L'UBS devait autrefois s'appeler «United Bank of Switzerland», mais n'a ensuite pas pu imposer la marque pour des raisons juridiques (c'est pourquoi «UBS» ne signifie officiellement rien). Mais aujourd'hui, l'appellation serait plus vraie que jamais. Après la reprise du défunt Credit Suisse, il n'y aura plus qu'une seule grande banque en Suisse. La marque traditionnelle Credit Suisse disparaîtra.
La nouvelle UBS dominera la place bancaire helvétique. Que ce soit dans le domaine des hypothèques, de la clientèle d'entreprise, du marché du travail ou tout simplement des comptes d'épargne. A l'avenir, presque plus personne ne pourra se passer d'UBS. Certes, la Commission de la concurrence ne peut plus empêcher la fusion conformément à l'ordonnance d'urgence, et elle n'a que peu ou pas d'influence dans cette affaire imposée par la Confédération.
Mais la taille de la banque va tout de même déclencher des discussions animées. L’UBS doit-elle se séparer de certaines parties parce qu'elle devient trop grande? Voici à quoi ressemble la nouvelle banque issue d'UBS et du CS: un colosse dans un petit Etat.
1. Le personnel: 25 000 postes sur la sellette
La nouvelle UBS emploie 124 500 personnes dans le monde, dont 50 480 proviennent du Credit Suisse. Le total va bientôt changer. Ralph Hamers veut réduire les coûts totaux d'au moins 7,5 milliards de francs d'ici 2027, comme il l'a expliqué dimanche soir lors d'une conférence d'analystes. Dans sa présentation, on peut lire textuellement: «Plus 8bn Dollar run-rate annual cost-reduction, by 2027». En français: d'ici 2027, la base de coûts de la banque sera réduite de plus de 8 milliards de dollars.
L'UBS ne veut pas dévoiler ce que cela signifie pour les emplois. L'annonce permet de tirer cette conclusion: d'ici fin 2026, environ 25 000 emplois seront supprimés dans le monde entier. L'UBS et le CS affichent aujourd'hui des coûts totaux de 40 milliards de francs (24 et 16 respectivement). Selon l'objectif de Ralph Hamers, cette base de coûts doit être ramenée en quatre ans à moins de 32,5 milliards. Cette réduction du personnel peut être mise en œuvre sous forme de licenciements, de retraites anticipées ou de cessions de parties d'entreprises.
Le marché du travail suisse sera également fortement touché. A l'avenir, 37 420 personnes travailleront sous l'égide d'UBS, dont 21 720 proviennent d'UBS et 16 700 du CS. Cela signifie qu'un tiers des banquiers de la place financière suisse travaillera à l'avenir pour une seule banque, l'UBS. A titre de comparaison, le groupe Raiffeisen compte 11 465 emplois et la Banque cantonale de Zurich 5150. Comme le patron d'UBS Ralph Hamers doit faire des économies, il va supprimer les doublons, regrouper le back-office, réduire les effectifs du siège et fermer des succursales. En Suisse, près de 10 000 emplois devraient être sur la sellette. C'est surtout Zurich qui sera touchée.
2. Réseau de filiales: de nombreuses fermetures sont prévues en Suisse
Aujourd'hui, les centres-villes sont marqués par les enseignes UBS et CS. Cela va changer. Le démantèlement des succursales bancaires, que les clients du Credit Suisse en particulier ont déjà fortement ressenti ces dernières années, va s'intensifier. La nouvelle UBS héritera de l'actuel CS de nombreuses succursales dans des endroits où elle est elle-même présente aujourd'hui. C'est ce que montre une évaluation des sites réalisée par la Handelszeitung. Celle-ci montre également que le réseau de succursales d'UBS est nettement plus dense que celui du CS.
Dans 72 communes suisses, UBS et Credit Suisse sont tous deux présents. Dans 94 autres localités, seule UBS est présente. Seules 13 communes suisses sont aujourd'hui exclusivement entre les mains de Credit Suisse.
C'est surtout dans les bons emplacements que les deux banques devraient aujourd'hui être doublement représentées. L'exemple le plus impressionnant est celui de la Paradeplatz à Zurich, où les deux sièges historiques ne sont séparés que par une rue. Mais le traditionnel siège bâlois du groupe UBS est également flanqué d'une grande succursale CS.
Dans de nombreux endroits, l'une des deux succursales sera supprimée. Les fusions bancaires précédentes, comme la fusion de l'Union de Banques Suisses et de la Société de Banque Suisse pour former l'actuelle UBS, l'ont montré.
3. La gestion de fortune: une domination helvétique
Le groupe UBS se concentrera - en plus de la gestion d'actifs - sur la gestion de fortune au niveau international. Avec le CS, la banque issue de la fusion pèse 4500 milliards de francs dans la discipline principale de la gestion de fortune, dont environ 700 milliards proviennent du Credit Suisse. Au total, la nouvelle UBS atteint des actifs sous gestion (y compris la gestion d'actifs) d'environ 5000 milliards de francs.
Pictet, son deuxième concurrent mondial en Suisse, affiche 612 milliards et la banque Julius Bär 106 milliards. L'écart avec la concurrence se creusera encore avec la fusion. La domination est également flagrante dans la gestion de fortune en Asie: le numéro un (UBS) s'associe désormais au numéro quatre. C'est une position attrayante, car le nombre de millionnaires et de milliardaires y augmente chaque jour. Dans diverses régions du monde, les deux banques se complètent: CS est fort en Amérique latine, UBS aux Etats-Unis.
Les chiffres ci-dessus concernant les fonds de clients de l'UBS et du CS se basent sur les valeurs officiellement présentées à la fin de l'année 2022. On sait que Credit Suisse a également connu d'importantes sorties de fonds de clients au cours de la nouvelle année, on parle de dizaines de milliards. Seuls les prochains comptes intermédiaires du Credit Suisse, en avril, permettront d'en savoir plus.
