Les professionnels de l’entretien des textiles n’ont pas le moral. Les mesures prises durant la crise sanitaire et la généralisation du télétravail ont eu un fort impact sur les activités de la branche, qui représente 7000 emplois en Suisse. Ainsi, 95% des entreprises de nettoyage à sec ont été confrontées à une baisse de la demande de la part de leurs clients, selon l’Association suisse des entreprises d’entretien des textiles (ASET). L’enquête relève que trois quarts des entreprises interrogées ont connu un recul du chiffre d’affaires de 20 à 40% lors du premier semestre 2021 et que 40% d’entre elles ont dû procéder à des licenciements durant cette période.

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Et voilà que, au moment où les dernières mesures anti-covid ont été levées, la branche fait face à une hausse sans précédent des prix de l’énergie et des textiles. Or la consommation d’énergie représente entre 5 et 7% des dépenses totales des blanchisseries et des entreprises de nettoyage à sec. «La branche a entrepris plusieurs actions pour réduire sa consommation. En outre, l’utilisation de l’eau, des produits chimiques et de l’énergie est beaucoup plus consciente qu’il y a quelques années, remarque Melanie Saner, secrétaire générale de l’ASET. De nombreuses entreprises membres ont par exemple adhéré au programme de l’Agence de l’énergie pour l’économie et s’engagent à réduire activement les émissions de CO2 et à améliorer l’efficacité énergétique.» La responsable souligne cependant que les actions en matière de durabilité sont malheureusement souvent liées à des dépenses supplémentaires.

La problématique «Les prestataires de services textiles ne peuvent pas supporter seuls ces coûts. Ils doivent donc être répercutés sur le client, mais la question est toujours de savoir si celui-ci est prêt à les supporter», s’interroge Melanie Saner.

L’automatisation des processus à l’aide de machines modernes ou de systèmes de marquage compte parmi les pistes pour réduire les coûts, observe la secrétaire générale de l’ASET: «Tout ce qui a trait à l’augmentation de l’efficacité est prometteur, car les marges sont souvent très faibles.» Reste que de telles adaptations ne sont pas évidentes à mettre en œuvre, d’autant plus qu’elles s’ajoutent à un investissement de départ élevé: une machine de nettoyage à sec classique coûte entre 60 000 et 100 000 francs, auxquels il faut ajouter d’importants frais d’installation.

Les professionnels sont aussi confrontés aux changements d’habitudes des consommateurs: avec la généralisation du télétravail, cravates et costumes sortent moins souvent du placard. Une partie du public se montre aussi toujours plus méfiante face à l’usage encore très courant de solvants comme le perchloroéthylène, classé comme nocif pour la santé par plusieurs pays.

Conséquence: on assiste depuis quelques années au développement de pressings estampillés «écologiques» ou «durables». Serhat Açig fait partie des précurseurs de cette tendance. En 2016, le jeune homme a investi ses économies pour lancer son premier pressing spécialisé dans l’aquanettoyage à Yverdon-les-Bains. Son entreprise, Egen Textile Care, compte désormais six enseignes à travers la Suisse romande, dont quatre inaugurées l’an dernier sous forme de franchise.

Elles emploient toutes des machines de nettoyage à l’eau et des produits biodégradables et visent tant les privés que les entreprises. Phénomène nouveau, constate Serhat Açig, une augmentation du nombre de clients âgés entre 18 et 23 ans depuis l’année dernière. Egen Textile Care indique ne pas avoir augmenté ses prix depuis cinq ans et préfère temporiser face à la hausse annoncée des coûts d’énergie.

L’avantage «Nous avons aussi l’avantage que nos cycles de nettoyage durent trois fois moins longtemps que ceux du nettoyage à sec, ce qui représente autant d’économies», explique Serhat Açig.

L’entrepreneur genevois Mohammed Zinbi s’en sort lui aussi grâce à l’aquanettoyage. Son commerce, lancé il y a quatre ans, a enregistré une augmentation de son chiffre d’affaires de 30% entre 2020 et 2021, et affiche une progression de 140% en comparaison annuelle à fin mai 2022. Le propriétaire du pressing Naïades, situé au centre-ville de Genève, reçoit des clients de tout le canton, mais aussi de France voisine ou du canton de Vaud. «Les gens veulent de plus en plus être rassurés par rapport aux produits que nous employons, observe l’entrepreneur, dont les lessives et les emballages sont estampillés biodégradables. Quand on y ajoute une moindre utilisation en eau et en énergie et un résultat qualitatif, la somme de ces arguments fait la différence.»