De quelle manière constatez-vous la tendance à préférer une petite société à un grand groupe?

Il y a un changement de paradigme. Il y a dix ans, les étudiants de HEC Lausanne ne rêvaient que d’être engagés par une multinationale ou une banque. Aujourd’hui, la situation a totalement changé. Ils sont à la recherche de sens, de relations directes et veulent avoir un impact immédiat. La perte de vitesse de l’attractivité des multinationales est également visible chez les cadres dirigeants expérimentés de 25 à 60 ans. Beaucoup de groupes internationaux implantés en Suisse pour des raisons fiscales sont repartis. Récemment, la faillite de Credit Suisse a généré de l’insécurité. A l’inverse, on peut compter sur les PME de plusieurs générations qui restent et se développent en Suisse. A cela s’ajoute l’envie de ne pas travailler pour des actionnaires intéressés par des gains à court terme, mais pour une entreprise qui brille pour son innovation ou a un impact positif sur l’environnement et la communauté.

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Comment les grands employeurs réagissent-ils à cette situation?

Ils ne semblent pas inquiets. Leur présence globale offre des ressources à large échelle. S’ils ne trouvent pas les talents en Suisse, ils vont les chercher ailleurs. Engager un dirigeant brésilien pour un groupe canadien établi en Romandie n’est pas un problème si la rémunération suit.

A propos de salaires, selon plusieurs sources, l’écart salarial entre PME et grands groupes s’estompe. On parlait de concession de 40 à 50% il y quinze ans et, aujourd’hui, on évoque 10 à 20%. Vous confirmez?

Il y a toujours un écart. Il a certes diminué, mais, pour des postes de dirigeants, on reste dans des rémunérations importantes. Ces derniers cherchent aujourd’hui à satisfaire d’autres besoins que financiers et à mettre à profit leurs années d’expérience, ce qui est plus difficile dans un grand groupe. Il y a une sorte de contrat invisible: dans une multinationale, tu gagnes beaucoup pour peu de temps, tandis que, dans les PME, tu gagnes un peu moins, mais pour plus longtemps et ton expérience sera valorisée.

Si on exclut la question salariale, la transition est-elle simple?

Non, ce n’est pas un passage évident. Il y a une différence dans la façon de fonctionner entre les deux entités. L’aspect politique et global a un poids fort dans les multinationales, tandis que les PME sont plus pragmatiques, avec un bon sens opérationnel. Il faut se préparer à cette transition et développer son réseau à l’échelle locale.

«La PME ne comprend pas le profil du candidat d’une grande structure.»

 

Les PME sont-elles ouvertes à ces profils «grande entreprise»?

Elles restent très prudentes, car le point du salaire et des avantages des grandes structures plane. Les PME se posent la question de la motivation à long terme de ces personnes et du risque de frustration lié au changement de conditions. Un autre écueil est culturel. Très souvent, ces candidats ne parlent pas français ou allemand, ce qui est nécessaire dans une PME en Suisse à des postes élevés. Le manque d’un réseau local est aussi un frein. Dans une multinationale, on est parfois déconnecté de liens professionnels externes au groupe.

D’autres points de friction?

La PME ne comprend pas le profil du candidat d’une grande structure, car il a occupé des positions qui n’existent pas dans une PME. Les compétences dans un groupe sont très spécialisées alors qu’il faut être davantage multitâche dans une PME. Un exemple: un directeur de trésorerie d’une entreprise cotée en bourse sera en difficulté. Dans une PME, on aura besoin d’un CFO qui a un profil plus large, alors que, dans la multinationale, on a des profils très verticaux et spécifiques.

Quid de l’employabilité et du risque après avoir quitté la grande structure?

L’employabilité sera clairement meilleure après une expérience dans une PME. C’est la démonstration que vous avez réussi à transférer vos compétences dans un environnement plus opérationnel. Quant au risque, il est faible, même à 50 ans, car la séniorité est plus valorisée dans les PME. Le souci que je vois est celui de l’ego. Lorsque vous avez le nom d’une entreprise du SMI sur votre carte de visite et qu’ensuite vous avez celui d’une PME inconnue, il faut pouvoir gérer son ego.

Vous êtes vous-même issu d’un grand groupe et avez fondé Ganci Partners.

Je travaillais dans une banque cotée en bourse de 11 000 collaborateurs. Je me sentais comme un hamster dans une roue, alors qu’aujourd’hui je dirige une société de 25 collaborateurs. La pression est obligatoire dans les deux structures, si on veut performer. Dans une PME, on a moins de filets de sécurité. Le sens de la responsabilité est différent, car je suis un sur 25 collaborateurs, tandis qu’à la banque j’étais un sur 11 000. Il y a aussi une relation directe entre ma contribution et ce que je coûte à l’entreprise. Dans une entreprise cotée, je dois avoir des résultats pour le 30 juin et non pour le 1er juillet, sinon le groupe perd de l’argent à la bourse. Ce fonctionnement a peu de sens pour un collaborateur.

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