Comment transformer des déchets plastiques flottant sur l’océan pour en faire un tissu noble destiné à des multiples usages? C’est la question sur laquelle travaille Winter & Company depuis un an et demi. En est née Toile Ocean, une toile intégralement conçue en PET marin recyclé. Ce matériau high-tech couvrira des livres, des agendas, des classeurs, des menus de restaurant, des écrins de bijoux ou des étuis réservés à l’horlogerie ou à la cosmétique.
Le PET recyclé (rPET) n’est pas une nouveauté, alors concrètement, qu’est-ce qui est novateur? «Il y a deux aspects importants dans notre démarche, mentionne Christoph Borer, le CEO de Winter & Company. L’impact social d’abord, avec un salaire décent pour les pêcheurs qui récupèrent et lavent les bouteilles en Thaïlande, aux Philippines et en Indonésie principalement. Par ailleurs, l’impact environnemental, avec la réutilisation de bouteilles en plastique usées par le soleil et la mer, un plastique de mauvaise qualité qui n’était pas revalorisé.»
Collaboration avec Tide Ocean
Pour cela, l’entreprise active dans plus de 40 pays a fait appel à la start-up bâloise Tide Ocean. Celle-ci contrôle les conditions de collecte et les salaires sur place. Elle s’occupe également de rapatrier les bouteilles par bateau en compensant les émissions de CO2 du trajet. Puis Tide Ocean transforme le plastique en granulats de qualité grâce à un procédé mécanique sans agents chimiques. Une fibre, puis une toile résistante et lavable naissent de ces granulats. Au final, 1 m2 de Toile Ocean contient 5,2 bouteilles en PET océanique. A noter que pour chaque mètre de Toile Ocean vendu, 1% des ventes est reversé à la protection des eaux.
«Pour la première commande, nous avons utilisé 80 000 bouteilles en PET marin et pour la seconde, en préparation, il s’agira probablement de 155 000 bouteilles, se réjouit Christoph Borer. Nous avons lancé cette Toile Ocean en juillet et j’observe que l’intérêt est déjà bien supérieur à d’autres matières que nous avons créées.» L’entreprise, qui a déjà fourni des couvertures pour des best-sellers comme Harry Potter, évoque un potentiel de recyclage de 75 millions de bouteilles en PET rien qu’avec le premier tome de ce seul ouvrage.
De quoi manquer de matière première? «Ne pas pouvoir livrer des commandes parce que nous n’avons plus assez de bouteilles en PET marin est un problème que j’aimerais avoir! Il n’y a pas de risque dans l’immédiat», note-t-il. Car on ne parle pas ici de bouteilles en PET égarées, mais de décharges entières qui passent dans les rivières et les océans à chaque pluie.
Winter & Company connaît bien la question du recyclage, ayant développé du cuir, du velours ou encore du coton recyclés. «La capture des déchets est certes devenue un business et les prix augmentent, poursuit-il. Mais en même temps, cela signifie que des processus de collecte et de recyclage se mettent en place. Prenez l’exemple du papier de couleur. A l’époque, on le jetait. Aujourd’hui, on le recycle comme un autre. Cela implique que tous les acteurs du marché se mobilisent.»