Le citron caviar de Niels Rodin: la surprise craquante

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Anne-Sophie Pic a découvert le citron caviar de Niels Rodin en ouvrant son restaurant du Beau-Rivage de Lausanne.
© Blaise Kormann

Il y a une quinzaine d’années, Niels Rodin a quitté le monde des banques pour devenir agrumiculteur. Au fil du temps, l’ex-financier a accumulé un savoir-faire dont peu, en Europe, peuvent se targuer. Aujourd’hui, ce sont plus de 150 variétés d’agrumes qui s’épanouissent dans ses serres à Borex (VD). Parmi elles, le citron caviar.

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«Ses petites billes sont reconnaissables au premier coup d’œil, décrit Niels Rodin. Mais gare aux imposteurs! Le vrai citron caviar n’a pas d’odeur lorsqu’on déchire ses feuilles, alors que le faux diffuse une senteur de citronnelle.» Pour sa part, Niels Rodin a introduit le vrai citron caviar à Borex il y a cinq ans, mais pas n’importe lequel. Car il existe deux variétés de citron caviar: l’australien et l’européen. Alors que le premier a une forme allongée et est protégé par un brevet depuis plusieurs décennies, le second, de forme un peu plus ronde, est bizarrement libre de droits: c’est donc pour des raisons purement administratives que la variété européenne est cultivée sur les hauts de Nyon.

Les agrumes de Niels Rodin sont recherchés par les plus fins connaisseurs, principalement de grands restaurateurs. Parmi eux, Anne-Sophie Pic, qui a découvert le citron caviar de Niels Rodin lors de l’ouverture de son restaurant au Beau-Rivage de Lausanne. «La première fois que je l’ai utilisé, c’était pour le marier à de l’asperge blanche et à du café. L’agrume apportait là une nuance acidifiée à l’amertume des deux autres produits», se souvient la cheffe triplement étoilée, qui apprécie particulièrement les agrumes pour «l’amplitude aromatique qu’ils offrent, les goûts différents selon la saisonnalité et le degré de mûrissement», en particulier «dans des desserts peu sucrés, comme condiment».

Message entendu par Thibaut Honajzer, son chef pâtissier depuis septembre 2019. Dans son «Tout-Agrume», dessert à la carte de cet hiver, se retrouvent ainsi 6 grammes de citron caviar éclatant, marié à une mousse légère au yuzu, une gelée au curcuma et à la vanille, une huile d’olive parfumée aux feuilles d’agrumes, du cédrat confit, du citron vert, de la main de Bouddha… «L’intérêt du Citrus australasica réside dans son côté «surprise craquante» et dans la délicate rétro-olfaction qu’il véhicule», note le chef pâtissier.


Le caviar Oona: l’or noir des eaux alpines

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Antoine Gonnet, le chef du 42, aime sublimer un plat avec du caviar.
© Prune SIMON-VERMOT

Du côté bernois du Lötschberg, à Frutigen, l’entreprise Oona Caviar profite aussi de l’eau chaude jaillissant du Lötschberg pour produire du… caviar. Une denrée qui symbolise à elle toute seule l’idée du luxe gastronomique. Ainsi le célèbre caviar Beluga Tsar Impérial de Petrossian tutoie les 11 francs le gramme. Chez Oona – dont le nom, dérivé du celte, signifie «l’unique» ou «l’extraordinaire» –, les œufs d’esturgeon les plus chers sont vendus à 3 fr. 50 le gramme pour la version «jeune», livrés quelques jours seulement après la récolte.

L’idée de ce véritable caviar des eaux alpines est née dans l’esprit d’un ingénieur, Peter Hufschmied, qui travaillait à la construction du tunnel de base du Lötschberg et qui s’est demandé comment utiliser l’eau jaillissant de la montagne à 18°C. La température idéale pour les esturgeons sibériens, dont les premières générations débarquent à Frutigen en 2005.

