Artisans de Genève, 19 collaborateurs en interne et tout un réseau d’indépendants. Un atelier horloger à part. Un atelier d’étage, sans vitrine, qui ne travaille que sur commande, en direct, pour une clientèle privée qui vient ici pour une raison très simple: personnaliser des montres de marque ou, selon les mots de John Isaac, créateur et dirigeant, «ajouter un supplément d’âme, rendre unique ce qui est né multiple».

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L’histoire d’Artisans de Genève commence par un battement d’ailes. Les ailes d’un papillon. Un papillon, blanc, rouge et rose, qui prend son envol un soir, à Paris, et se pose au matin sur le cadran d’une montre à couronne, jaune comme un soleil. Puis l’ouragan, passionnel, qui bouleverse la vie de John Isaac. C’était en 2005, il avait 25 ans, il cherchait sa voie, il venait de la trouver. Son papillon l’a mené partout, lui a ouvert les portes des ateliers d’artisans horlogers hors pair et les salons très privés des collectionneurs de montres, même de quelques célébrités: Lenny Kravitz, Spike Lee, Juan Pablo Montoya, Rubens Barrichello, Andrea Pirlo, John McEnroe, Mika Häkkinen, Lance Armstrong, etc.

La personnalisation, «une aspiration»

John Isaac ne savait pas non plus que ce papillon, qu’il avait lui-même dessiné, le mènerait de Paris à Genève et ferait de lui un passeur, un passe-muraille, go-between entre l’horlogerie institutionnelle et les artisans, au service d’une clientèle en quête de quelque chose que les grandes marques, légitimement focalisées sur la production en série, ne peuvent simplement pas lui offrir: la personnalisation.

La personnalisation, explique John Isaac, n’est pas une fin en soi, c’est «une aspiration», un «désir profond d’exprimer certains détails personnels de vie». Alors John Isaac et son équipe entendent ces désirs et les traduisent geste à geste dans des montres déjà chargées d’histoire. Ils ne font pas de montres. Ils ne vendent pas de montres. Comme leur confiera un fameux chef français, client: «Vous êtes des marchands de souvenirs.»

Isaac

Rendre singulier ce que les marques de prestige produisent en série.

© David Wagnières

Car la personnalisation est un parcours et le client en est l’épicentre. Toujours. Tout vient de lui. La demande. La montre. Les envies. «Le défi est d’abord de comprendre les raisons ayant conduit ce client à l’achat de telle ou telle montre de marque. Ensuite, il faudra l’écouter dans sa recherche de personnalisation et découvrir toute la complexité et la richesse de sa personnalité.» A charge de l’équipe d’Artisans de Genève de l’accompagner, discussions, dessins, plans, puis de réaliser la pièce, unique, dans les règles de l’art horloger, au sens large, de la plus pure tradition de l’horlogerie faite main aux technologies les plus avancées, comme l’usinage du carbone ou le rechargement de matière au laser. Le client suit le développement, en dialogue constant avec l’atelier et les artisans. Tout cela prend du temps, précise John Isaac: un bon mois pour la préparation, cinq à six mois pour la réalisation. Le budget est en conséquence.

«La seule façon de communiquer avec les artisans est de parler leur langage.»

 

Le modèle est aujourd’hui rodé, mais rien ne serait arrivé sans l’envol du papillon. En 2005, John Isaac se cherchait. Etudiant en droit à Paris brillant par ses absences. L’horlogerie avait déjà un pied dans sa vie – une Jaeger-LeCoultre reçue de son grand-père – mais pas d’évidence. Son grand-père, tailleur, lui avait aussi donné le sens de l’artisanat et des artisans, et c’est encore lui qui lui mettra finalement la loupe à l’œil: il l’envoie faire un stage chez une connaissance, le propriétaire des cadrans Stern, à Genève. John Isaac a 23 ans, il y reste deux mois. Il poursuit chez Jean-Pierre Scherrer, maître boîtier et prototypiste à Carouge, nouveau stage, trois mois.

John Isaac

Chaque composant est repris, travaillé, transformé, décoré, à la main. 

© David Wagnières

Genève l’a ferré, mais Paris l’appelle. Il veut rejoindre la capitale, devenir indépendant. Il rentre avec une adresse, atelier Huguet, service après-vente. Il y rencontre le chef d’atelier, Christian Delaquaize, l’horloger assurera la suite de son compagnonnage. «La seule façon de communiquer avec les artisans est de parler leur langage», lui enseigne-t-il. La transmission est engagée. Il fait connaissance avec «la mécanique horlogère et tous ceux qui sont derrière». Il se construit une culture horlogère: «J’ai compris que derrière une montre il y a une centaine de métiers.»

