On hésite entre le phénix, le taureau et le caméléon. A 50 ans, Christophe Rasch s’avère être les trois à la fois. Malin, passionné, fonceur, parfois kamikaze, mais surtout multitâche, le directeur de CNN Money Switzerland a la trempe de ces entrepreneurs «à l’américaine» pour qui rien n’est impossible. Homme de défis, ce costaud barbu carbure à l’adrénaline et aux vertiges que procurent les projets osés dans un écosystème entrepreneurial suisse corseté, où «la prise de risques n’existe quasiment pas».

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Christophe Rasch, lui, abhorre ce qui est convenu et les idées pour «faire comme» qui marchent, mais n’ont rien de révolutionnaires. Il déteste aussi les barrières, qu’elles soient linguistiques, géographiques ou professionnelles. Un gène de dynamiteur profondément ancré dans son ADN qui lui vaut l’admiration des uns et quelques ennemis.

Dans la marmite californienne

Né en 1967 d’un père biennois et d’une mère néo-zélandaise, Christophe Rasch s’immerge très tôt dans la culture anglo-saxonne et la découverte du monde. Il relate les nombreux voyages pour aller voir la famille maternelle disséminée entre Christchurch, le Canada et la Napa Valley californienne. Le jeune homme découvre ainsi les «diversités du monde», entouré de proches au caractère entrepreneurial bien trempé. «Ce côté-là a toujours existé en moi», explique-t-il. Dès l’enfance, le natif de Pully recherche le coup d’avance et promène ses antennes aux quatre coins du monde, mais plus particulièrement du côté de la Silicon Valley qui s’apprête alors à vivre le bouillonnement de la révolution internet. Féru d’innovation, Christophe Rasch se tourne pourtant vers le journalisme dès l’âge de 16 ans dans une radio locale lausannoise. «On l’oublierait, mais le journalisme est un métier d’innovation.» Christophe Rasch n’a pas de plan de carrière, mais il gravit les échelons en picorant dans les différents formats médiatiques pour ne pas s’enfermer dans une pratique. Dans les années 1980, il quitte la radio pour le quotidien 24 Heures, puis revient sur les ondes, à la RSR. En ce tournant des années 1990, les antennes de Christophe Rasch crépitent. 

Du côté du CERN, à Genève, Tim Berners-Lee accouche d’internet. Sur la côte Ouest des Etats-Unis, une contre-culture de jeunes geeks voit le jour et pose les premières pierres de la Silicon Valley. Christophe Rasch se dit qu’il a la baraka. L’époque réunit tous ces dadas: l’innovation, l’entrepreneuriat et le journalisme. L’occasion est trop belle. A 25 ans, il s’envole pour la Californie et devient correspondant pour la RSR, la TSR et la BBC. Christophe Rasch en parle encore aujourd’hui comme d’une époque bénie. A son retour en 1997, Christophe Rasch rejoint la TSR où il dirige la rubrique économique et présente le téléjournal. Mais le virus de l’innovation prend le dessus. En l’an 2000, Philippe Mottaz – qui dirige alors l’information à la TSR – le mandate pour chapeauter le lancement du premier site internet de la Télévision suisse romande.

Course à l’innovation

A 33 ans, Christophe Rasch quitte alors la sécurité du costume de journaliste TV pour celui de directeur de projet. Une transition pas toujours heureuse. «Le passage du cocon d’employé au côté business est très compliqué. Les codes et les enjeux y sont très différents», évoque-t-il. Dix-sept ans plus tard, le cahier des charges peut faire sourire, mais à l’époque, le mandat est pharaonique: pour faire ses premiers pas vers la télévision numérique, la TSR investit 18 millions rien que pour numériser le département de l’information, site y compris. C’est la première fois qu’une télévision du service public entreprend une telle démarche. Christophe Rasch est dans son élément. Son habileté à mener des projets compliqués est très vite remarquée.

En 2001, la course à l’innovation est lancée entre les médias romands. Christophe Rasch profite de cette saine concurrence pour aller picorer ailleurs. Tibère Adler, qui dirige alors Edipresse Suisse, le débauche pour prendre la tête du département TV et multimédia du groupe. Il quitte la TSR non sans quelques passes d’armes avec Gilles Marchand, qui vient d’être nommé à la tête de la chaîne publique. Pendant huit ans, Christophe Rasch insuffle l’image et le son dans les rédactions de presse écrite et se heurte aux réfractaires. Qu’ils le veuillent ou non, ce sera l’avenir, plaide Christophe Rasch.