Dans l’Oberland bernois, tout est réalisé à la main et débute par le prélèvement des gonades (organes sexuels qui produisent les gamètes) chez l’esturgeon femelle et l’extraction des œufs qui s’y trouvent (le futur caviar). Soigneusement lavé et rincé à répétition, l’or noir est ensuite salé et affiné selon le type et la mise en valeur gustative souhaitée. «Oona est l’un des rares producteurs de caviar à renoncer au borax (additif anti-champignons, ndlr), explique la porte-parole de la société. Nous l’affinons avec un sel très pur afin de préserver les qualités au maximum. Pour le caviar, ce sont les petits détails qui font la différence.»

Le caviar, Antoine Gonnet l’apprécie surtout «pour la diversité qu’il y a entre chaque sorte: couleur, taille, goût des grains». Dans son restaurant version chalet moderne, Le 42, à Champéry (VS), le chef aime beaucoup l’utiliser pour sublimer un plat: «Tartare de bœuf, huître, citron vert et caviar, ce sont des plats que j’adore!» Il nous glisse aussi que, à la petite cuillère, les petits grains noirs sont parfaits avec une coupe de champagne ou… un shot de vodka Beluga. La boucle est bouclée.


Le bœuf Wagyu: le luxe (in)carné

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Le bœuf wagyu fait partie des incontournables à la table de l’Ermitage des Ravet, à Vufflens-le-Château.
© Nicolas Righetti / Lundi13

Dans les pâturages du petit village de Vulliens (VD) paissent des vaches pesant des centaines de kilos pas tout à fait comme les autres: des bœufs wagyu appartenant à Christophe Chappuis. Plus connue sous l’appellation japonaise de bœuf de Kobe, cette viande est le luxe (in)carné. «L’intérêt du wagyu, ce qui fait sa particularité, c’est le persillage de sa viande, explique Guy Ravet, chef à l’Ermitage des Ravet, à Vufflens-le-Château (VD), où ce produit est devenu un incontournable. Sa graisse intramusculaire permet une explosion de saveurs et une richesse en bouche dont on se souvient longtemps après.» Le chef le cuisine volontiers en entrecôtes épaisses grillées à la plancha, accompagnées par exemple d’un pain perdu doré à la graisse de wagyu, une compotée de chou et du gingembre mariné.

Mais, on le sait, ces sensations gustatives sont le résultat d’un long travail et d’un savoir-faire précis. «Il y a plusieurs facteurs importants, explique Christophe Chappuis. Les propriétés propres à cette race, évidemment, mais aussi l’âge: il faut trois ans à un wagyu pour arriver à maturité, une seule année seulement pour le limousin. Et le dernier aspect est, évidemment, une alimentation riche en sucres mariée à un taux d’activité bas. C’est comme pour les humains, en fait.» Il précise que ses bêtes peuvent toutefois paître dans les champs, c’est pour lui une question d’éthique et de respect.

Christophe Chappuis a commencé à élever des bœufs wagyu en 2017 et a pu produire ses premiers lots de viande l’année dernière. «Actuellement, nous tuons deux bêtes de 900 kilos de poids vif chacune par année (250 kilos de viande consommable) et les vendons en lots de 5 kilos, comprenant toutes les parties de l’animal, pas que des entrecôtes. Pour l’heure, nous n’avons pas encore assez de production pour fournir des restaurants.» Raison pour laquelle Guy Ravet continue, pour l’heure, de se fournir au Japon, «où la viande a une qualité extraordinaire et où nous avons des partenaires de confiance depuis longtemps».


Le safran du Jorat: 100 grammes de récolte annuelle

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Rafael Rodriguez, de l’Abbaye de Montheron, a choisi de n’utiliser le safran du Jorat qu’en desserts.
© DR

Vous trouvez le caviar onéreux? Alors ne lisez pas le chiffre concernant le safran… A 50 francs le gramme, les pistils orangés sont plus chers que de l’or brut en barre! Reste que l’utilisation du safran est très parcimonieuse: «Quelques stigmates suffisent à préparer une glace, explique Rafael Rodriguez, chef de l’Auberge de l’Abbaye de Montheron. Nous en concoctons régulièrement et c’est une saveur qui plaît beaucoup.»

