Ralph Hamers, 55 ans
CEO UBS, Zurich
Le Néerlandais arrivé de chez ING a désormais derrière lui une pleine année comme CEO d’UBS mais il s’oppose avec énergie à l’idée de se profiler à l’aide d’une nouvelle stratégie. Il préfère prendre connaissance du vaisseau amiral. En cette année presque écoulée, UBS a produit trimestre après trimestre des chiffres solides et bénéficié en tant que plus grand gestionnaire de fortunes privées d’une forte augmentation de la valeur desdites fortunes tout autour du globe. Il n’y a donc pas eu lieu pour Ralph Hamers de renoncer à la stratégie éprouvée de son prédécesseur Sergio Ermotti. Même la perte de 950 millions dans l’affaire du hedge fund new-yorkais Archegos est restée dans l’ombre face aux avanies subies par le grand rival Credit Suisse.
La plus grande réforme entreprise à ce jour par le nouveau chef aura été le transfert de tâches essentielles vers le front, de sorte que la responsable du Corporate Center Sabine Keller-Busse pourra faire ses preuves au poste plus attrayant de présidente pour la Suisse. Simultanément, le responsable technologique Mike Dargan entre à la direction générale. Si la réputation de «Google Banker» de Ralph Hamers a aidé à sa nomination, elle est plutôt un obstacle dans la pratique: technologiquement, UBS n’est pas plus mauvaise qu’ING mais, vu son business mix, elle a d’autres exigences. Il n’y a pas là de révolution. A l’aide de la technologie, Ralph Hamers vise avant tout l’accélération des processus.
Même au chapitre des coûts, sujet ressassé à l’ère Ermotti, Ralph Hamers reste sur la ligne de son prédécesseur: des coupes drastiques affecteraient la croissance. Et il n’y a pas eu de révolution au fâcheux chapitre des rémunérations: le fait que Hamers empoche 4,2 millions durant ses quatre premiers mois, dont 2 comme CEO, ne lui confère guère une allure de Robin des Bois. L’année à venir éclaircira une question centrale: le procès pour blanchiment d’argent intenté contre lui aux Pays-Bas sera-t-il rouvert? Si c’est le cas, ce sera inconfortable, mais une démission est peu vraisemblable.
António Horta-Osório, 57 ans
Président Credit Suisse, Zurich
António Horta-Osório a pris son poste chez Credit Suisse le 30 avril. Avec ce citoyen portugais, la banque a placé pour la première fois en 164 ans d’histoire un étranger à sa présidence. Les attentes étaient importantes et elles le sont toujours: le nouveau président doit faire oublier les insuccès de son prédécesseur Urs Rohner, sous l’égide duquel le cours du titre a fortement baissé.
Cela dit, le nouveau président n’a pas encore pris de mesures radicales jusqu’à présent. La stratégie a certes été légèrement modifiée – il y aura plus de capital pour la gestion de fortune aux dépens de la banque d’investissement – mais, en gros, l’orientation de la banque demeure la même. Il a aussi maintenu en fonction le contesté CEO Thomas Gottstein.
La priorité reste néanmoins de faire le ménage, puisque après les milliards évaporés dans les affaires Greensill et Archegos, les fondements de la banque sont ébranlés. Une des premières tâches que s’assigne António Horta-Osório est d’infléchir de fond en comble la culture de la banque qui, du haut en bas de la hiérarchie, a affiché une coupable désinvolture face aux risques. Il devrait donc avoir beaucoup à faire. Dans ses fonctions précédentes de CEO dès 2011 de la banque britannique Lloyds, il a montré qu’il était un homme d’action, faisant de cette banque éparpillée un puissant établissement concentré sur le Royaume-Uni. Il a fermé nombre de départements, réduit l’emploi et investi dans la numérisation.
Sa tâche chez Lloyds a à vrai dire été si lourde qu’il a ensuite dû se reposer dans une clinique spécialisée dans les burn-out. Mais António Horta-Osório a la réputation de ne pas renoncer facilement: à 30 ans, lorsqu’il s’est fracturé le poignet au cours d’un match de tennis, les médecins lui ont prédit qu’il ne jouerait plus jamais. L’homme a refusé une telle sentence et a appris à jouer de l’autre main.
Philipp Rickenbacher, 50 ans
CEO Julius Bär, Zurich
Philipp qui? Telle fut la réaction du petit monde bancaire helvétique en 2019, lorsqu’un parfait inconnu fut nommé à la tête de la banque. Mais Philipp Rickenbacher s’est rapidement fait un nom. Il a résolu de transformer la culture d’un établissement durement malmené par plusieurs scandales, sans toutefois tailler au scalpel au risque de mettre en danger les revenus. Sa stratégie mettait l’accent sur une croissance profitable plutôt que sur l’afflux d’argent frais, alors qu’à l’ère de l’un de ses prédécesseurs, Boris Collardi, les nouveaux capitaux avaient toute la priorité – mais la banque attirait ainsi toutes sortes de clients problématiques.
