Originaire de la région de Chambéry, Stéphane Exartier a connu une belle carrière en équipe de France de ski alpin de 1991 à 1999, participant notamment aux Jeux olympiques d’Albertville. C’est durant cette période qu’il a rencontré son épouse Anna, elle aussi skieuse, et désormais sa partenaire à la ville comme au bureau. Après sa retraite sportive et son installation en Suisse, il intègre l’industrie du ski, travaillant successivement chez Dynastar Suisse puis Scott International. Ces expériences lui ont permis d’acquérir une connaissance approfondie du secteur, tant sur les aspects commerciaux que techniques.

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«J’ai réalisé qu’il y avait trop de marques de ski, trop de modèles, observe-t-il. Il faut vraiment être très pertinent et faire attention à ce qu’on fait parce qu’il s’agit d’un marché hyper-concurrentiel.» Cette analyse lucide l’amène à identifier un créneau qui lui paraît sous-exploité: celui des skieurs simplement à la recherche de confort et de légèreté, là où les grandes marques proposent des modèles dédiés à la pratique du freeride et du freestyle.

Stéphane Exartier a connu une belle carrière en équipe de France de ski alpin dans les années 1990

Né en 1969 à Chambéry, Stéphane Exartier a connu une belle carrière en équipe de France de ski alpin dans les années 1990, notamment aux Jeux olympiques d’Albertville.

© Louis Garnier/XO Ski

XO Ski, une marque née de la simplicité et de l’excellence

Fort de ce constat, il crée en 2011 la marque XO Ski à travers sa société baptisée Exonde, basée à Ursy (FR). «Cela relevait pourtant de l’inconscience dans un business dominé par des acteurs historiques solidement établis», admet Stéphane Exartier. Face aux géants du secteur, aux marques renommées et à la distribution établie, il choisit de se différencier par l’excellence et l’authenticité. Les lattes siglées XO utiliseront uniquement des matériaux nobles et traditionnels. «J’aime les choses simples et qui fonctionnent très bien», note-t-il.

Une stratégie qui impliquait aussi de trouver le bon partenaire industriel. Stéphane Exartier s’est mis en quête d’un fabricant capable de remplir un cahier des charges exigeant. «Je ne voulais pas aller dans une grosse usine travaillant déjà pour les grands noms, souligne-t-il. Je voulais une fabrique de taille moyenne qui soit évoluée et modernisée, capable de faire des choses qui se répètent avec un gage de qualité.» Il choisit finalement un site de production en Pologne qui fournissait les snowboards haut de gamme Burton avant leur délocalisation en Asie.

Cette approche vis-à-vis de la qualité s’étend également à la durabilité: «Pour moi, une approche écoresponsable consiste déjà à concevoir des produits qui durent longtemps. Au lieu d’avoir des skis qui, en location, seront jetés au bout d’une saison parce qu’ils sont complètement détruits, nous avons opté pour la qualité, même si elle doit aller de pair avec un surcoût de 15 à 20%. Mais au final, après quatre ou cinq ans, nos skis sont toujours viables.»

La stratégie de développement s’est voulue progressive et méthodique. Les premiers pas se font en Suisse, où la marque valide son concept auprès des revendeurs locaux. Stéphane Exartier démarche lui-même un à un les magasins de sport spécialisés, n’hésitant pas à faire essayer à ces spécialistes les prototypes de présérie afin de recueillir leur avis et d’en tenir compte sur le ski finalement fabriqué. «J’ai validé les produits avec nos magasins partenaires en Suisse que j’ai dès le départ impliqués dans le développement en étant attentif à leurs besoins.»

Faute de budget publicitaire capable de rivaliser avec les grands acteurs du secteur, XO privilégie là aussi une approche directe pour se faire connaître du consommateur final. Pas de marketing traditionnel donc, mais des journées tests organisées avec les magasins partenaires qui invitent leurs clients afin de leur mettre des paires de skis XO aux pieds. «Pendant les dix premières années, nous nous sommes concentrés sur ces journées d’essai, toujours avec notre partenaire magasin de la station en question. C’est lui qui a son carnet d’adresses et qui connaît ses clients.»

Une expansion internationale pas à pas

Le positionnement prix est soigneusement calibré: «Nous nous plaçons au tarif des modèles haut de gamme des généralistes. Malgré notre positionnement premium et notre qualité de fabrication, nous ne sommes pas totalement déconnectés des prix de marché.» Une stratégie qui permet à XO de s’imposer progressivement sur le marché de la location, qui représente 80% du business dans le ski alpin. Après avoir convaincu les détaillants suisses, Stéphane Exartier reprend son bâton de pèlerin pour s’atteler à l’internationalisation de sa marque. L’expansion suit un rythme précis: «En gros, tous les trois ans, j’ai ouvert un autre pays.» Il commence par s’attaquer, logiquement, à la France, son pays d’origine. «J’ai aussi démarché les premiers magasins en personne. Avant de voir la couleur d’une première commande, le processus de référencement dans des boutiques s’avère parfois très long, cela peut s’étaler sur plusieurs saisons.» Il s’attaque ensuite à l’Autriche et à l’Italie. Pour ce faire, il crée une filiale de sa société Exonde en France, facilitant ainsi les transactions sur le territoire européen.