Ambitieux et opportuniste, l’homme de média mûrit, au sein d’Edipresse, son projet de télévision valdo-fribourgeoise. La Télé voit le jour en 2009 et Christophe Rasch en prend la direction avec la volonté non dissimulée de concurrencer sa grande sœur TSR. Mais la mécanique se grippe. Après Léman Bleu et Canal 9, La Télé est elle aussi accablée par les déboires financiers. Surendettée, la chaîne valdo-fribourgeoise dévoile, en 2014, une perte de 1,5 million de francs sur un chiffre d’affaires de 6,5 millions – après la découverte que certaines recettes avaient été doublées par erreur. Christophe Rasch trébuche, puis tombe en démissionnant avec effet immédiat.

Se casser la gueule publiquement est une chose. Mais les insinuations, c’est encore plus terrible

Déchu, le père de famille affronte la tempête comme il peut, mais ne digère pas les rumeurs sur sa mauvaise gestion au sein de La Télé: «Se casser la gueule publiquement est une chose. Mais les insinuations, c’est encore plus terrible», considère-t-il aujourd’hui. Christophe Rasch fait «profil bas» en attendant que l’orage passe. C’est Daniel Rossellat, syndic de Nyon et directeur de Paléo qui le remet en selle. Les deux hommes se connaissent depuis les années américaines de Christophe Rasch. «Nous échangions beaucoup sur l’innovation, l’actualité et les Etats-Unis, se remémore Daniel Rossellat. A son départ de La Télé, je l’ai invité à manger pour parler de différents projets, dont celui de Nyon Région Télévision (NRTV). Je voulais lui confier un petit mandat pour évaluer les possibilités de survie de la chaîne.» Sur la base des réflexions de Christophe Rasch, le directeur de Paléo esquisse un plan de sauvetage pour NRTV et lui confie le mandat. «J’ai profité de son approche énergique et positive des projets pour aller de l’avant, relève le syndic de Nyon. Christophe Rasch est un fonceur qui a les défauts de ses qualités. Il n’est pas toujours dans la diplomatie. Mais les diplomates ne créent pas non plus des entreprises.» Tous ceux et celles qui l’ont côtoyé soulignent sa franchise et son franc-parler. Un style direct, qui peut dérouter au premier abord, mais qui fait mouche. «Il a envie d’aller de l’avant, n’a pas peur de l’obstacle, mais il est parfois susceptible et face aux critiques, il peut se vexer», confie Daniel Rossellat qui connaît bien «le bonhomme» et apprécie ses innombrables idées.

Un gène de dynamiteur

En 2016, Christophe Rasch revient sur le devant de la scène avec MediaGo. Cette société vaudoise propose la création de contenus journalistiques et adaptés aux canaux numériques. Elle accompagne surtout les marques dans leur marketing digital et leur usage des outils digitaux. MediaGo n’est autre que la rebaptisation de ProTV Ventures, la société fondée en 2010 par Christophe Rasch et derrière la première recapitalisation de La Télé. Avec MediaGo, l’homme de média reprend du poil de la bête. «C’est une personnalité qui parle clairement et ne vient pas vous prendre la tête avec des solutions compliquées», estime Frédéric Bonjour, directeur de la formation au Centre Patronal.

Frédéric Bonjour ne tarit pas d’éloges sur son prestataire qui l’accompagne sur sa stratégie marketing digitale. «Il est très direct, mais surtout très prolifique dans les idées. Il en a toujours une d’avance. Il vous amène à faire des choses que l’on aurait imaginées impossibles. C’est un homme qui nous incite à être plus entrepreneur qu’on ne l’est naturellement. Au sein de mon département au Centre Patronal, ses compétences externes ont fait bouger beaucoup de choses, souligne Frédéric Bonjour. Les résultats sont là.» Depuis 2017, MediaGo est en charge du développement de CNN Money Switzerland. Une décision qui va amener Christophe Rasch à abandonner certaines de ses casquettes. L’objectif de la chaîne suisse en langue anglaise, lui, reste identique: mettre un coup de pied dans la fourmilière de l’industrie médiatique nationale et offrir au monde une fenêtre sur la Suisse. ■