A ce jour, la stratégie de Philipp Rickenbacher fonctionne et la banque est restée à l’abri des scandales. Financièrement, les affaires vont bien aussi: au premier semestre, elle a annoncé un résultat record, le bénéfice ayant grimpé de 23% à plus de 600 millions. Jusqu’à fin octobre, les avoirs sous gestion ont augmenté à 484 milliards, en hausse de 12% depuis le début de l’année. Le succès de Philipp Rickenbacher dans une branche très disputée en a surpris plus d’un car il n’est décidément pas un banquier typique. Il a étudié les biotechnologies à l’EPFZ puis a travaillé pour McKinsey. Lorsqu’il a été appelé au poste de CEO, il n’avait jamais œuvré dans la gestion de fortune.
Il était arrivé chez Julius Bär en 2004 et a ensuite fait un détour par la société sœur GAM avant de revenir en 2009, dans un premier temps comme responsable des produits structurés. Né en 1971 à Fribourg, où son père Iwan achevait alors ses études, Philipp Rickenbach a grandi – ça ne s’invente pas – à la… Rickenbacherstrasse de Rickenbach (LU). Son père était un politicien illustre, notamment secrétaire général du PDC suisse de 1988 à 1992.
Renaud de Planta, 58 ans
Senior Partner Pictet, Genève
En plein mois d’août, la banque Pictet a annoné le meilleur résultat semestriel de son histoire. Tout en informant du départ de son associé-gérant le plus haut en couleur, Boris Collardi, ex-CEO de Julius Baer, arrivé seulement trois ans auparavant. Comme il n’y a pas eu d’explications, les spéculations sont allées bon train. Peut-être que les incessantes rumeurs autour du naguère controversé Boris Collardi troublaient la sérénité de l’auguste banque privée…
Pour Renaud de Planta, qui a fait de la gestion d’actifs le deuxième pilier de l’établissement derrière la gestion de fortune, cela a été à coup sûr un désagrément. Mais la banque compte 216 années d’histoire, elle oubliera. Il est bien plus important de se dire que les résultats annuels boucleront sans doute aussi sur un record. Et de relever que, pour la première fois, une femme a fait son entrée parmi les associés-gérants: la gérante de hedge fund Elif Aktug.
Sergio Ermotti, 61 ans
Président de Swiss Re, Zurich
Celui qui fut longtemps CEO d’UBS a mis une condition à son nouveau mandat chez Swiss Re: davantage de liberté pour des activités extérieures à l’entreprise. Le président du conseil d’administration passe trois jours par semaine au siège central du Mythenquai. Tous les quinze jours, il a un rendez-vous fixe avec le CEO et toutes les six semaines une réunion du conseil d’administration. Et bien sûr des rencontres avec les investisseurs.
Swiss Re a récemment pâti du choc de la pandémie et des ravages naturels dus au changement climatique, ce qui a pesé sur le cours du titre. Sergio Ermotti demande désormais un rendement à deux chiffres des capitaux propres. Pour le reste, il a préparé l’entrée en bourse à New York du couturier italien Zegna à l’aide d’une SPAC. Le patron de la maison de mode, Ermenegildo Zegna, qui habite Lugano comme Sergio Ermotti, l’a appelé au sein du conseil d’administration en tant que conseiller.
Alfred Gantner, 53 ans
Cofondateur Partners Group, Zoug
Ce fut une année superlative pour le spécialiste du private equity: la capitalisation boursière de Partners Group a bondi, franchissant la barre des 40 milliards de francs. La société de participations, fondée en 1996 par Alfred Gantner et ses camarades d’alors chez Goldman Sachs, Marcel Erni et Urs Wietlisbach, a ainsi pu se hisser au 10e rang du SMI tout juste un an après y être entrée. La fortune d’Alfred Gantner se situe au-delà de 3 milliards de francs. En parallèle, à travers son alliance Kompass Europa, il a attaqué l’accord-cadre avec l’UE et convaincu d’autres leaders de l’économie d’en faire autant. Depuis que le Conseil fédéral y a brutalement renoncé, on n’a plus guère entendu Alfred Gantner argumenter à ce propos. En octobre, le groupe a repris près de 20% du capital de l’horloger Breitling et Alfred Gantner est entré au conseil d’administration.
