C’est un grand pas vers une meilleure prise en charge thérapeutique des troubles du spectre de l’autisme (TSA), qui toucheraient près de 1,5% de la population mondiale. Une avancée majeure que l’on doit à Stalicla, fondée en 2017 sur le Campus Biotech (Genève) par Lynn Durham. La société travaille sur une approche pharmacologique de l’autisme et vient de terminer avec succès une étude clinique de phase 1b pour le premier médicament de précision destiné au traitement des TSA.
Vous êtes chercheuse et entrepreneuse. Qu’est-ce qui vous a poussée à développer une approche alternative dans la prise en charge des TSA?
Lynn Durham: J’ai un rapport très personnel avec le spectre de l’autisme. Mes parents, médecins et neuropsychologues, se sont intéressés à l’autisme pour des raisons personnelles. Ce sont eux, entre autres, qui dans les années 1980 ont développé, avec d’autres chercheurs, les tests d’observation standardisés pour diagnostiquer les TSA et fait connaître les prises en charge basées sur l’éducation structurée et comportementale en Europe francophone. En France, ils ont énormément agi afin de promouvoir le droit à l’éducation des personnes avec autisme et bannir les prises en charge nocives, notamment au niveau législatif. Aux Etats-Unis, j’ai grandi dans un centre de recherche sur l’autisme. Cela fait partie de mon parcours de vie.
Quel a été l’élément déclencheur qui vous a fait quitter votre carrière au World Economic Forum pour la recherche dans le domaine du spectre de l’autisme?
De par mon parcours de vie, mais aussi un attrait personnel pour la biologie et la compréhension des systèmes complexes, je me suis intéressée aux aspects biologiques sous-jacents au diagnostic comportemental. L’autisme, comme d’autres types de troubles neuro-développementaux – par exemple les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité ou même des troubles comme la schizophrénie –, est encore aujourd’hui défini de manière comportementale. C’est-à-dire qu’après son observation comportementale, le clinicien va établir un score qui définit si la personne est autiste ou non. Ce diagnostic ne repose pas sur des bases biologiques.
Pourquoi cette approche biologique est-elle importante?
Les personnes autistes présentent aussi davantage de comorbidités. Cette prévalence de comorbidité nous offre la possibilité de catégoriser biologiquement les patients et donc de développer des traitements plus adaptés. J’ai ainsi voulu mieux comprendre la biologie sous-jacente à ces pathologies.
Vous avez obtenu un master en histoire économique et un master d’école de commerce, avant de vous diriger vers le développement pharmaceutique. Vous êtes un ovni dans les biotechs?
Oui et non, dans le sens où, si j’ai vécu toute ma vie auprès de la communauté des chercheurs spécialisés en autisme, je dispose également d’un master of science en essais cliniques et développement pharmaceutique. J’ai acquis une connaissance profonde en biologie de l’autisme qui me permet de faire partie des comités de lecture de publications scientifiques ou de présenter les avancées de Stalicla dans des conférences scientifiques spécialisées.
Quels sont encore les freins à lever?
Comme toujours, c’est l’argent. La recherche pharmaceutique coûte très cher. Nous sommes en train de finaliser une levée de fonds avec un objectif de 65 millions de francs. Cela représente le coût de deux essais cliniques en phase 2. Nous nouons également plusieurs partenariats dans la biotech. Il y a aussi la réticence au changement de certains cliniciens, mais c’est en train de changer.