«Nous voulions former 1 million d’enfants aux bases de la programmation d’ici à 2025. Nous avons atteint l’objectif l’an passé! A l’heure actuelle, nous offrons une formation à environ 400 000 jeunes par an, du jardin d’enfants à la fin du secondaire. Dont 50% de filles. Principalement dans les campagnes. Le but, c’est maintenant d’embarquer 5000 d’entre eux dans quelque 250 clubs de programmation, de sélectionner les 1000 meilleurs pour leur enseigner les rudiments de la finance, de la blockchain et de l’intelligence artificielle. Et de pousser les plus talentueux pour qu’ils développent un projet de start-up. Impossible, c’est le nom de cette initiative.

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Ces chiffres me donnent le tournis, je l’avoue. Nous venons d’ailleurs de gagner le Bett Asia 21st Century Learning Award pour notre travail d’alphabétisation numérique. J’en suis convaincu: la clé pour sortir de la pauvreté, c’est la formation.

De tous mes projets d’entrepreneur, la Fondation Dariu me procure la plus grande satisfaction. Cette veine entrepreneuriale remonte à mon enfance passée à Lucerne. Elève turbulent, j’ai quitté l’école à 16 ans. Sans bac. Apprentissage de libraire dans une maison d’édition. Passion pour les échecs. J’ai par la suite gagné ma vie, assez bien, en jouant aux cartes. Mais en rencontrant ma future femme, Marie-Françoise, en 1973, lors d’un séjour à Cuba, je me suis dit: «Là, il te faut un vrai métier.»

A l’époque, le groupe Ringier cherchait des recrues pour son école de journalisme. J’ai prétendu lire chaque matin les pages économiques de la NZZ et j’ai été pris. A ma grande surprise. J’ai fait mes premières armes à la rédaction économique du Blick. Après un passage dans d’autres publications, je me suis mis à mon compte. Mon ambition: développer des projets éditoriaux pour des tiers et prendre à chaque fois des participations au capital s’ils étaient mis en œuvre. Avec l’hebdomadaire Cash, nous avons prouvé qu’on pouvait rendre l’information économique accessible.

Ce concept, nous l’avons décliné dans toute l’Europe de l’Est. En particulier en Tchécoslovaquie, où nous avons bâti en deux ans le plus grand groupe de presse avec 27 quotidiens et périodiques. Ont suivi la Chine, le Vietnam et, plus tard, plusieurs pays africains avec des sites internet. A la même époque, comme directeur du business développement de Ringier, j’ai contribué à la transformation numérique du groupe. Notamment en faisant l’acquisition de la plateforme de petites annonces Scout.

En 2002, après une discussion en famille, j’ai créé la Fondation Dariu, nommée d’après notre fils; et cela avec l’appui de Ringier, qui nous a d’emblée soutenus. Pourquoi le Vietnam? J’aime les gens, la culture, la cuisine de ce pays. Nous avons ouvert le premier jardin d’enfants au Sud Vietnam – nous en avons créé une quarantaine au total. Après une dizaine d’années d’existence, il nous est apparu que l’informatique était aussi vitale que de savoir compter, lire et écrire.

D’abord nous avons installé les classes dans des camions. Et même sur une barge, dans le delta du Mékong. Nous avons ensuite opté pour des écoles mobiles, faciles à monter et démonter. En 2018, en partenariat avec Google, nous avons lancé une première expérience de collaboration avec l’école publique – 500 établissements aujourd’hui. Le nerf de la guerre, ce sont les enseignants, à qui nous avons transmis les rudiments de la programmation – 11 000 d’entre eux ont suivi notre cursus.

Depuis quinze ans à la tête de la fondation, Nguyen Van Hahn dirige une équipe de 17 collaborateurs. Ils sont d’une efficacité redoutable. Le coût de la formation d’un enfant nous revient à… 2 francs suisses. Nous collaborons avec Google, mais aussi Microsoft, Intel, Qualcomm… qui nous apportent un précieux soutien. Nous menons actuellement deux projets pilotes en Malaisie et au Bhoutan visant à dupliquer notre modèle. Les Philippines, le Laos, le Cambodge et l’Indonésie suivront. Nous offrons dans ces pays une formation à laquelle la majorité des petits Suisses n’a pas droit, me dit-on souvent.»