4. Banque d'investissement: forte réduction, concentration en Suisse
UBS emploie encore aujourd'hui 6000 personnes dans sa banque d'investissement, le CS en compte presque trois fois plus (17 000), la plupart à New York et à Londres. Les grands patrons d'UBS Ralph Hamers et Colm Kelleher vont sévir, car ils considèrent que la banque d'investissement est avant tout un prestataire de services pour la clientèle de gestion de fortune. Ralph Hamers a annoncé ce dimanche: «Nous voulons recadrer la banque d'investissement du CS et l'aligner sur notre culture conservatrice du risque». Le président Colm Kelleher a parlé d'un «run down» et de l'objectif d'une approche «capital light».
Par conséquent, quelque 10 000 emplois devraient être supprimés dans ce secteur, principalement à l'étranger. Là-bas, la panique se propage. «Le jeu est terminé», déclare un banquier d'investissement de longue date à Londres, cité par le Financial News. L'unité suisse du CS devrait en revanche être moins touchée, car elle est leader du marché depuis dix ans et jouit d'une formidable réputation auprès des entrepreneurs. Elle est considérée comme agile et innovante. Selon Dealogic, sa part de marché s'élevait l'année dernière à 15,2%, celle d'UBS à 9,1%, suivie par les grandes banques américaines J.P. Morgan et Citi.
En Suisse, la nouvelle UBS sera le prestataire dominant dans le secteur de la banque d'investissement, y compris pour les grandes entreprises. Jusqu'à présent, il y avait deux grands acteurs, UBS et CS, qui se disputaient les entreprises mondiales comme Novartis, Nestlé ou Stadler Rail. La disparition de cette concurrence devrait surtout profiter à la concurrence américaine (J.P. Morgan, Citi), qui a de toute façon le vent en poupe.
5. Marché hypothécaire: jusqu'à 50% de part de marché
La nouvelle UBS sera également dominante sur le marché des hypothèques. A l'échelle nationale, les deux banques détiennent un quart de tous les crédits hypothécaires. C'est ce que montre l'analyse des statistiques de la Banque nationale. A la fin de l'année, UBS gérait un peu plus de 16% de toutes les hypothèques suisses, Credit Suisse près de 10%. Dernièrement, c'est surtout UBS qui a progressé, tandis que le CS a quelque peu diminué en 2022.
Dans certaines régions de Suisse, la part de marché de la nouvelle UBS devrait être si élevée qu'il serait étonnant que la Commission de la concurrence n'essaie pas encore d'y remédier en imposant des conditions. Ainsi, les deux grandes banques contrôlent aujourd'hui près de la moitié de tous les crédits hypothécaires dans le canton de Genève, comme le montre une évaluation de la Haute école de Lucerne. Dans le canton de Vaud, elles représentent 36% et en Argovie 31%.
La domination de la nouvelle UBS aura-t-elle un impact sur les conditions? Florian Schubiger d'Hypotheke.ch doute que la fusion ait une influence sur les marges dans certaines régions. «Aujourd'hui, la clientèle peut facilement comparer les taux en ligne et il y a une centaine de prestataires sur le marché. Cela ne joue donc aucun rôle qu'il y ait maintenant deux ou trois succursales bancaires dans une commune.»
La situation est différente pour les opérations de crédit avec les entreprises. «Là, le lien entre les PME et une banque est beaucoup plus fort, et les montants en jeu sont beaucoup plus importants. De nombreuses PME regretteront d'avoir désormais un grand prestataire de moins à disposition.» Ici, la disparition de Credit Suisse pourrait tout à fait avoir une influence sur les conditions, estime Florian Schubiger.
6. Bilan: UBS hérite (peut-être) de beaucoup de fonds propres
Personne ne sait à quoi ressemble actuellement le bilan de Credit Suisse. Dès lors, les actionnaires d'UBS ne savent toujours pas comment le bilan de leur banque va évoluer suite à la reprise de Credit Suisse. Combien de fonds propres le CS apporte-t-il? Combien en a-t-on consommé ces derniers mois? Dans quelle mesure les actifs et les passifs ont-ils encore diminué?
On ne connaît que la situation à la fin de l'année. A l'époque, UBS disposait d'un total de bilan environ deux fois plus important et d'environ 17% de fonds propres de plus que Credit Suisse. La nouvelle UBS serait donc environ 50% plus grande. En plus des derniers fonds propres de 45 milliards de francs, le CS apporte encore les 16 milliards de francs de fonds étrangers qui sont maintenant convertis - par ordonnance d'urgence - en fonds propres supplémentaires.
Qu'est-ce que cela signifie pour les actionnaires d'UBS? En théorie, leur fortune augmente fortement. En effet, alors que le CS apporte presque autant de fonds propres dans la fusion, les actionnaires du CS ne reçoivent qu'une action UBS pour 22,5 actions. Autrement dit, la majeure partie des fonds propres du CS appartiendra à l'avenir aux actionnaires actuels d'UBS. Toutes choses égales par ailleurs, les fonds propres par action passeraient d'environ 18 francs aujourd'hui à plus de 30 francs. En revanche, les actionnaires actuels du CS perdent la majeure partie de leur fortune dans l'accord instantané négocié. Ils ne détiendront plus qu'une petite part de la nouvelle UBS.
Mais justement. Qui sait ce que le CS rapportera vraiment à la fin? Les réactions de la bourse lundi après l'annonce de la reprise ont été confuses. L'action UBS a d'abord chuté, puis a terminé la journée avec un bénéfice. Personne ne peut vraiment dire combien elle vaut actuellement.