Mais qu’est-ce qui rend cet ingrédient si onéreux? «Outre la légèreté générale du produit, c’est la récolte, qui est longue et très précise, révèle Jean-Daniel Cavin, duu Safran du Jorat, également à Vulliens. Durant tout le mois d’octobre, je passe chaque matin cueillir les fleurs mûres encore fermées, puis je les émonde avant de sécher les stigmates une vingtaine de minutes à 50°C. Dernière étape, les placer en pots hermétiques afin que le safran fasse ses arômes un mois au minimum.»

Petite leçon de mathématiques: chaque bulbe de safran donne une à huit fleurs, qui elles-mêmes portent un pistil chacune, donc trois stigmates. Sachant qu’il faut environ 170 fleurs pour faire 1 gramme, ce ne sont pas loin de 510 stigmates – coupés individuellement – qui constituent 1 gramme!

En 2019, la récolte de Jean-Daniel Cavin s’élevait à 100  rammes. Il est aidé par des amis pour ramasser le safran au ras du sol et ainsi couper précisément les stigmates. Labellisé Demeter (biodynamie) depuis janvier 2020, le cultivateur de Crocus sativus fait également appel à des canards, à des oies et à des dindes pour manger les limaces ou autres ennemis du safran. «Ça fonctionne vraiment bien, et en plus, ils broutent l’herbe en trop», se réjouit-il.

A Montheron, Rafael Rodriguez a décidé d’utiliser le safran de Jean-Daniel uniquement en desserts. «Ce safran est très subtil, précise-t-il, et son goût serait masqué par des ingrédients plus forts que l’on utilise facilement en plats salés. En douce crème, sa saveur ressort vraiment bien!» La seule exception réside dans les bao, sortes de petites brioches asiatiques, que Rafael Rodriguez aime préparer en partant d’une base de cuchaule…


La perche Loë: retour aux sources

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Romain Paillereau, chef de la Pinte des Mossettes, a eu un véritable coup de cœur pour les perches Loë.
© Prune SIMON-VERMOT

Nous sommes en 1994, à Chavornay (VD), où un biologiste nourrit le projet d’élever des lots de perches en pontes décalées, ce qui serait une première pour une aquaculture en Suisse. Vingt-six ans plus tard, la petite idée a bien grandi et c’est à Rarogne (VS), au pied du Lötschberg, que pondent 12 fois par an 12 lots de perches 100% helvétiques.

Pour comprendre ce qui fait la renommée de La Perche Loë, il faut d’abord savoir que, dans des conditions naturelles, la perche pond une fois par année, en mai. Ensuite, c’est tout simple: «On met les perches par lots de géniteurs (provenant initialement du lac de Neuchâtel) dans 12 bassins, explique David Morard, directeur de La Perche Loë. Chacun des bassins se trouve dans des conditions saisonnières différentes, ce qui décale la perception que les perches ont du temps et, ainsi, de la période de ponte. Le tournus des bassins fait qu’il y a chaque mois un groupe de géniteurs qui se retrouve en période de ponte, en «mai artificiel». Cela permet une production continue et de pouvoir livrer toute l’année, tout en gardant les poissons dans un élément de qualité, et sain.»

De l’œuf jusqu’au filet, une perche reste ainsi quatre mois à Chavornay et huit mois à Rarogne. Nourrie naturellement, elle est ensuite étourdie puis électrifiée, et aussitôt glacée afin de préserver sa chair ferme. Et tout cela dans des conditions de vie respectueuses: eau pure et naturellement chaude (18°C, qui permet de ne presque pas chauffer), oxygénée et renouvelée toutes les 45 minutes dans des bassins en «recirculation». L’eau est ainsi filtrée et nettoyée avant de ressortir propre dans le Nordkanal, juste à côté.

C’est la qualité de cette perche, de surcroît en pisciculture, qui plaît tout particulièrement à Romain Paillereau. «J’ai commencé à travailler la perche Loë il y a quelques années et j’ai tout de suite été surpris par la qualité et la fermeté de sa chair», explique le chef de la Pinte des Mossettes, qui aime l’associer au foie gras et au pollen de fleur dans une entrée tout en textures. La proximité et la traçabilité l’ont également séduit: «C’est clair que je n’aurais pas eu le même coup de cœur si l’on m’avait proposé un poisson étranger. Le fait que l’élevage est proche est un point plus que positif», ajoute-t-il.