En tant que responsable du développement et des constructions au Club Med, le rôle de Grégory Lanter et de ses équipes consiste à réhabiliter des resorts existants, mais aussi à trouver les bons sites à travers la planète pour en développer de nouveaux. Par ailleurs, il est chargé d'élaborer la stratégie montagne du groupe français. Un secteur où le Club Med, qui compte au total 70 complexes touristiques dans 26 pays, reste particulièrement actif, comme le démontrent ses deux projets les plus récents, la réhabilitation du site de Val d’Isère et l'inauguration d’un nouveau resort à Tignes, deux projets terminés en décembre de l’année dernière.
En tant qu'acteur important du tourisme européen, le Club Med fait-il des efforts particuliers pour renforcer la durabilité de ses destinations? Si oui, lesquels?
Depuis sa création en 1950, la durabilité a toujours été au cœur des préoccupations et de la culture de notre groupe. Nous souhaitons avoir un impact minimal sur nos sites. De plus, nous nous demandons comment nous pouvons contribuer au mieux au développement local. En 1979, nous avons créé une fondation pour accompagner ce processus, puis, dans les années 2000, un département consacré au développement durable. En termes immobiliers, nous exigeons depuis nos débuts d’être installés sur des terrains permettant d’avoir la densité de construction la plus faible possible. Cela se voit particulièrement dans nos destinations balnéaires. Depuis quatre ans, nous avons mis un mot sur cette démarche: «happy to care», ou comment prendre du plaisir à faire attention à ce qui nous entoure. J’ajoute que le deux tiers de nos sites se trouvent à moins de trois kilomètres d’une zone protégée. Cela nous oblige à prendre ce sujet encore plus au sérieux.
Pourriez-vous nous parler plus en détail de vos deux projets en montagne, à Tignes et Val d’Isère? En quoi s’agit-il de modèles dans ce domaine?
Val d’Isère est un projet de réhabilitation complète d’un montant de 50 millions d’euros que nous avons pu rouvrir en décembre dernier, après deux ans de travaux. Sur l’investissement total, trois millions sont allés à l’amélioration de la performance énergétique. Nous avons par exemple changé l’isolation des bâtiments et des fenêtres, ainsi qu’installé des systèmes de chauffage et d’aération intelligents. Du côté de Tignes, il s’agit d’une nouvelle construction de 430 chambres pour un coût total de 130 millions d’euros. Elle s’est faite sur un site déjà artificialisé, en l’occurrence le parking de la Grande Motte, au pied des remontées mécaniques. Nous avons ainsi pu réhabiliter un terrain qui était auparavant pollué. Les deux projets mettent en avant différentes innovations. Elles leur ont permis d’obtenir une certification très élevée attribuée par la méthode Breeam, qui mesure l’ensemble des améliorations environnementales sur un chantier en termes d’isolation, de production d'énergie ou d’eau chaude, ainsi que de tri des déchets par exemple.
Sentez-vous que le facteur durabilité devient plus important dans le choix de destination de vos clients? Si oui, comment cela se manifeste-t-il?
D’après une étude menée en 2021 par Booking.com auprès de 29 000 voyageurs dans une trentaine de pays, 81% des personnes interrogées avaient l’intention de résider au moins une fois dans un logement durable. Ce chiffre était de 62% en 2016. Cela démontre que la durabilité devient de manière générale un souci toujours plus important au sein de la population mondiale. Nous l'observons au quotidien auprès de nos clients en ce qui concerne le gaspillage alimentaire ou les relations avec les populations locales, qui sont des sujets de plus en plus présents.
Sur quels leviers jouez-vous pour améliorer la durabilité de vos lieux d'hébergement?
Nous pouvons agir sur la construction, l’exploitation ou la contribution à l’économie locale. Nous faisons suivre ces paramètres par l’organisme Breeam pour la construction et Green Globe pour l’exploitation au quotidien, qui a certifié en 2021 l’ensemble de nos sites.
Quels sont les principaux obstacles que vous rencontrez dans ce domaine?
De manière générale, les investissements énergétiques coûtent cher. Tout comme les projets de réhabilitation. A Val d'Isère, mais aussi à Marbella par exemple, nous avons fait le choix avec les investisseurs de réhabiliter, plutôt que de le détruire pour reconstruire, ce qui aurait coûté à Marbella probablement moins cher, mais aurait eu un impact environnemental beaucoup plus important. Dans un bâtiment tertiaire, 60% de l'empreinte carbone sur sa durée de vie est produit lors de la construction. En d’autre termes, économiser le béton permet de diminuer drastiquement l'empreinte carbone.
Les recettes provenant de la montée en gamme opérée par le Club Med depuis une vingtaine permettent-elles de couvrir une partie de ces coûts?
Je ne crois pas que les clients soient d’ores et déjà prêts à payer davantage pour un séjour durable. Mais cela va peut-être changer à l’avenir. Ces investissements environnementaux sont des engagements pris par notre entreprise et ses partenaires. Il ne s’agit pas d’investissements de rentabilité. Bien sûr, ces dépenses sont plus faciles à amortir lorsqu’on se positionne sur un segment haut de gamme.
Quelle est votre feuille de route dans le domaine de la durabilité pour les années à venir?
Cette thématique fait partie de l’ADN de notre groupe depuis sa création. Nous souhaitons à l’avenir que cela se sache mieux au sein du public, mais aussi de nos équipes, car il s’agit également d’un enjeu de recrutement, de plus en plus de jeunes souhaitant travailler dans des entreprises responsables.