«Enfant, je vivais déjà à Vucherens (VD), dans une vieille ferme rénovée en pleine nature près des racines agricoles de mes grands-parents. Je cueillais des fleurs des champs pour ma mère ou pour me faire des colliers. Je parlais aux arbres… Cette belle connexion ne s’est jamais estompée. Quand il a fallu choisir un apprentissage, j’ai naturellement opté pour fleuriste.
Je pratique cette activité qui répond à mon amour de la nature et à mon côté créatif depuis bientôt vingt ans. J’ai travaillé les quinze premières années dans le même magasin, qui mettait en avant les fleurs suisses plutôt que celles importées de parfois très loin. Mais même là, on finissait par jeter 20% des fleurs fraîches achetées. Plus le temps passait, plus je peinais à accepter ce gaspillage. J’ai alors commencé à faire sécher ces fleurs pour étoffer des compositions personnelles.
Puis, un jour, je suis allée voir le documentaire Home au cinéma. Quelle claque! Je suis sortie de la salle de cinéma en pleurant. J’étais en colère, en total désaccord avec ce monde de surconsommation qui détruit notre environnement. Le besoin viscéral de vivre plus en harmonie avec mes valeurs m’appelait, tout comme celui de donner un bon exemple à mes deux filles, Margaux et Lila, de 10 et 8 ans.
Ce changement personnel profond a fini par poser problème au travail et, en 2016, j’ai été licenciée. Ce fut une chance, car ma personnalité ne me portait guère à quitter cette sécurité, fût-elle étouffante. Rapidement, j’ai lancé mon atelier en indépendante avec 30 000 francs d’investissements tirés de mon deuxième pilier et d’un prêt de ma famille. Je l’ai nommé La Petite Fleureuse, contraction de «fleur» et d’«heureuse». Je travaillais sur le domaine de mon mari, qui, porté lui aussi sur un chemin de prise de conscience, commençait à se reconvertir de camionneur à paysan. J’ai fait beaucoup de marchés pour me faire connaître et, là, mes compositions de fleurs fraîches du jardin et de fleurs séchées ont séduit.
On m’a mandatée pour des mariages, des fêtes, des enterrements, des workshops. Je me suis même mise à louer mes bouquets. L’air du temps m’est également favorable puisque je m’inscris dans le mouvement «slow flower» – qui consiste à utiliser des fleurs locales et de saison dans un souci d’écologie –, qui prend de l’ampleur en Suisse.
Même le secteur de niche de la fleur séchée, devenue un objet déco recherché, est en plein essor. En mars 2021, j’ai aussi ouvert un atelier-boutique à Mézières, dans le canton de Vaud. Je n’ai pas fait de publicité mais les clients sont présents. Au fil des ans, j’ai créé ma clientèle sans avoir de business plan clairement élaboré mais en suivant mon intuition. A 36 ans, je me sens à ma place: je touche des gens avec qui je partage la même éthique, ce qui est important pour moi, surtout en ces temps incertains.»