Il n'était pas question que Manuel Emch quitte le monde de l'horlogerie de luxe pour lequel il a tant œuvré. Après avoir quitté son poste d'administrateur délégué de la marque Romain Jerome (dont il a été CEO durant sept années), l'expert est devenu un consultant reconnu dont l'expérience s'avère précieuse pour ses clients ainsi que les médias. Il a créé en 2017 à Zurich sa société, baptisée Le Büro de Manuel Emch, dans une ville qu'il apprécie pour sa qualité de vie et son aéroport bien connecté avec l'Allemagne et d'autres marchés.
«Je suis travaille seul dans ma structure. Après avoir monté des sociétés avec beaucoup de collaborateurs, j'adore cette situation. Je développe des stratégies pour des marques et je les accompagne dans leur croissance. C'est le cas, par exemple en ce moment, pour l'horloger Louis Erard. Mais je suis aussi actif dans la joaillerie, l'hôtellerie ou encore le domaine viticole. Les secteurs varient mais les problématiques restent similaires.»
Crise structurelle et conjoncturelle
Lauréat de plusieurs prix de design horloger notamment avec la Manufacture Jaquet Droz (dont il a été président et CEO de 2001 à 2009), Manuel Emch est également président du conseil d'administration du groupe russe Raketa qui produit et distribue trois marques dans le monde. Très actif, le consultant est aussi à l'initiative d'une filière bachelor en design horloger à l’Université d’Art et de Design de Genève genevois (HEAD) et coache de jeunes entrepreneurs afin de «transmettre ce qu'il a appris, amener sa petite pierre à l'édifice.»
Très prolixe sur le monde de l'horlogerie qu'il connaît si bien, Manuel Emch considère que la situation actuelle est unique: «C'est la première fois que l'horlogerie vit conjointement une crise structurelle et conjoncturelle. Les articles d'entrée et de moyenne de gamme souffrent face aux géants américains comme Apple et leurs montres connectées qui enregistrent des progressions de ventes impressionnantes. Les pressions sur les volumes sont très fortes et le phénomène va en s'accélérant.»
Mais un certain optimisme reste de mise chez le consultant, bien que la production horlogère suisse avoisine cette année celle de 1950. «Avec la crise, une partie des marques suisses de renom font office de valeur refuge dans le monde. On peut anticiper une sorte de polarisation entre ces marques et les objets connectés et, d'autre part, le reste de l'industrie. Les marques qui sauront rester agiles et créatrices pourront tirer leur épingle du jeu sur des campagnes à court terme ou des lancements limités qui fonctionnent fort bien en ce moment. Il faut éliminer les partis pris et privilégier les marchés de niche. Une approche claire de son image est vraiment fondamentale.»