«Lorsque nous avons lancé l’entreprise, l’un des objectifs que je m’étais fixés, sans trop y croire, c’était d’arriver dans le top 1000 du Financial Times. Arriver en 999e position aurait déjà constitué un exploit, alors être 17e au classement général, c’est tout simplement prodigieux!» Marcin Pietrzyk a cofondé Unit8 avec son associé Michal Rachtan en 2017. L’entreprise traque les failles dans les lignes de production, crée des IA d’assistance ou conçoit des outils pour combattre le blanchiment d’argent grâce aux données récupérées chez ses clients. En 2022, elle a été saluée par le quotidien économique anglais, en se classant à la première place suisse et à la 6e dans la catégorie «tech».
Jusqu’alors, Marcin Pietrzyk était directeur du service IA et données chez Swisscom et Michal Rachtan responsable technologique pour le spécialiste américain du big data Palantir. «Nous pensions que l’industrie des services faisait face à une limite majeure en matière de performances. Nous avons donc décidé de fonder notre propre entreprise. C’était un peu prétentieux, mais cela nous a plutôt bien réussi», s’amuse-t-il. Après avoir atteint un chiffre d’affaires de plus de 7 millions d’euros en 2020, la start-up affiche une croissance annuelle à deux chiffres.
La Suisse, un terreau fertile
«Alors que des quantités massives de données étaient laissées à l’abandon car considérées comme inutilisables, des équipes comme Unit8 sont parvenues à leur donner du sens, observe Jean-Jacques Suter, spécialiste en transformation digitale des entreprises dans le cabinet lausannois M&BD Consulting. L’abondance des données couplée à l’intelligence et à la puissance de calcul des machines permet aujourd’hui d’effectuer en quelques minutes des tâches qui pouvaient prendre des mois, voire des années.»
«La Suisse constitue pour nous un terreau fertile qui regorge de profils talentueux en matière d’analyses de données et d’intelligence artificielle.» Un avis partagé par Jean-Jacques Suter: «La proximité avec l’EPFL et l’EPFZ est un atout incontestable pour ce type de start-up.»
Unit8 opère avant tout sur le marché suisse mais développe aussi ses activités en Allemagne et aux Etats-Unis. Elle profite d’une tendance croissante des entreprises vers la transition numérique et parvient à se démarquer grâce à la singularité de son offre. «Nous nous concentrons exclusivement sur l’analyse de données. Nous ne proposons pas d’autres services, comme le développement web ou la sécurité informatique», note Marcin Pietrzyk.
Active auprès d’une douzaine d’entreprises, allant de la firme pharmaceutique allemande Merck au parfumeur genevois Firmenich, Unit8 offre des prestations en plusieurs étapes. «Dans un premier temps, nous intervenons en tant que consultant pour comprendre ses besoins et évaluer la situation du client en termes de capacité de traitement des données. Nous concevons ensuite un système de traitement des données, basé notamment sur le cloud, des outils open source ou des outils commerciaux. C’est là le plus gros défi pour la plupart des entreprises, car l’hétérogénéité des données peut les rendre extrêmement compliquées à analyser et à valoriser.» Les données sont ensuite traitées pour une très large palette d’objectifs: gestion des risques d’accident, lutte contre le blanchiment d’argent, mais aussi, dans le cas de Firmenich, création de nouvelles formules de parfums.
Spécificité dans chaque secteur
Les équipes de Marcin Pietrzyk et Michal Rachtan travaillent pour des clients de plus de 12 secteurs d’activité différents, l’entreprise doit donc appliquer l’analyse de données et l’intelligence artificielle à un panel varié. L’enjeu revient donc à traiter les spécificités propres à chaque secteur. «Le défi est de taille, c’est pourquoi nos collaborateurs sont des spécialistes des technologies numériques, pour certains issus de Google ou d’Apple. Nous n’avons pas la prétention d’offrir une expertise dans tous les domaines, car nous considérons que c’est l’entreprise cliente qui est compétente en la matière. Nous apportons l’expertise en technologie numérique. A partir de là, notre méthode consiste à travailler conjointement avec le client.»
Unit8 cherche aussi à s’affirmer comme une entreprise défendant ses valeurs morales. La scale-up permet à ses employés de consacrer environ 10% de leur temps de travail à des projets de bienfaisance. Certains de ses analystes ont par exemple participé au développement, en collaboration avec le WWF, d’un outil de prédiction des feux de forêt en Bolivie. En outre, 1% du bénéfice brut de l’entreprise est donné à des ONG caritatives.
Le volet écologique est également important aux yeux de Marcin Pietrzyk. «La majorité de nos émissions de CO2 provient des voyages d’affaires. Nous essayons donc de limiter autant que possible nos déplacements, mais il y a des cas où c’est impossible, par exemple pour les rencontres avec les clients. Il faut faire des compromis.»
L’entreprise n’a également pas hésité à renoncer à des contrats avec des clients qu’elle considère comme problématiques d’un point de vue moral. «Avant de démarrer un projet, nous menons toujours une phase d’évaluation éthique. Là encore, difficile d’être manichéen et, parfois, on accepte malgré quelques réticences, mais le but est avant tout d’avoir une réflexion sur ces aspects-là.» En général, la clientèle s’intéresse peu à l’exemplarité morale de leur partenaire, ajoute Jean-Jacques Suter. «La performance et le prix sont des facteurs bien plus déterminants. Par contre, une entreprise responsable en matière d’éthique peut attirer plus de talents parmi la jeune génération.»
Unit8 emploie 115 personnes, dont environ 100 employés permanents, principalement à Lausanne et à Zurich, mais aussi en Pologne.