigny depuis Verbier, aux Bains de Brigerbad depuis Aletsch, ou encore dans une cave de Chamoson depuis Ovronnaz.»


Le tourisme alpin en 2049...

Des éléments comme le savoir-faire, la sécurité et la mobilité devraient gagner en importance ces trente prochaines années, anticipe Damian Constantin. «Avec les outils numériques, les clients seront toujours plus éduqués et il faudra leur apporter de la transparence ainsi qu’un service irréprochable.» Une attention devrait également être portée à la population à la retraite (+50% dans la plupart des cantons d’ici à 2045). «Les seniors souhaitent rester en bonne santé et profiter le plus longtemps possible de leurs loisirs.» Le tourisme durable pourrait aussi prendre de l’ampleur. «Nous entendons des discours forts de la part des jeunes autour des enjeux climatiques, souligne Dominique Fumeaux. Si cela se transforme en gestes concrets, le nombre de séjours proposant produits locaux, mobilité douce ou hébergements avec une faible empreinte écologique pourrait augmenter en Suisse.»


Le Valais mise sur la recherche et l’innovation

Désormais actif dans des domaines plus pointus, et grâce à un enseignement supérieur de qualité, le visage économique du Valais change.

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Le campus Energypolis va regrouper un millier de chercheurs à Sion.
© Alain Herzog

«Les grands piliers économiques – l’industrie, le tourisme et l’agriculture – sont toujours présents et ont été rejoints par les services et toute une activité fortement tournée vers l’innovation», explique Jean-Albert Ferrez, président de la Fondation The Ark, spécialisée dans l’accompagnement des PME et start-up.

Les secteurs traditionnels se sont adaptés, ont évolué, avec néanmoins une activité agricole en recul. «Par rapport au reste de la Suisse, le canton est très présent dans les sciences de la vie, la recherche et la production d’aluminium, et l’hydraulique, résume Eric Bianco, chef du Service du développement économique du Valais. Nous nous sommes diversifiés là où nous avions déjà de fortes compétences.» Le secteur de la chimie a ainsi par exemple évolué vers la biopharmacie ou la médecine. «Le secteur secondaire (un quart du PIB) est présent sur des domaines plus pointus, à plus forte valeur ajoutée.» Un virage qui permet d’ailleurs d’offrir des postes plus qualifiés que par le passé.

Population en forte hausse

Secouée par la loi sur les résidences secondaires, mise en place début 2016, l’activité touristique (15% des emplois du canton), qui a été pendant longtemps très liée à la construction, a évolué. Le Cervin est toujours là, les paysages sont toujours aussi beaux, mais la demande change. «Les clients sont plus mobiles, ils veulent des séjours moins longs, avec plus de découvertes.»

Parallèlement, de nouveaux domaines d’activités ont émergé, comme les services, portés notamment par le développement du Groupe Mutuel, l’un des plus gros assureurs suisses, ou des centres d’appels téléphoniques de grandes entreprises du pays. Soutenues par la Fondation The Ark, qui fête cette année ses 15 ans d’existence, de nombreuses start-up ont également été créées dans le secteur des nouvelles technologies.

Enjeu de taille, la formation est un autre domaine qui a été profondément remodelé. Longtemps, les jeunes devaient quitter le canton pour aller faire des études supérieures. «Beaucoup ne revenaient pas», se souvient Jean-Albert Ferrez. Mais cette tendance s’est aujourd’hui infléchie, grâce à la présence de l’EPFL, de la HES-SO Valais-Wallis, d’instituts de recherche de pointe. Exemple avec le campus Energypolis, qui va regrouper à Sion un millier de spécialistes de l’énergie, de la biotechnologie, de la santé. «Nous pouvons dire aux jeunes qu’ils peuvent venir en Valais pour étudier et rester travailler sur des thématiques de demain», se félicite Eric Bianco.

Pour lui, l’un des défis majeurs de ce canton, qui a vu sa population augmenter fortement (+40 % en quelque trente ans), est de réussir à continuer de développer le système de formation en adéquation avec les besoins des entreprises. Et à se positionner notamment dans le domaine du digital.


«Un lien étroit associe culture et économie»

Grâce à sa Fondation, Léonard Gianadda a fait connaître Martigny aux galeristes, directeurs de musée et mélomanes de toute l’Europe.

