Preciflex, entreprise de 30 collaborateurs à Neuchâtel, a fait sa quarante-septième demande de dépôt de brevet à la fin du mois de mai et sa quatrième levée de fonds est en phase de closing. Cette dernière n’aurait pas eu lieu si une divergence entre actionnaires n’avait précipité la liquidation des montres HYT, à Neuchâtel, au début du mois de mars. La levée de fonds, explique Grégory Dourde, 49 ans, CEO de Preciflex, servira à finaliser «certaines technologies fluidiques ou utilisant la lumière». Ces technologies devraient trouver leurs principaux débouchés dans l’univers du luxe, mais pas seulement, car elles ont aussi un pied dans le médical à travers le spin-off Preci Health. Et c’est précisément pour ne pas compromettre les développements en cours que le tour de table a été lancé.

Contenu Sponsorisé
 
 
 
 
 
 

Reprenons. Au cœur de toute l’activité, il y a Preciflex, entreprise B2B qui est loin d’être une entreprise habituelle. Elle a poussé comme un cristal autour d’une matrice et cette matrice est une technologie utilisant la microfluidique mise au point par un ingénieur en physique nucléaire, Lucien Vouillamoz.

Point de départ dans le médical

Par exemple: un dispositif de prise de sang ou d’injection sans manipulation, autonome et décentralisé (idéal pour une campagne de vaccination), en cours de prototypage (plusieurs levées de fonds ont déjà eu lieu sur ce projet, via Preci Health). Par exemple: l’affichage de l’heure sur une montre à l’aide de fluides qui se déplacent dans des tubes fins comme des capillaires et toutes sortes d’autres affichages organiques offerts à la fantaisie des designers. Par exemple: un humidificateur portable pour cigare haut de gamme. Etc.

L'entreprise de 30 collaborateurs à Neuchâtel a fait sa quarante-septième demande de dépôt de brevet à la fin du mois de mai. 

Le point de départ est dans le médical, le luxe est en sus. Grégory Dourde: «Nous sommes plus des acteurs du médical qui introduisent leur technologie dans le luxe que le contraire.» La suite est logique. Technologie en main, Lucien Vouillamoz se rapproche de Patrick Berdoz (frère de l’opticien du même nom), figure de l’investissement medtech. Un noyau d’actionnaires se forme autour d’eux dès 2010, qui donnera naissance à Preciflex, aux montres HYT, puis à Preci Health (spin-off officialisé en août 2017). A l’exception de HYT, le projet global se cristallise sur le B2B, avec l’idée de développer dans un large spectre des applications pour une clientèle spécifique prête à en payer les licences exclusives. Clés en main en quelque sorte, puisque Preciflex s’occupe de tout le développement, technologie, ingénierie, machines, production, etc.

MediaSlot: ImageContainer #image_3_6124fed1bc0d4

Nous sommes plus des acteurs du médical qui introduisent leur technologie dans le luxe que le contraire.

Grégory Dourde, CEO de Preciflex

L’adoption de l’innovation étant particulièrement lente dans le médical – cycle du «time to market» entre six et dix ans eu égard aux exigences réglementaires. Trop lent pour faire connaître la technologie et la diffuser à large échelle. L’horlogerie de luxe servira donc de vitrine. Mais le secteur est conservateur et, pour ne pas freiner l’adoption de l’innovation, la décision est prise d’allumer le moteur avec une marque développée en interne, sur une base actionnariale très proche de Preciflex «mais pas exactement identique».

Cette marque est baptisée HYT (pour Hydro Mechanical Horologists) et introduit la microfluidique au cœur de la mécanique horlogère, avec tout un système d’indication du temps complexe et complètement nouveau. Du très haut de gamme qui fait parler, qui trouve gentiment son propre marché et qui attire les premiers clients externes. Au début, HYT est l’unique client de Preciflex. Avant sa liquidation, HYT représente encore 30% du chiffre d’affaires et l’ensemble de la clientèle luxe représente près de 70% – dont quelques grandes marques universelles qu’il n’est pas possible de désigner ici. Les 30% restants sont couverts par le médical, pour l’instant uniquement des développements, il n’y a pas encore de réalisations commercialisées – Grégory Dourde signale tout de même une «accélération» en 2020. Luxe ou médical, le modèle d’affaires est le même, basé sur la vente de licences d’application exclusives.

HYT, une parenthèse

La liquidation des montres HYT ne devrait être qu’une parenthèse, des discussions sont avancées avec un potentiel repreneur et, selon Grégory Dourde, «les choses peuvent aller très vite». Toujours est-il que les ambitions commerciales sont vastes: «La technologie n’est pas destinée à rester confinée dans des spécialités.» La direction évoque un champ d’application vaste et diversifié. Le médical, bien sûr, reste le parangon de l’affaire, avec un potentiel de croissance phénoménal une fois la barrière de l’homologation franchie. Il est aussi question de joaillerie et, bien entendu, d’horlogerie. Mais pas uniquement dans le segment de la haute innovation d’élite (une montre HYT coûte plusieurs dizaines de milliers de francs), également dans la montre grand public. Un territoire d’expression que la Suisse ne doit pas abandonner, souligne Grégory Dourde, prenant à témoin le déclin des volumes d’exportations sur ce segment de prix.

Le microfluidique est la science et la technique des systèmes manipulant des fluides dont les dimensions sont de l'ordre du micromètre.

Les levées de fonds successives ont aussi servi à la mise au point de démonstrateurs – «proof of concept» – qui, selon la direction, «sont assez matures pour finaliser des accords», potentiellement au plus haut niveau des industries du luxe. L’équipe de Preciflex est persuadée de ses prochains succès, d’autant plus que le coffre à brevets ne comporte pas que des solutions de microfluidique, la maison s’étant aussi développée dans la lumière high-tech. Un autre territoire de choix pour l’horlogerie, mais pas seulement. Car le principe est toujours le même: lancer tous les ponts possibles entre les domaines d’application, du luxe au médical. La prospection est ouverte et les  connexions entre ces deux mondes sont déjà nombreuses.

«Ce qui m’embêterait le plus, conclut l’ingénieur de formation passé par Cartier et Swatch Group, est que la Suisse passe à côté de belles choses.»