«Les salles d’escalade ne sont plus des lieux obscurs et intimidants comme on pouvait le voir il y a encore quelques années. Dans nos salles, grimpeurs aguerris et apprentis se retrouvent pour s’amuser et restent après leur séance de sport pour boire une bière et manger une pizza.» Avec Totem Escalade, la chaîne romande de salles de grimpe qu’il a cofondée, Killko Caballero veut démocratiser la pratique. En imaginant des espaces conviviaux et accueillants pour les débutants, cet ancien développeur informatique de la Silicon Valley a su provoquer un engouement pour la discipline.
L’entrepreneur de 61 ans d’origine allemande et bolivienne a connu un vif succès dès son arrivée dans le milieu. A l’origine, Totem était une petite salle d’escalade située à Gland (VD) qui projetait de fermer. En 2016, Killko Caballero rachète les parts avec trois amis. L’objectif: faire de l’escalade en salle le nouveau fitness. Les espaces permettent de faire du bloc, c’est-à-dire que les parois sont suffisamment basses pour ne pas nécessiter d’assurage. Deux ans plus tard, les entrepreneurs ouvrent trois autres salles à Versoix (GE), à Ecublens (VD) et à Vevey (VD). Alors qu’en 2016 Totem Escalade comptabilisait 30 000 visites dans une seule salle, elle dénombre plus de 180 000 visites sur ses quatre espaces en 2019. Aujourd’hui, l’entreprise emploie 92 personnes.
Une autre vie
Killko Caballero a mené une tout autre vie avant d’en arriver là. Il commence sa carrière comme développeur en Suisse pour Apple. En 1987, il quitte le pays pour la France, où il dirige une société de capital-risque d’innovation. Installé près des gorges du Verdon, il grimpe souvent pendant son temps libre.
La suite de sa carrière l’entraîne dès 1987 en Californie, où il vivra pendant vingt et un ans. Il développe notamment des programmes de visioconférence, convaincu qu’ils deviendront des modèles d’avenir. Son travail de développeur informatique à la Silicon Valley se révèle chronophage, et il n’a plus le temps pour l’escalade sur falaises, situées loin des bureaux. «C’est là que j’ai découvert l’escalade en salle, explique-t-il. La tendance était alors en pleine expansion. La première salle aux Etats-Unis a ouvert en 1987. En 2018, on en recensait 517.»
Actuellement, la Suisse compte près de 2% de grimpeurs, contre environ 4,5% en France ou aux Etats-Unis, selon lui. En voyant les salles combles et l’explosion de ce marché, l’idée de créer un jour son propre club germe dans son esprit. L’escalade a également fait son entrée au sein des disciplines olympiques en 2020, favorisant la popularité croissante de ce sport. C’est ainsi comme une évidence pour lui, alors qu’il rentre en Suisse en 2016, que Killko Caballero se lance dans Totem Escalade.
Des salles de grimpe lumineuses, des prises aux couleurs flashy, des espaces de yoga et un coin bar-restaurant: ces lieux flairent plus la détente et les loisirs en famille que la compétition internationale. En effet, 80% des clients de Totem n’ont jamais grimpé avant de pousser la porte d’une salle. «Viser les débutants correspond à notre business plan, précise Killko Caballero. Nous sommes une sorte de fabrique à grimpeurs.» Pour les attirer, l’entreprise est active sur les réseaux sociaux et mise sur les offres croisées, destinées aux enfants par exemple, en collaborant avec des associations locales.
Aucune limite
«Le marché suisse est restreint de par la taille du pays, mais la population a un haut pouvoir d’achat et les gens dépensent pour leurs loisirs», constate Killko Caballero. Dans un pays de montagnes, tout le monde a entendu parler d’escalade, «ce qui peut aussi susciter des craintes pour des parents qui ne souhaitent pas que leurs enfants grimpent un jour sur des sites dangereux», remarque-t-il. Mais dans les salles, la discipline est sécurisée. «Le grimpeur ne risque rien et l’ambiance est détendue.» L’entrée adulte est fixée à 16 francs et il n’est pas nécessaire de s’engager sur la durée, une volonté de l’entrepreneur: «On peut venir essayer tous les jours, contrairement aux fitness où on est rapidement contraint de s’abonner pour une longue durée, ajoute l’entrepreneur. C’est également une activité sportive idéale à pratiquer en famille.»
Avec le Covid-19, son goût du défi a été testé jusque dans ses retranchements. «Je suis un peu dégoûté. La deuxième vague a été très mal gérée, c’était ubuesque.» Pour lui, les annonces d’ouverture et de fermeture des centres de loisirs et des restaurants changeant à la dernière minute, la gestion des stocks et le planning des employés sont devenus impossibles à anticiper. Killko Caballero reste néanmoins confiant: «On ne va pas mourir et, après cette période de doute, on repartira à fond.»
La retraite, il ne veut pas en entendre parler. «Mais je suis à la retraite. Je n’ai pas la passion de la pêche ou de la chasse. Mon plaisir à moi, c’est de créer.» Il est notamment actif auprès de l’entreprise vaudoise Technis, qui a développé une solution de comptage de personnes au sol. Depuis le mois d’avril, il cherche de nouveaux financements pour Totem Escalade. Pour ouvrir de nouvelles salles? «On ne se fixe aucune limite, soutient l’entrepreneur, qui aimerait s’étendre en Suisse, et même pourquoi pas à l’étranger. Et si on décide de s’étendre, à Zurich, par exemple, on ouvrira tout de suite deux ou trois salles en même temps, pour créer un effet réseau.»