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En 1978, Léonard Gianadda inaugurait sa Fondation, qui comptabilise plus de 10 millions de visiteurs.
© DR

Plus de 10 millions de visiteurs se sont rendus à la Fondation Pierre Gianadda depuis son inauguration en Valais en 1978, attirés par le prêt de chefs-d’œuvre comme le tableau de Claude Monet Impression, soleil levant ou la statue antique Discobole. Son créateur et fondateur de 83 ans, Léonard Gianadda, revient sur cette réussite et le développement touristique valaisan de ces dernières décennies.

En 1989, dans un des premiers numéros de «PME Magazine», vous définissiez la Fondation Pierre Gianadda comme «un anti-musée». La qualifieriez-vous toujours ainsi?

Léonard Gianadda Si je qualifiais la Fondation d’«anti-musée», c’est par opposition à l’idée qu’à l’époque on se faisait d’un musée: un lieu clos et austère, voué à la conservation et présentant une collection permanente réservée aux initiés, bref un lieu que l’on ne visite qu’une fois dans sa vie. Cette image a sans doute évolué au cours des quatre décennies écoulées depuis la création de la Fondation. Je voulais un espace vivant, ouvert. J’ai constaté que ce sont souvent les mêmes visiteurs qui reviennent, attirés par de nouvelles expositions, de nouveaux concerts, en un mot par des événements qu’il faut sans cesse inventer. L’espace a été enrichi d’un parc de sculptures et a même débordé dans la ville de Martigny, dont les dix-sept ronds-points sont agrémentés d’une sculpture adéquate. Ainsi, le public n’est pas confiné dans un espace dédié à l’art, il se meut dans un espace sans limite. Dans cet esprit, le terme d’«anti-musée» semble toujours d’actualité.

Au lancement de la Fondation en 1978, ambitionniez-vous déjà de faire de Martigny un lieu connu des galeristes, directeurs de musée et mélomanes de toute l’Europe? Aviez-vous anticipé ce rayonnement international?

Je n’imaginais certainement pas un tel rayonnement et je n’aurais même pas osé y songer. Alors comment aurais-je pu espérer obtenir le prêt d’œuvres aussi prestigieuses qu’Impression, soleil levant ou le Discobole de la part des musées les plus réputés au monde? Comment aurais-je pu imaginer que des artistes comme Cecilia Bartoli puissent chanter dans nos murs… à vingt-huit reprises! L’ambition s’est forgée au fil du temps, grâce au succès. Plus la Fondation était connue, plus elle pouvait espérer obtenir des œuvres majeures et plus elle pouvait disposer de moyens nécessaires à leur présentation, comme les frais de transport ou d’assurances par exemple. Ce phénomène n’a pas été spontané. La confiance ne se décrète pas. Elle se conquiert. Cela prend du temps et exige à la fois prudence et prise de risques mesurés, mais également beaucoup de chance, je le reconnais.

Plus de 10 millions de personnes ont visité la Fondation depuis son ouverture en 1978. En quoi a-t-elle marqué l’offre touristique et culturelle valaisanne depuis cette époque?

Le boom de l’offre touristique en Valais a démarré dans les années 1960 et n’a cessé de croître. L’offre culturelle, tout comme l’offre touristique d’ailleurs, a été alimentée grâce au progrès social: la civilisation des loisirs, les congés payés, une meilleure formation pour tous et une prospérité générale accrue. Tous ces facteurs sont apparus à cette époque. L’offre culturelle est étroitement liée au développement économique et réciproquement. Les visiteurs de la Fondation stimulent le commerce local, la restauration, l’hôtellerie. Les ressources culturelles ne sont pas dépendantes des changements climatiques comme l’industrie du ski qui a assuré la prospérité des stations jusqu’à ce jour. Le succès de la Fondation a incité une diversification de l’offre, avec l’émergence de nouvelles fondations, de festivals. Le gouvernement valaisan l’a très bien compris en créant, l’an dernier, un «Prix Culture et Economie» dont nous avons été les premiers bénéficiaires à l’occasion des 40 ans de la Fondation: une reconnaissance du lien étroit qui associe culture et économie.

