Les banques commerciales alimentent les entreprises et les ménages en financements qui répondent à une multitude d’utilités. Elles prêtent pour l’investissement, pour le fonds de roulement, le logement, les projets personnels comme la formation continue ou la mobilité. Elles transforment les dépôts d’épargne et de liquidités qu’elles collectent en crédits bancaires de toute nature. Ce faisant, elles prennent des risques qui sont rémunérés par des intérêts.
Ainsi, plus le risque potentiel d’un crédit est élevé, plus son prix – le taux – s’accroît et inversement. En Suisse, ce mécanisme de distribution du crédit est efficient et perfectionné. De ce fait, les preneurs de crédit bénéficient d’une intensité concurrentielle prononcée, qui leur permet d’obtenir un coût de financement des plus avantageux et une vitesse de réponse élevée.
Capital de confiance
Lorsqu’elles analysent les demandes de financement, les banques procèdent à de nombreux contrôles sur les risques liés au débiteur et au type d’affaires envisagé. L’entrée en relation contractuelle se fonde ainsi sur un capital initial de confiance. Confiance dans le comportement futur du preneur de crédit, mais aussi confiance dans les explications données sur son passé économique, supposé irréprochable.
Les analyses de conformité sont conçues essentiellement pour protéger l’institut bancaire. Elles sont supposées être totalement neutres du point de vue idéologique. Elles doivent être exemptes de tout favoritisme partisan et de toute discrimination fondée sur les appartenances, les opinions, les religions, les origines ou tout autre paramètre de ce type.
Les banques sont très sensibles aux enjeux de l’environnement (E), de la société (S) et de la gouvernance (G). Leurs actionnaires, leurs clients et leurs collaborateurs s’attendent à ce qu’elles contribuent aux meilleures conditions-cadres dans tous les domaines ESG. Mais comment contribuer à ces nobles enjeux sans faire de discrimination sur la base de critères subjectifs? Le dilemme est central. Il se matérialise au moment de prendre des décisions.
Prenons quelques exemples de prohibitions potentielles: I) le financement, par crédit hypothécaire et leasing d’équipement, d’une halle d’élevage de bovins parmi les près de 28 000 existant en Suisse (contribution au réchauffement par le méthane); II) le financement d’une résidence secondaire parmi les plus de 700 000 que compte notre pays (aberration énergétique si l’on tient compte du taux d’occupation moyen d’un chalet ou d’un appartement); III) le prêt personnel pour un voyage d’études (avec vol vers Harvard ou UCLA) ou l’achat d’un animal de compagnie (un berger allemand produit deux fois plus de CO2 en une année (0,84 ha/an) qu’un SUV sur 10 000 km, selon une étude de l’Université de Victoria (NZ)).
Un enjeu complexe
Les exemples sont innombrables et l’on voit bien par leur prisme que la question environnementale est bien plus complexe que le laisse supposer la complainte sur les suspects traditionnels que sont le charbon, le pétrole et l’aviation (secteur crédité de 2 à 3% des émissions mondiales de CO2 en temps normal). Peut-on ou ne peut-on pas financer le tourisme, les loisirs, les sports mécaniques, la joaillerie, les infrastructures, le cinéma, la blockchain, le streaming, les grands spectacles, l’e-commerce, etc.? That is the question.
Les institutions financières sont déterminées à contribuer à une authentique «finance durable». Mais elles ne sont pas pour autant habilitées à discriminer, de leur fait, certaines catégories d’acteurs économiques, leurs clients, sur une base arbitraire. L’édiction de sanctions, d’exclusions ou de restrictions est une tâche régalienne inscrite dans l’ordre démocratique. Ce fardeau appartient au pouvoir législatif.