Les Etats-Unis représentent un défi particulier: «J’y suis allé 22 fois en six ans, j’ai failli abandonner. Je me suis dit: «Si je n’ai pas la commande cette fois-ci, j’arrête.» Au final, la persévérance paie avec une première commande de Gorsuch, l’une des plus prestigieuses chaînes de boutiques de ski aux Etats-Unis. Pour en arriver là, l’entreprise a dû s’adapter aux spécificités de chaque marché. Les skis y sont plus larges qu’en Europe: «Leurs pistes sont bien plus étendues et beaucoup moins raides. Ils y font du cruising, des courbes longues.» Là aussi, un bureau Exonde est installé.

Après dix ans de croissance maîtrisée, l’année 2021 marque un tournant majeur avec l’arrivée de nouveaux investisseurs. «J’étais arrivé au bout du cycle. J’ai validé le produit et la marque sur différents marchés. Tous les paramètres étaient au vert. Donc pour moi, c’était le moment de passer un cap.» Il lève alors des fonds en effectuant un nouveau tour de table. Objectif: développer le réseau de vente en s’offrant les services d’agents commerciaux expérimentés, mais aussi développer l’image grâce à la mise en place progressive de campagnes marketing.

La marque de ski suisse XO Ski

Les skis sont fabriqués en Pologne, par l’ancienne fabrique de snowboards haut de gamme Burton.

© XO Ski

Diversification et montée en gamme: les clés du succès

Aujourd’hui, XO Ski propose une famille de marques comprenant quatre labels distincts, chacun répondant à des besoins et aux attentes spécifiques du marché que Stéphane Exartier a pu identifier sur le terrain au cours de la décennie passée. XO se concentre sur la légèreté et la performance, avec des modèles à partir de 900 francs sans les fixations, misant sur une construction en bois et fibre de verre. QEO, orienté vers une approche plus sportive avec du titane dans sa construction, se positionne autour de 1200-1250 francs, offrant plus de rigidité et de performance pure. Le One occupe le segment luxe, avec des prix démarrant à 1450 francs et proposant des finitions exclusives et des performances ultimes.

Créée l’hiver dernier, la dernière-née L5F1 représente une diversification audacieuse en se consacrant entièrement au télémark. «Je ne connaissais rien au télémark, explique Stéphane Exartier. Mais j’ai rencontré un enthousiaste de la discipline qui non seulement en maîtrise toutes les spécificités, mais qui est également très bon au niveau commercial et marketing. Je me suis aperçu qu’il n’y avait aucune marque vraiment dédiée au télémark. C’est une communauté qui n’est pas très visible mais qui est composée de vrais passionnés, qui pratiquent beaucoup, qui sont très connaisseurs en matériel et qui s’équipent bien. Ensemble, nous avons imaginé un projet qui réponde à ces besoins spécifiques. Et j’ai dit: «OK, on y va!»

Cette stratégie multimarque vise une meilleure pénétration du marché: «Lorsque vous démarchez une nouvelle boutique, elle exige souvent l’exclusivité de votre marque pour la station. Proposer plusieurs labels permet de contourner cet obstacle et d’ouvrir plusieurs points de vente au même endroit, avec les mêmes commerciaux et les mêmes frais.»

Une visibilité mondiale grâce à Emily in Paris

La production actuelle du désormais groupe Exonde s’élève à 3500 paires par an, toutes marques confondues. La stratégie mise en place à la suite des derniers investissements devrait rapidement permettre d’augmenter ce chiffre en visant les 10 000 paires. Une croissance qui pourrait prochainement connaître un boom grâce à une apparition dans la série à succès Emily in Paris. Le personnage joué par Lily Collins y apparaît chaussé d’une paire de skis XO dans plusieurs scènes tournées à Megève. Alors que les producteurs de la série ont la réputation d’user et d’abuser de placements de produits de luxe, Exonde a bénéficié d’un concours de circonstances avant de voir cette publicité mondiale lui tomber gratuitement du ciel. «Nous bénéficions déjà d’une forte présence à Megève grâce à des partenariats noués avec les établissements les plus prestigieux de la station. Le ski-room de l’hôtel Four Seasons, où logeait l’équipe du tournage, disposait justement de toute notre gamme de skis, explique Stéphane Exartier. La styliste de la série a trouvé leur design super cool, sobre et innovant, et bingo!»

La marque suisse XO ski a bénéficié d'un véritable buzz planétaire en apparaissant dans «Emily in Paris»

La marque suisse a bénéficié récemment d’un véritable buzz planétaire en apparaissant dans «Emily in Paris». L’héroïne de la série à succès arbore le modèle V7.

© DR

Cette visibilité inattendue a notamment conduit à des initiatives exclusives, dont une expérience qui devrait être proposée cet hiver à Megève. «Elle consiste à ouvrir les pistes aux participantes dès 7 heures du matin. Après un petit-déjeuner de bienvenue, les skieuses pourront emprunter les pistes fraîchement balisées et encore immaculées pour s’y photographier ou se filmer sur les traces d’Emily, accompagnées par un moniteur de ski. Nous allons faire en sorte qu’elles soient équipées en XO.»

L’histoire de XO Ski illustre qu’il est encore possible de créer une marque premium dans un secteur mature, à condition d’avoir une vision claire, une approche authentique et la patience nécessaire à la construction d’une relation de confiance avec ses partenaires et ses clients. Comme le résume Stéphane Exartier: «Il faut arriver à créer de l’émotion humaine lors du contact, et de l’émotion aussi à l’utilisation des produits. Selon moi, il s’agit du point le plus important.»