Entre janvier et septembre 2023, 7481 faillites ont été enregistrées en Suisse, soit une augmentation de 23% en comparaison à la période pré--covid de 2018-2019, selon un rapport du spécialiste de la gestion de créances Creditreform. L’étude attribue l’augmentation des faillites «au retournement du marché immobilier, à l’inflation et à la fin des aides covid, qui avaient artificiellement maintenu en vie des entreprises moribondes».
Pour Domagoj Arapovic, économiste chez Raiffeisen Suisse, «il s’agit d’un effet de rattrapage, d’une normalisation post-pandémie, période durant laquelle le nombre de faillites avait été très bas». L’expert ne considère pas l’évolution actuelle comme inquiétante et souligne que Creditreform inclut dans ses chiffres les faillites survenues à la suite de carences dans l’organisation, qui ne sont généralement pas liées à l’évolution conjoncturelle.
La branche la plus touchée par la hausse des faillites est celle de la construction, avec une part de 15,1%. «Dans le secteur de la construction, le nombre de faillites a augmenté de 5% par rapport à la période précédant la pandémie. Cela s’explique notamment par des coûts de construction élevés, en raison par exemple de la hausse des prix du bois et de l’acier, et par le passage du taux directeur à 1,75%, contre -0,75% il y a un an et demi», complète l’économiste.
Viennent ensuite les secteurs du commerce de gros et de détail avec 14,2% du total des faillites, puis ceux du conseil aux entreprises (11,6%) et l’hôtellerie--restauration (10,5%). «Ces secteurs ont souffert de l’inflation qui a entraîné une hausse des prix et une baisse de la consommation. La population est plus prudente quant à ses dépenses. Les Suisses sortent et voyagent moins. Le pic de reprise de la consommation après la pandémie est déjà retombé.» L’économiste s’attend en outre à un ralentissement de l’économie ces prochains trimestres et à ce que les faillites continuent à augmenter. «Nous ne nous attendons toutefois pas à une récession, ni à une violente vague de faillites.»
Pour Fabio Regazzi, président de l’Union suisse des arts et métiers (Usam), le taux de faillite actuel n’est pas surprenant étant donné la crise énergétique, notamment liée à la guerre en Ukraine, l’inflation due à la volatilité du coût des matières premières et, en conséquence, le ralentissement de la consommation. «Il y a du sable dans l’engrenage; il est logique qu’il en découle un nombre croissant de banqueroutes. Je crains surtout que si l’Allemagne, locomotive économique de l’Europe, entre en récession, ou la frôle, de nombreuses entreprises alémaniques perdent des clients et voient leurs coûts de production augmenter.»
«On risque de connaître une augmentation du taux de chômage, resté très bas pendant longtemps, réduisant ainsi le pouvoir d’achat moyen, poursuit l’expert. Le marché de l’emploi restera néanmoins tendu dans certains secteurs d’activité comme la santé, l’ingénierie ou l’informatique.» La pénurie de main-d’œuvre qualifiée et le franc fort sont particulièrement nuisibles à la conjoncture, observe-t-il, soulignant que ce sont majoritairement les PME qui en pâtissent.
«On ne souhaite pas les crises, mais elles ont pour effet collatéral positif de faire de l’ordre, estime Fabio Regazzi. Dans des périodes plus compliquées, les entreprises qui n’ont pas établi de bases solides ont plus de risques de disparaître. D’un point de vue économique, il est positif de se débarrasser des entreprises les moins résilientes pour permettre à celles qui sont saines de se consolider.»
Du côté du Seco, «nous constatons récemment une tendance à une diminution des faillites de sociétés de capitaux», précise Antje Baertschi, cheffe du secteur de la communication. Selon la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC), le nombre de faillites en comparaison avec l’année dernière a en effet diminué de 8%. «Nous observons une accalmie générale. En outre, le nombre de créations d’entreprises en 2023 reste supérieur à la moyenne, ce qui présage une tendance positive pour l’avenir.»