«Sans le savoir, au quotidien, nous vivons avec des normes établies par la CEE-ONU», affirme à Keystone-ATS le diplomate suisse Boris Richard, qui préside cette entité depuis avril dernier. Environnement, transports, statistiques, énergie, forêts, normes de construction, commerce et économie, la portée de l'institution est large.
Or, celle-ci est peu connue. «On la confond parfois avec les institutions européennes», selon le diplomate. La CEE-ONU, qui dépend financièrement du secrétariat général de l'ONU, est l'une des cinq commissions régionales de l'ONU. Elle avait été établie en 1947 pour oeuvrer à la reconstruction de l'Europe, après un rare consensus entre Américains et Soviétiques. Elle a alors permis de maintenir un dialogue économique entre blocs rivaux pendant toute la Guerre froide.
Depuis toujours, elle cherche à favoriser les échanges économiques «de Vancouver à Vladivostok», entre ses 56 membres. Des Etats-Unis à la Russie en passant par les membres de l'UE, les autres pays européens et l'Asie centrale, «une région importante pour la Suisse» et que la CEE-ONU assiste pour l'arrimer à l'économie de marché.
Pour ce faire, elle établit notamment des normes. Emblématiques, toutes les règles liées aux transports routiers sont attribuables à cette organisation. Parmi les dizaines de Conventions, elles portent sur les sièges auto pour bébé, la taille des pneus, la ceinture de sécurité ou parmi les nouveaux défis, les limitations de vitesse et les contraintes d'alerte sonore des véhicules autonomes. «Ces standards se sont assez rapidement étendus au reste du monde», fait remarquer M. Richard.
Compliqué depuis l'offensive russe
Parmi ses autres efforts, la CEE-ONU a également porté cinq conventions pour la protection de l'environnement. L'un de ses groupes de travail réfléchit aussi aux possibilités d'éviter un nouveau sinistre chimique, comme celui de fin 1986 d'un entrepôt bâlois qui avait contaminé le Rhin. Plus de 30 ans plus tard, le site à Bâle-Campagne reste contaminé.
C'est aussi cette entité qui est en charge de l'objectif de réduire de moitié le nombre des victimes de la route, pas atteint en 2020 mais qui pourrait l'être en 2030. Avec la Convention contre la pollution de l'air, elle contribue à empêcher 600'000 décès par an, de quoi permettre de faire vieillir la population européenne d'un an de plus en moyenne.
De son côté, comme pays exportateur et comme Etat hôte, la Suisse s'est toujours engagée dans la CEE-ONU. Son arrivée à la présidence ne constitue pas une surprise. Avec le Turkménistan, elle était l'un des deux vice-présidents.
Il n'y a pas eu de vote. La Suisse, considérée comme plus à même d'établir des consensus, a été élue sans opposition. Selon des sources convergentes, presque aucun Etat membre ne souhaitait qu'Achkhabad pilote l'agence, alors que la guerre en Ukraine se poursuit.
Depuis l'offensive russe, la CEE-ONU est devenue, comme la plupart des organes onusiens, davantage politisée. «La situation est devenue plus compliquée, davantage polarisée. Ce qui rend la présidence plus délicate», dit M. Richard.
Soutien à des villes ukrainiennes
Avant 2022, jamais un vote n'avait eu lieu. Depuis, un certain nombre de décisions n'ont pu être prises par consensus. Pour autant, les Russes siègent toujours dans certains des quelque 200 comités d'experts, qui ne représentent pas toujours les gouvernements. «Les discussions prennent parfois un peu de retard en raison des tensions politiques, mais elles ont lieu», explique M. Richard.
La CEE-ONU soutient aussi les plans directeurs de la reconstruction des villes ukrainiennes de Kharkiv et Mykolaïv. Le financement de ces projets a fait l’objet d'un vote, à la demande des Russes.
Autre effet, la nomination de l'ambassadrice moldave à l'ONU à Genève Tatiana Molcean, d'un pays voisin de l'Ukraine, comme secrétaire exécutive constitue un signal significatif, selon plusieurs sources. Celle-ci a remplacé la diplomate slovaque Olga Algayerova, accusée par certains d'être trop proche de Moscou et qui a regagné son ministère.
La thématique de la présidence suisse, décidée par les Etats membres avant son élection, porte sur les changements numériques et verts pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). La Suisse veut aussi mieux faire connaître l'organisation auprès de sa population.
Pour l'avenir, outre la lutte contre le changement climatique, une possible fragmentation économique entre blocs et les questions budgétaires constitueront des défis pour l'entité, affirme également le diplomate suisse.