Des familles qui se déchirent… à vie. D’autres qui émigrent aux quatre coins du monde. Dans un cas comme dans l’autre, le contact se perd avec le temps, au fil des nouvelles générations. Lorsqu’un membre du clan décède, il arrive dans pareille situation qu’il se retrouve sans héritiers connus. Du moins en attendant le travail d’enquête de Sogeni. La PME vaudoise est l’une des principales sociétés de généalogie successorale internationale en Suisse. Fondée en 1994 par Edith Jardin, elle est dirigée depuis quelques mois par Manuel Bonnet.

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Son mandat? La recherche d’héritiers par la fouille minutieuse des états civils, des listes de recensement, des registres fonciers et paroissiaux, des enregistrements militaires et scolaires ou encore des offices des impôts dans différents pays: «Nous menons nos recherches proactivement en réponse aux besoins de la justice de paix ou des exécuteurs testamentaires, ou alors à la demande des institutions financières qui veulent faire toute la lumière sur des comptes dormants», précise Manuel Bonnet.

Entre journalisme et enquête policière

Selon son dernier rapport annuel, l’ombudsman des banques suisses a reçu 453 requêtes en 2020 de la part d’ayants droit de comptes dormants, dont un certain nombre étaient représentés par Sogeni. Il a traité 517 dossiers d’héritiers présumés, dont 28 ont connu une issue favorable. A cheval entre le journalisme, l’enquête policière et l’histoire, l’équipe de huit personnes combine ses compétences pour débloquer les situations successorales.

A commencer par la généalogie, grande passion de la fondatrice de Sogeni: «La généalogie nous permet de remonter très loin dans l’arbre familial de la personne décédée afin de déterminer qui sont les ayants droit et les héritiers légaux d’une succession ou d’un compte dormant, poursuit Manuel Bonnet. Il faut ensuite établir formellement et rigoureusement les droits de ces bénéficiaires au moyen d’actes officiels d’état civil. L’autre aspect de notre métier, c’est l’enquête de terrain aux quatre coins du monde. Notre objectif est de mettre en contact les héritiers avec les personnes qui gèrent les successions.»

Mais avant d’en arriver là, les experts de Sogeni s’immergent dans les détails du droit successoral et des méandres des administrations. Juristes et généalogistes grattent et fouillent à la recherche d’une pièce qui permettra d’établir le puzzle final. Ce travail minutieux peut vite devenir chronophage et volumineux en termes d’informations récoltées. Il y a aussi parfois de fausses pistes. Afin d’éviter la noyade, Sogeni peut compter sur l’expertise d’une cheffe d’orchestre administrative: «Elle mène de front une multitude de dossiers, formule les réponses aux administrations afin d’accéder à toutes les sources d’information», détaille Manuel Bonnet.

Sogeni traite entre 200 et 250 dossiers par an. La PME vaudoise entre exclusivement en action sur les cas de succession compliqués: «Il s’agit très souvent de familles éclatées avec le temps, disséminées à l’étranger ou victimes de ruptures fortes du lien familial et des contacts. Le point commun au départ étant le décès d’une personne sans enfants ou parents proches connus», précise le directeur de Sogeni. Dans plus de 80% des cas, les recherches de la PME débouchent sur des enquêtes à l’étranger: «La loi exige que l’on recherche autant que possible tous les héritiers légaux. Si on ne trouve personne, c’est le canton ou la commune qui récupère l’héritage. Sogeni remplit donc une mission de service à la fois pour les personnes chargées de régler les successions et pour les ayants droit de celles-ci.»

Une chasse aux héritiers qui peut prendre des années

Dans la plupart des cas, la chasse aux héritiers prend quelques mois. Mais parfois, elle peut prendre des années. A l’instar de ce dossier, ouvert en 2010 et bouclé dix ans plus tard: «Ce cas de succession comprenait la liquidation d’un patrimoine important, se souvient Manuel Bonnet. Il y avait plusieurs biens, des collections d’art notamment.» Dans ce dossier, Sogeni a retrouvé une trentaine d’héritiers disséminés aux Etats-Unis et en Suède. Certains étaient très âgés et sont même décédés avant le règlement de la succession. Il a donc fallu reprendre les recherches et creuser plus loin dans l’arbre généalogique.»

Sogeni ne communique pas son chiffre d’affaires, mais ses activités de niche se maintiennent bien au fil des ans. Grâce notamment à la mobilité croissante des familles. Sogeni génère ses revenus sur des mandats rémunérés à l’heure ou d’une commission sur l’héritage dégressive en fonction du montant en jeu. Ponctuellement, les sommes avoisinent plusieurs centaines de milliers de francs, voire le million. Parfois, il ne reste que 5000 à 6000 francs sur le compte. L’affaire n’est donc pas rentable. Mais c’est le jeu: «Dans 95% des cas, nous ne connaissons pas le montant de l’actif au moment de démarrer les recherches, insiste Manuel Bonnet. Ce principe, qui s’applique à tous les professionnels du domaine, permet de s’assurer que les généalogistes ne choisissent pas leur bataille et travaillent pour tous les ayants droit potentiels quel que soit l’enjeu.»