Tout est fait sur commande

Une fête se prépare, on cherche un présent pour une amie passionnée de montres. Idée: une Rolex vintage. Problème: le cadran est endommagé. Solution: restaurer le cadran. Question: c’est quoi une restauration? Réponse: c’est tout refaire à neuf. Révélation: tant qu’à restaurer, autant personnaliser, et l’amie en question est aussi passionnée de papillons… «Elle reçoit la montre. Elle adore. Quinze minutes plus tard, toutes les femmes de la soirée voulaient aussi que leur montre soit personnalisée.»

John Isaac a 25 ans, il se lance, crée un label à son nom. Le modèle d’affaires s’impose de lui-même et ne changera pas: tout est fait sur commande – et assure ainsi le flux de trésorerie – et sans communication, les poignets de ses clientes, et clients, en amènent d’autres – aujourd’hui, il estime qu’un client en amène deux.

John Isaac

Quelques exemples. Au client de décider jusqu’où il veut aller.

© David Wagnières

Le papillon fait tellement de bruit à Paris que les oreilles de la boutique Colette en bourdonnent. Puis tout s’emballe. En un an, une trentaine d’autres enseignes de luxe relaient les personnalisations de John Isaac, partout dans le monde, Monaco, Los Angeles, Japon, Hongkong, Russie, Allemagne, Grande-Bretagne, Suisse, Moyen-Orient… «C’était inexplicable. Je n’arrivais plus à suivre.»

La personnalisation demeure une petite spécialité au sein de l’industrie horlogère, mais le phénomène prend de l’ampleur. La demande se concentrant sur les montres de prestige, des questions émergent: «Le geste est inhabituel pour l’horlogerie – contrairement à l’automobile – presque iconoclaste, irrévérencieux.» La réponse sera la transparence: la personnalisation est une démarche privée, totalement déconnectée des marques.

Customiser une Rolex Daytona

Au tournant de la décennie 2010, John Isaac a déjà quitté Paris pour Genève depuis quelques années, mais il est toujours seul à bord. Sa notoriété fleurit, une idée bourgeonne, une marque dédiée aux enfants, John Isaac Little: «J’ai été formé à l’horlogerie alors que je n’avais pas encore 10 ans, mais aujourd’hui il n’existe toujours pas de vraies montres pour les enfants.» Il fait entrer des investisseurs. Les vues divergent: il veut rester artisanal – «mon ADN» – et travailler en direct, sans agent et sans points de vente, les investisseurs visent le volume et la distribution. L’accord dure un an.

«Notre modèle ne peut fonctionner qu’à l’échelle artisanale»

 

En 2011, John Isaac repart ainsi en solo. A ce moment-là, la personnalisation était devenue un petit business, avec ses modes. En 2011, la vogue était au noir, «tout était passé en noir». Mais dans l’esprit de l’entrepreneur, la personnalisation, c’est plus qu’une mode, c’est «[sa] vie». Il remonte donc une structure qui lui correspond, avec un nom qui expose d’emblée le programme: Artisans de Genève.

John Isaac

Les horlogers sont au cœur de l’entreprise. Celle-ci se développe au rythme des artisans: l’objectif n’est pas dans la croissance, mais dans la maîtrise des métiers.

© David Wagnières

Un petit cercle de collectionneurs le suit. La demande se construit pas à pas. Puis un jour, «hasard», un collectionneur lui montre une Patek squelettée (montre dont le mouvement est ajouré): «Comment fait-on cela?» John Isaac veut savoir, il monte à la vallée de Joux, sa «première sortie hors de Genève». Lorsqu’il retrouve la plaine, il est prêt à changer de ligue. L’impulsion viendra du pilote Juan Pablo Montoya, qui veut customiser une Rolex Daytona. Elle sera squelettée et entièrement retravaillée. Chaque composant sera repris, anglage, satinage, toutes les finitions sont revues, à la main.

Le programme Playground

La montre est achevée. Les images sont publiées. L’impact est immédiat. La demande déborde. Mais que faire de cet afflux quand la croissance, limitée par essence, ne peut pas être la finalité? «Notre modèle ne peut fonctionner qu’à l’échelle artisanale», confirme John Isaac. Il décide de répondre en transformant sa réputation en responsabilité et se met en tête de transmettre, de faire savoir le savoir-faire. En commençant par l’enfance, là où tout avait commencé pour lui. Première étape, fin 2022, le programme Playground est lancé: les horlogers encadrent, les petites mains apprennent le fonctionnement d’un mouvement mécanique. La suite est déjà sur rail, un concept centré sur «les métiers en voie de disparition» sera lancé prochainement, accompagné d’une gazette.

 

 

Bio express
  • 2005 John Isaac dessine sa première personnalisation, un papillon sur le cadran d’une Rolex vintage: une vocation est née.
  • 2018 Le pilote Juan Pablo Montoya demande aux Artisans de Genève de customiser une Rolex Daytona: l’atelier devient une référence dans sa catégorie.
  • 2022 John Isaac lance Playground, un programme d’initiation destiné aux enfants: sa manière de rendre ce que l’horlogerie lui a donné.