«Une bonne chose de faite!» avoue la fondatrice de Matis, acronyme de Monitoring Art with Technology, Innovation and Science, en évoquant le Prix BCN Innovation que sa société a remporté en novembre 2022. «La pression est retombée, mais la réalité revient très vite, poursuit-elle. Cet argent nous permet de payer les ingénieurs jusqu’à fin mars et d’engager une nouvelle personne. Ce prix nous a aussi donné une visibilité pour notre recherche de fonds. Et des collectionneurs privés nous ont contacté pour faire analyser leurs tableaux.» Une rentrée ponctuelle d’argent bienvenue et possible grâce à la technologie déjà opérationnelle de la start-up neuchâteloise.

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Entre physique quantique et Chopin

Astrophysicienne passionnée de physique quantique et d’optique, Marie Didier a rêvé, petite, d’être astronaute, joue du Chopin au piano et aime à esquisser le Léman dans ses peintures à l’huile. La pluridisciplinarité est quasi un dogme pour elle. Une curiosité sans borne qui l’a sans doute poussée à aller explorer l’invisible, soit les successions de couches de peinture, les dessins derrière les œuvres de grands maîtres.

Le monde de l’art lui-même reste opaque. On estime que ce marché a généré 64 milliards de dollars en 2019, selon le «Global Art Market Report». Pourtant, une toile sur deux serait fausse ou mal attribuée. Le roi Charles III en a été victime il y a trois ans. Quatre œuvres exposées dans sa fondation étaient des plagiats: un Monet, un Dalí, un Picasso et un Chagall, assurés pour 119 millions d’euros!

La technologie de Matis prend dès lors tout son sens. Celle-ci accompagne l’expert d’art dans sa quête de vérité, révélant des dessins sous-jacents en identifiant plus de 70 pigments historiques. Le système d’imagerie multispectrale fournit, quasi instantanément, des informations sur la physique et la chimie des matériaux utilisés. L’expert peut s’en servir pour dater, authentifier ou mentionner une spécificité de l’œuvre.

Musées. galeristes, maisons de ventes aux enchère

«La caméra se déplace et non plus le tableau, précise la CEO. Celui-ci est ainsi préservé des risques de dégâts ou des méthodes d’analyse destructives, avec prélèvement de matière.» On ne parle pas non plus ici de dispositif à infrarouge, extrêmement coûteux et impliquant le transport de peintures souvent fragilisées par le temps.

Restaurateurs, galeristes, académies, maisons de ventes aux enchères ont déjà testé la version pilote entre Zurich, Paris et le Liban, notamment. La Suisse romande n’est pas en reste avec l’utilisation de Matis pour des fresques du XVIIIe siècle au château d’Hauteville (VD) ou à Martigny et à Neuchâtel. Un travail sur des estampes japonaises à l’Université de Berne est en cours.

«L’intérêt est multiple, se réjouit la Lausannoise d’adoption. Nous montons avec notre caméra sur des échafaudages pour cartographier des fresques au plafond, cela dans un but de restauration. Nous avons aussi analysé des toiles impressionnistes de plus de 1 million de francs que nous comparons à des copies. Récemment, le Musée d’art de São Paulo nous a contactés. Ce n’est pas encore le Louvre, mais on y travaille.»