C’est une pépite romande, encore méconnue, qui vient de passer en mains canadiennes sans faire grand bruit. Et pourtant, le rachat est d’importance pour iKentoo, vendeur d’un système de caisse enregistreuse basé sur l’iPad et destiné aux détaillants et restaurateurs (lire l’encadré). La jeune société de Genève vient donc d’entrer dans le giron de la firme Lightspeed, basée à Montréal et fondée en 2005.
Dax Dasilva, fondateur et CEO du fournisseur canadien qui vient de réussir une entrée en bourse remarquée à Toronto – ce qui lui a permis de mobiliser 240 millions de dollars, vaorisant sa société à 1,9 milliard de dollars de capitalisation boursière –, était de passage à Genève fin octobre dans les locaux d’iKentoo. Il nous a accordé un entretien en compagnie de David Clerc, cofondateur de la société genevoise, détaillant le processus de rachat, les ambitions du groupe et ses intentions de croissance en Suisse.
Dax Dasilva, vous faites le buzz au Canada à la suite d’une entrée en bourse très réussie avec votre groupe Lightspeed. Pourquoi cette IPO était-elle nécessaire?
Nous visons une forte croissance dans le monde, notamment par des acquisitions. Pour ce faire, il faut se donner les moyens de nos ambitions pour repérer et racheter des pépites. Nous participons à consolider le marché dans notre domaine d’activité. Nous fournissons des logiciels d’encaissement pour la vente et la restauration dans plus de 51 000 points de vente, répartis dans plus de 100 pays. Le potentiel est énorme, avec 47 millions de détaillants et de restaurants dans le monde. A noter que les commerces enregistrent une augmentation moyenne de 20% de leur chiffre d’affaires à la suite de l’utilisation de notre produit.
Votre stratégie passe aussi par Genève: vous venez de reprendre iKentoo. Pour quelles raisons?
Tout d’abord pour des raisons technologiques. La solution d’encaissement d’iKentoo va compléter la gamme de produits de Lightspeed dans le but de fournir des solutions de pointe et des produits robustes aux petites entreprises sur plusieurs continents. L’intégration d’iKentoo nous permet aussi de bénéficier d’une présence significative sur de nouveaux marchés dans lesquels la présence de Lightspeed était auparavant limitée. Enfin, l’équipe genevoise vit une croissance exceptionnelle, elle est très dynamique et compétente.
Vous visitez les locaux ici à Genève. Est-ce une habitude? Comment se déroule le processus?
Il est primordial pour moi de rencontrer les équipes et de partager nos ambitions communes. La réputation du «Swiss made» est excellente et cela se confirme avec iKentoo. La société est maintenant intégrée dans le groupe mais son esprit et sa proximité avec les clients locaux vont perdurer, car il est essentiel de comprendre ses clients et d’évoluer avec eux.
Parlons de vos clients, justement. Alors que la majorité des sociétés informatiques rêvent de contrats avec des géants, vous ne travaillez qu’avec des PME.
Oui, les petites et moyennes sociétés sont notre cible, un peu comme votre magazine. Nous nous devons d’être rapides et agiles afin d’être en adéquation avec les besoins des indépendants. Je considère que leur futur est radieux, même s’il n’a jamais été aussi compliqué d’exploiter une PME. Les consommateurs d’aujourd’hui recherchent une belle expérience dans les magasins et les restaurants. Les produits et services doivent être repérables en ligne pour que des commandes et des réservations soient faites. C’est ce qu’il faut pour concurrencer les grandes surfaces et les géants du commerce électronique. Nous avons créé la première caisse au monde à utiliser la technologie blockchain. Il a fallu quinze mois pour que nos ingénieurs développent cet outil et l’intègrent dans la nouvelle version iKentoo 3.0.
Préparez-vous de nouveaux mouvements en Suisse? Genève pourrait-elle devenir un centre important en Europe?
Nous sommes en Suisse alémanique depuis ce mois de novembre (à Zurich, ndlr). En ce qui concerne l’Europe, notre quartier général est à Amsterdam, Genève serait trop chère pour l’y installer. Mais les équipes en Suisse vont grandir, nous voulons doubler notre présence, comme dans les entités du monde entier. Nous sommes passés de 200 à 800 employés dans le groupe et nous serons bientôt 1000. Il est à noter que l’âge moyen est de 32 ans.
Des solutions numériques
IKentoo équipe aujourd’hui plus de 3500 clients dans 25 pays. En Suisse, la société possède des bureaux à Zurich, à Lausanne et à Genève. En ce qui concerne sa clientèle, on peut citer notamment le groupe Les Brasseurs, les restaurants Holy Cow ou le groupe Swiss Medical Networks. Elle a récemment conclu un partenariat avec le Montreux Jazz Festival et fournit son système d’encaissement à plusieurs hôtels, dont le Beau-Rivage Palace, le Lausanne Palace, le Crans Ambassador ou l’Eden au Lac Zurich. L’entreprise emploie actuellement près de 40 personnes, pour une croissance estimée à 600% en cinq ans d’après ses fondateurs. La PME avait levé 5 millions de francs, notamment auprès du groupe Aevis Victoria, détenu par l’homme d’affaires Antoine Hubert.
Concrètement, le produit consiste en une application qui peut se télécharger et qui fonctionne par abonnement. Elle permet d’exploiter pleinement les données et d’optimiser la gestion de l’établissement. «Il s’agit de proposer une solution légère et fonctionnelle pour dépoussiérer un marché qui n’est pas encore vraiment entré dans l’ère numérique», rappelle son cofondateur David Clerc.
Depuis fin octobre, le groupe propose la solution Omnichannel, qui permet aux PME de lancer facilement une boutique en ligne et de la synchroniser avec leur système de points de vente en magasin. Le but visé semble clair: pour rester compétitifs dans un commerce de détail en pleine crise, les détaillants indépendants doivent être en mesure de répondre aux demandes de leurs clients qui passent du magasin aux achats par internet ou via leur smartphone. Pour information, il faut compter 100 francs par mois pour utiliser les solutions d’iKentoo.