Mario Greco, 62 ans
CEO Zurich Insurance, Zurich
Depuis que la pandémie a supprimé à peu près tous ses voyages d’affaires, le patron de Zurich consacre beaucoup de temps à son vélo de course. Le groupe d’assurances et ses 55 000 employés a également presque suspendu ses voyages et, l’an prochain, les déplacements en avion devraient chuter de 70% par rapport à 2019. Ils ne seront autorisés qu’en cas d’absolue nécessité. Le Covid-19 a durement affecté l’assureur mais on a vite senti la reprise: les primes et les cours sont revenus aux niveaux d’avant la crise sanitaire. Quant à savoir combien de temps Mario Greco restera à la tête de Zurich, les spéculations continuent d’aller bon train. Vu sa capacité à faire le ménage, on voit d’ores et déjà «Iron Mario» candidat à de prestigieux postes d’administrateur. Mais lui-même ne ménage pas ses efforts à la tête de Zurich et se voit plutôt dans l’opérationnel.
Patrick Odier, 66 ans
Associé-gérant senior Lombard Odier, Genève
A la fin de l’an prochain, après quarante et un ans à la banque privée Lombard Odier, Patrick Odier entend remettre son poste de Managing Partner à Hubert Keller. Mais il conservera d’autres fonctions dans la place financière. Depuis l’été, Patrick Odier est président de l’association Swiss Sustainable Finance, où 170 établissements financiers assurent la promotion des investissements durables et souhaitent positionner la place financière à la pointe des réflexions sur le climat. L’ancien président de l’Association suisse des banquiers a depuis longtemps insufflé cette préoccupation au sein de sa banque et il a désormais déclaré la durabilité comme un critère essentiel de l’investissement chez Lombard Odier: les solutions d’investissement sont élaborées autour de l’objectif de faire progresser le basculement vers une économie mondiale sans CO2. Pour mettre sur pied sa propre méthodologie, Lombard Odier a notamment lancé l’an dernier une coopération avec l’Université d’Oxford. «Nous souhaitons ainsi conserver notre avance», a-t-il commenté cet été. A fin novembre, il a organisé à Genève une conférence de quatre jours sur le thème du climat sous le nom de Building Bridges.
Michèle Rodoni, 52 ans
CEO La Mobilière, Berne
C’ est un signe des temps qui s’est matérialisé au début de l’année à La Mobilière. Non seulement la première femme est arrivée à la tête de cette entreprise vieille de plus de 200 ans, la Vaudoise Michèle Rodoni, mais en plus ce fut pour la première fois depuis longtemps à la faveur d’un choix à l’interne: ses prédécesseurs Urs Berger et Markus Hongler venaient respectivement des assurances Bâloise et Zurich. Fille d’un Tessinois et d’une Italienne, Michèle Rodoni a grandi à Genolier, au pied du Jura vaudois, et a étudié les sciences actuarielles à l’Université de Lausanne. En 2012, après des passages à La Suisse et chez Aviva, elle est arrivée à La Mobilière, où elle a d’abord repris le secteur de la prévoyance puis, en guise de test avant la consécration, la direction des 80 agences générales. Au cours de la première année, on a peu vu la nouvelle cheffe en public et elle n’en éprouvait manifestement pas la nécessité. Ses résultats sont corrects, le choc de la crise sanitaire est passé au second plan dans cette assurance qui est la deuxième du pays après Axa. Le fait que son principal soutien, Markus Höngler, a dû renoncer au printemps à la présidence du conseil d’administration, faute de rassembler assez de voix, a été une énorme surprise. Le conseil recherche désormais un successeur à Urs Berger.
Zeno Staub, 52 ans
CEO Vontobel, Zurich
Il est l’un des CEO les plus anciens de la branche, puisqu’il dirige la banque zurichoise depuis 2011. Tandis que certains concurrents – Credit Suisse – font sans cesse parler d’eux, Vontobel poursuit paisiblement sa route sur le chemin de la croissance, sans anicroches ces dernières années. Les résultats sont bons: au premier semestre 2021, les avoirs sous gestion ont grimpé à un niveau record de 274 milliards. Le bénéfice a bondi de 50%, dépassant même les prévisions les plus optimistes des analystes. La raison de cet essor réside dans le changement de stratégie de fin 2019, quand la banque s’est positionnée comme pure société d’investissement buy-side. Zeno Staub passe pour un intellectuel et son surnom à la banque est «The Brain». On lui attribue du bon sens terrien, il ne se donne pas des grands airs et la lecture est son loisir préféré. Il est d’origine modeste, puisque son père était concierge de l’Ecole cantonale de Heerbrugg (SG). Quant à lui, il a étudié l’économie à l’Université de Saint-Gall et y a obtenu un doctorat. Il est entré chez Vontobel en 2001.