Le 31 janvier, la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) publiait sous le nom d’Abacus Bienne: «Suite à la suppression de cette succursale, l'inscription au Registre du commerce qui s'y rapporte est radiée». C'est ainsi que les employés l'ont appris, quelques jours après une première vague de licenciements, survenue sur les sites romands du groupe informatique, à Bienne et à Genève. 

«C’est un concours de circonstance fâcheux. Il se trouve que Bienne était le seul site du groupe Abacus inscrit séparément au Registre du commerce. En janvier, il a été radié pour être rattaché dix jours plus tard à celui de Wittenbach (SG). Le moment était mal choisi car il y a eu en effet des licenciements à cette même période», explique Laurent Gfeller, directeur marketing d'Abacus Research.

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Après une quinzaine de départs forcés en janvier à Bienne et deux à Genève pour des postes concernant principalement la clientèle grandes entreprises, 11 autres licenciements ont eu lieu vendredi 16 février notamment dans le service aux petites entreprises. La voilure a donc été réduite de près de moitié chez Abacus Research qui partage à Bienne les bureaux avec Abacus Services. Cette seconde entité a vu quelques transferts de collaborateurs vers Abacus Research, mais pas de licenciements prévue à l’heure actuelle. 

En catimini l'automne dernier

«La restructuration est terminée», avait déclaré ce même vendredi la direction de Wittenbach. Pourtant, mardi 20 février, deux personnes du marketing recevaient leur congé à Saint-Gall. Les mesures de réduction des coûts ont commencé en catimini l’automne dernier, faisant suite à la nomination de Christian Huber en tant que co-CEO et CFO. En novembre, la direction a présenté chiffres et stratégie. Parmi les informations, on y apprend que Bienne n’assurera plus le support pour Abacus Tool-Kit, le suivi technique, ni la gestion de production. Le support de AbaBat, AbaReport, le service après-vente, la gestion des commandes, la relation client (CRM) et d’autres services ne seront plus que partiels en Suisse romande. Le support en italien se fera avec une seule personne depuis Bienne ou en anglais par des Business Units. On ne connaît pas l’impact sur la succursale de Lugano, ni sur les quatre autres sites en Suisse.

Lors de cette même séance, les collaborateurs ont été informés que la croissance d’Abacus Research n’était qu’à un chiffre. Alors qu’un an auparavant, l’éditeur suisse de logiciels annonçait aux médias une augmentation de son chiffre d’affaires de 14,8%. Autre mauvaise nouvelle pour les collaborateurs, le télétravail a été annulé pour les personnes à temps partiel et réduit à un jour pour les autres. Ce qui a occasionné des départs «naturels» dans le groupe.

Manque de transparence

«J’ai demandé de conserver le télétravail, car je fais désormais des trajets de 2h40 par jour pour me rendre à Bienne, mais cela a été refusé. J’ai finalement été licenciée dans la vague de février et ma collègue aussi. Notre travail pour le département Swiss21 dédié aux PME sera effectué par notre chef de Saint-Gall avec de l’intelligence artificielle (IA)», mentionne une collaboratrice qui travaille Abacus depuis 3 ans et demi et rattachée à AbaSalary, un logiciel de paiement des salaires très prisé des petites entreprises. 

Comme ses collègues, elle a découvert sur internet que la filiale de Bienne était radiée sur la FOSC. Aucune explication n’a filtré de la part de la direction à ce sujet. Elle a trois mois de préavis et s’interroge sur l’avenir du site de Bienne. «Pour une entreprise élue l'an dernier parmi les meilleurs employeurs de Suisse, ce manque de transparence est étonnant», glisse-t-elle. 

D’autres ont eu moins de chance encore et ont été remerciés séance tenante, comme Frédéric Amstutz, cadre dans la société depuis plus de deux ans. «On a reçu une convocation le lundi pour le mercredi. Le 24 janvier, j’ai été licencié avec neuf autres personnes. J’ai eu 30 minutes pour quitter les lieux et rendre mon badge. La direction de Saint-Gall m’a présenté quelques slides pour dire qu’il n’avait plus besoin de moi et de mes proches collègues. L’intelligence artificielle allait s’occuper du ticketing. Je ne sais pas si Abacus Bienne va fermer, mais il y a un fort désengagement en Suisse romande. Je me fais du souci pour la qualité du support pour les clients», déplore-t-il. Début janvier pourtant, son évaluation signalait qu’il était un élément indispensable de la stratégie d’Abacus. Il n’a pas eu le temps de dire au revoir à ses collègues.

Nouveau directeur pour Bienne et Genève

Implanté à Bienne depuis 2012, l’éditeur de logiciels y a compté près de 100 collaborateurs, sur les 900 que compte le groupe. Ils seraient 48 aujourd’hui chez Abacus Reasearch et 18 chez Abacus Services. Quelle est désormais la stratégie en Suisse romande pour Abacus? Les 65 000 entreprises clientes doivent-elles craindre pour le support et les mises à jour de leurs logiciels?

«Je ne sais pas, répond Laurent Gfeller. Je pense que ça ne va pas changer grand-chose car Abacus a toujours une marge d’avance.» La société fondée en 1985 a investi dans l’IA et compte notamment sur AbacusDeep pour se démarquer et proposer des solutions de comptabilité autonome. 

Le co-CEO Christian Huber, assure que «Bienne reste un site stratégique important. Avec le nouveau directeur de Bienne et Genève, Martin Bühler, qui prendra ses fonctions le 1er avril, nous voulons continuer à développer nos ventes en Suisse romande. Les équipes du Customer Service de Bienne et du siège principal d’Abacus à Saint-Gall vont désormais collaborer davantage. Cela nous permettra de traiter plus efficacement les demandes des clients et d’offrir un meilleur service.» Il confirme également que le site de Genève sera maintenu.

Enquête pour licenciement collectif

Plusieurs collaborateurs ont reçu une information de l’Office régional de placement (ORP) qu’une enquête pour licenciement collectif allait être ouverte. D’autres ont contacté le syndicat Unia. «Selon le code des obligations (art 335d CO), pour une entité de moins de 100 collaborateurs, un licenciement est considéré comme collectif dès que plus de 10 collaborateurs sont licenciés en 30 jours», note Loic Brait, consultant ERP  qui a été licencié le 24 janvier.