Quels sont les changements les plus profonds qu’a connus l’offre culturelle et touristique en Valais depuis 1989 selon vous? Ses plus grands défis?

Les techniques ont évolué. Martigny n’est plus qu’à quelques heures de Paris, voire de New York, ce qui augmente fortement la mobilité de notre public. Le Valais s’est désenclavé. Le progrès technique permet aux fans de ski d’exercer leur sport grâce à l’enneigement artificiel indépendant de la météo. Plus prospère aujourd’hui, le canton peut investir dans des infrastructures impensables auparavant. Les moyens d’information ont aussi changé: nous étions les premiers à diffuser notre publicité culturelle sur les ondes radiophoniques, puis par des spots télévisés ou sur internet. Cependant le plus grand défi pour une institution comme la nôtre est de tenir sur la durée (quarante et un ans!), de renouveler et de diversifier inlassablement l’offre en soignant l’accueil de nos visiteurs. Ceux-ci ont vieilli, bien sûr, mais ils sont en meilleure forme que ne l’étaient leurs aînés. Ils nous restent très fidèles… et se renouvellent régulièrement!

Vous avez bâti comme mécène et comme entrepreneur privé dans toute la région de Martigny. Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire? L’envie de laisser votre marque?

J’ai construit quelque 1500 appartements à Martigny au cours de toutes ces années. D’abord parce que c’était mon métier, un héritage génétique qui a vu s’y consacrer mon grand-père d’abord, mon père ensuite. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la conduite d’un bureau entre autres consacré à l’immobilier exige sensiblement les mêmes compétences entrepreneuriales que la gestion d’un centre culturel comme la Fondation. Certains considèrent sans doute la comparaison un peu triviale. Ils préfèrent imaginer l’art comme totalement déconnecté de toute contingence commerciale. Il est vrai que l’esthétique n’est pas forcément liée à la valeur marchande. Pourtant, dans mes deux fonctions, l’objectif est semblable: satisfaire et faire plaisir, répondre au mieux aux besoins des visiteurs, veiller à leur confort en ayant recours aux meilleurs spécialistes, parce que, seul, on ne sait pas tout faire. Cela dit, l’immobilier m’a aussi permis d’acheter des œuvres d’art, de constituer une collection.

Malgré ces réalisations, que manque-t-il encore au paysage touristique et culturel valaisan à votre avis?

Le tourisme a besoin de la nature, qui doit être mieux préservée, car c’est une denrée périssable. Dans ce domaine, il y a encore beaucoup à faire, notamment en contrôlant mieux les zones réservées à l’habitat et celles dont le paysage doit être protégé. En 1978, nous avons inauguré à la Fondation le premier musée archéologique du canton. Il a la particularité de présenter des pièces provenant exclusivement de Martigny, où elles sont exposées aujourd’hui. Quarante ans après, le Grand Conseil valaisan vient d’approuver le principe de la création d’un espace consacré aux collections cantonales qui se sont enrichies au cours des siècles passés. Il était temps. J’espère que l’Etat optera pour des institutions décentralisées, dans le respect des découvertes originelles, plutôt que pour un musée unique au sein de la capitale.

Si on se risque à faire des projections: à quoi ressemblera le tourisme de la région dans trente ans? Que viendront chercher les Suisses et les étrangers en visite dans le canton et à Martigny?

Des projections sont difficiles, voire impossibles à établir. Notre tourisme, encore fortement axé sur les sports d’hiver, va souffrir du réchauffement climatique. Il est donc urgent d’anticiper ce phénomène en diversifiant toujours davantage l’offre si l’on veut maintenir l’attrait de nos régions. La culture peut y contribuer. Mais il est encore plus difficile d’imaginer quels seront les intérêts et les goûts des amateurs d’art à moyen et à long terme, et par conséquent d’anticiper les révolutions à venir. Nos enfants devront être attentifs aux changements pour mieux s’y adapter. On voit peu à peu fondre les glaciers… et l’impact de la presse écrite au profit de l’information virtuelle. Dans le domaine artistique, les productions évoluent tout aussi rapidement. Reste l’aspiration des individus à ce qui est beau et qui nous dépasse. Et elle, j’en suis certain, va demeurer.


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