«Les business angels interviennent à un stade précoce du développement d’une entreprise: la durée de blocage des fonds est souvent longue et les chances d’obtenir un retour sur investissement faibles, bien que le gain puisse parfois être substantiel.» Directeur de la société lausannoise de développement de logiciels Immensive, Gaëtan Marti est aussi business angel. A 50 ans, il investit depuis 2017 environ 100 000 francs par année dans les start-up du secteur technologique, medtech et environnemental via le réseau zurichois Verve Ventures. Pour l’instant, il n’a récupéré qu’une infime partie de ses financements.

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Alors que le nombre d’entreprises créées en Suisse par année a augmenté de 27% en dix ans, selon une analyse de Credit Suisse et de Procure.ch, «un certain nombre d’investisseurs professionnels réduisent leurs investissements en raison de la situation économique actuelle», selon Brigitte Baumann, business angel depuis vingt ans et fondatrice du réseau d’investisseurs Go Beyond Investing ainsi que de la société de formation pour investisseurs et entrepreneurs Efino, basés à Zurich. «Le rôle des business angels se révèle donc d’autant plus important aujourd’hui.»

Fonds personnels

Les business angels investissent leurs fonds personnels dans des projets qu’ils jugent particulièrement prometteurs. Selon un rapport publié par le plus grand club de business angels du pays, le SICTIC, ces investisseurs comblent une lacune dans l’offre de financement car les jeunes entreprises ne disposent souvent pas encore de garanties suffisantes pour intéresser les investisseurs professionnels comme les banques ou les sociétés de capital-risque.

Dans les technologies – qui représentent le secteur d’investissement le plus vigoureux du pays, avec 172 sorties (exits) enregistrées entre 2005 et 2019 –, les clubs investissent en général entre 200 000 et 2 millions de francs par année.

La plupart du temps, les business angels constituent les actionnaires minoritaires de la start-up et détiennent moins d’un tiers de son capital. Très souvent, l’un des investisseurs occupe également un siège au conseil d’administration. Afin de protéger leurs financements, les business angels établissent une convention d’actionnaires qui déterminera les conditions des tours d’investissement – notamment le type d’actions émises – ainsi que leurs droits et obligations concernant par exemple la priorité de leurs actions sur les actions ordinaires. La sortie (vente d’une partie ou de toute la propriété d’un investisseur) devra également être anticipée dès le départ, en fonction du type d’acquéreur visé. Calculé sur la base de 33 start-up sorties entre 2005 et 2019, le multiple médian s’élevait à x 5,6, tandis que le multiple le plus élevé était de x 18,1, selon un rapport du SICTIC.

Responsabilité sociale

Ancien entrepreneur dans le secteur des medtechs, Gaëtan Marti a lui-même fait face à la difficulté d’obtenir des financements pour sauver sa première entreprise, 2c3d Medical, qui a fait faillite en 2001, et pour éviter le rachat d’Atracsys, sa deuxième société, fondée en 2004. «L’une de mes premières motivations consiste à aider les jeunes entrepreneurs qui se lancent à affronter des situations similaires à celles que j’ai pu vivre il y a quelques années. Il en va d’une certaine responsabilité sociale que d’investir dans des start-up locales. Je soutiens seulement les projets dont je comprends le business model ainsi que les technologies sous-jacentes.»

Elue «European Angel Investor of the Year» en 2015 et figurant dans le top 3 des femmes business angels d’Europe en 2020, Brigitte Baumann investit chaque année entre 20 000 et 50 000 francs dans des start-up à fort potentiel. «Aujourd’hui, j’investis plus qu’auparavant dans des équipes qui ont une expérience. Le rapport au risque et à l’échec n’est pas le même chez un jeune qui sort d’une école polytechnique que chez un entrepreneur au bénéfice d’une expérience professionnelle. Cela aura une influence intéressante sur mon rôle de business angel, qui consistera à apporter aussi des conseils entrepreneuriaux, en plus d’un soutien financier.»

