Améliorer la vie quotidienne des jeunes atteints de trouble du spectre de l’autisme (TSA), voilà ce qui occupe aujourd’hui entièrement les journées d’Anne-Laure Héritier, cofondatrice et CEO de DiverSsiTy. La start-up, implantée au Campus Energypolis, à Sion, récente lauréate du Prix Créateurs BCVs, a dévoilé le 21 juin dernier un prototype de gaming mêlant réalité mixte (MR) et intelligence artificielle (IA).

également interessant
 
 
 
 
 
 

A l’origine de ce dispositif thérapeutique – qui se présente sous forme de jeux vidéo multisensoriels conçus pour les casques de réalité virtuelle –, un constat: «Un patient atteint de TSA est suivi ponctuellement par son thérapeute, mais il a sa vie! L’autisme affecte la perception. Pour ces personnes, vivre en société demande des efforts considérables, que ce soit au niveau sensoriel, émotionnel ou social. Il nous a paru intéressant de pouvoir s’appuyer sur des outils technologiques, utilisés à la maison, au rythme de l’adolescent qui améliore par ce biais ses compétences, et dont les avancées pourront être suivies par les soignants», explique Anne-Laure Héritier.

Un marché de niche destinés aux jeunes

Le premier jeu, baptisé Urban Magic Garden, travaille sur la planification et l’anxiété sociale. Quatre autres jeux devraient être développés d’ici à mars de l’année prochaine, qui sera aussi consacrée à mener des tests utilisateurs auprès de jeunes patients, en Suisse et à l’étranger, ainsi qu’à mettre en place des études cliniques en vue de prouver leur efficacité – la start-up négocie un partenariat avec le CHUV pour un random test qui sera mené sur six à neuf mois. La commercialisation est prévue pour 2026. Au total, une quinzaine de personnes travaillent pour DiverSsiTy, notamment Laetitia Bochud, directrice de Virtual Switzerland, et Allison Crank, qui supervise les aspects créatifs (gaming, scénario, artistique).

La start-up valaisanne vise un marché de niche dans le secteur des digital therapeutics, où se profilent des géants de la Silicon Valley comme Apple ou Meta. Reste que celui-ci est conséquent: les personnes nées avec un TSA sont souvent également affectées par d’autres comorbidités, en particulier le TDA-H (trouble du déficit d’attention avec ou sans hyperactivité). «En Europe, selon des données datant de 2019, un enfant sur 65 est atteint de TSA et des chiffres plus récents aux Etats-Unis font état d’un enfant sur 33. Pas une seule personne n’est pas concernée, de près ou de loin, par l’autisme ou l’hyperactivité, que ce soit dans sa famille ou parmi ses amis», souligne Anne-Laure Héritier. Selon l’OMS, environ 1% de la population mondiale souffrirait d’un TSA accompagné ou non de TDA-H, un chiffre en hausse de 12% par an!

La start-up a choisi de cibler les jeunes âgés de 13 à 25 ans car la sortie de l’enfance est une période souvent très délicate pour ces derniers, qui se retrouvent parfois déscolarisés en raison de leur trouble. «Nous sommes en lien avec l’association Autisme Suisse romande. L’attente d’approches personnalisées et non médicamenteuses est énorme. La neurodiversité n’est pas un handicap et les jeunes, tout comme les médecins et les thérapeutes, peuvent devenir des acteurs du changement. C’est ce que nous visons avec DiverSsiTy», s’enthousiasme la Genevoise aux racines valaisannes.

Fibre entrepreneurial

L’intérêt d’Anne-Laure Héritier pour la santé mentale ne date pas de 2024, année de la fondation de sa start-up. La serial entrepreneuse, formée au management, aux ressources humaines et à la philosophie, a fondé en 2008 sa fiduciaire, Capital Emergence, à Genève. «Celle-ci a évolué au fil du temps dans la gestion de projets, qui est devenue ma spécialité. J’ai pu alors travailler pour des sociétés et des industries, notamment sur des projets liés au médical, au paramédical et à la santé mentale», confie-t-elle.

En 2018, elle fonde avec Philippe Zwahlen, un partenaire basé en Chine, la société genevoise SIMC (Swiss International Medical Center), qui sera mandatée pour créer, en 2021, le Center for Exceptional Children (CEC), le premier centre pour enfants autistes en Chine, qui accueille aujourd’hui 180 enfants à Putian, dans la province du Fujian. C’est là qu’Anne-Laure Héritier, alors Head of Innovation pour SIMC, se familiarisera avec l’autisme, son diagnostic, la prise en charge médicale et l’enseignement adapté aux jeunes souffrant de TSA.

«DiverSsiTy est un spin-off de SIMC, qui a reçu l’appui d’Innosuisse. J’ai commencé à travailler sur une solution qui a un impact réel sur la vie quotidienne du patient dès 2022», précise-t-elle. Il y a deux ans, Anne-Laure Héritier mène de premiers tests avec la réalité virtuelle, une technologie qui ne convainc pas dans le cadre des thérapies pour les enfants autistes, les thérapeutes se disant coupés de leurs patients. En 2023, l’arrivée de la réalité mixte, qui permet d’amener des éléments virtuels dans le champ de vision, donne un nouvel élan. Une équipe pluridisciplinaire de neuf spécialistes de l’autisme (pédopsychiatre, psychomotricien, etc.) donne son expertise et, en 2024, DiverSsiTy est officiellement fondée.

«Plus largement, la santé mentale est un domaine en pleine expansion et concerne pratiquement tout le monde, si j’ose dire. Car plus on avance dans la compréhension du cerveau, plus on découvre des manières différentes de percevoir les choses, soit une véritable neurodiversité. Les casques, avec l’eye tracking, permettent par exemple de fournir des informations sur la santé mentale de la personne. L’objectif de DiverSsiTy est de commercialiser des solutions thérapeutiques personnalisées et cliniquement validées pour plus de 50 000 patients autistes, leurs médecins et thérapeutes dans les six prochaines années.»