La spécialiste privilégie aussi les projets axés sur l’éducation et l’environnement – qui font écho à des convictions et réflexions personnelles – plutôt que ceux issus purement du secteur technologique. «Cela reste une activité que l’on effectue durant notre temps libre. La plupart y consacrent un jour par mois ou par semaine.» L’experte regrette par ailleurs que les start-up féminines ne concernent que 4% des investissements totaux. «Les business angels masculins – qui représentent la plus grande part des investisseurs – ont probablement moins tendance à investir dans les projets proposés par des femmes car beaucoup d’entre eux proviennent de domaines qu’ils connaissent moins. C’est pour cette raison que la société de formation Efino entend aider notamment les femmes à investir davantage.»

Activité à haut risque

Contrairement à d’autres pays – comme les Etats-Unis, où les investisseurs particuliers doivent justifier d’un certain revenu ou d’une expérience professionnelle spécifique –, la Suisse permet à chacun d’investir ses propres fonds dans la start-up de son choix. «L’investissement constitue toutefois une activité à haut risque, explique Frédéric Lauchenauer, président du réseau Business Angels Switzerland depuis 2022 et membre depuis 2015. Mieux vaut ne jamais investir seul et diversifier tout de suite son porte-feuille. Il s’agira aussi de réaliser une due diligence, qui visera à déterminer si le projet propose une solution à un véritable problème ainsi que la capacité de l’équipe à gérer une future entreprise et le potentiel de croissance de la société.»

La possibilité d’un potentiel réinvestissement futur doit aussi être prise en considération dès le départ. «La plupart des entrepreneurs vont lever de l’argent entre quatre et six fois, ajoute Brigitte Baumann. Il est donc essentiel d’anticiper pour disposer des fonds nécessaires afin de pouvoir réinvestir à ce moment-là.» Lorsque le portefeuille – qui ne devrait pas dépasser plus de 10% du capital, hors résidence principale – est établi, l’experte conseille de consacrer d’abord 50% de la somme totale à plusieurs investissements différents. «Il s’agit aussi de rester au plus proche des entrepreneurs afin de déterminer la pertinence d’un nouvel investissement.»

Alors que Go Beyond a longtemps été le seul club d’investisseurs présent en Suisse, de nombreux nouveaux réseaux ont vu le jour en Suisse ces dix dernières années (lire encadré). «Verve Ventures propose à ses membres une plateforme d’investissement, dont les opportunités dans les start-up ont été soigneusement sélectionnées. Les business angels peuvent aussi poser leurs questions directement aux entrepreneurs. Ces réseaux permettent véritablement de maximiser la probabilité des chances de réussite», résume Gaëtan Marti.

Business Angels Switzerland

Réseau
Business Angels Switzerland (BAS) constitue aujourd’hui un réseau de 65 investisseurs particuliers qui consacrent un montant minimum de 10 000 francs par année par personne. «Dans l’absolu, il serait possible de n’avoir aucune exigence minimale, mais notre stratégie consiste à inciter nos membres à s’intéresser à des projets dont le potentiel a été validé par notre jury», souligne Frédéric Lauchenauer. Entre juillet 2022 et juin 2023, le réseau a réalisé neuf investissements pour un total de 2,3 millions de francs.

Sélection
Sur les 600 projets que BAS reçoit par année, le jury effectuera une première sélection de 200 projets, puis choisira une cinquantaine d’entrepreneurs qui auront la possibilité de venir présenter leur idée. Seul un projet sur dix débouchera finalement sur un investissement. Le président du club souhaite désormais proposer des cours de formation dans certains domaines de l’investissement, tout en rendant la communication entre les clubs plus fluide. «Les réseaux restent encore assez fermés et secrets. Or nous avons tout intérêt à créer des liens entre les différents clubs, ne serait-ce que pour éviter d’analyser plusieurs fois les mêmes projets.»