«Nous sommes aussi décentralisés que possible et aussi centralisés que nécessaire.» On croirait entendre Alain Berset… Or c’est la devise de Fenaco (Fédération nationale des coopératives agricoles). «Et nous mettons cette règle en pratique depuis longtemps», assure Geneviève Gassmann, cheffe de la région Suisse romande de Fenaco, à son siège de Puidoux (VD).

Fenaco, c’est, en 2022, un chiffre d’affaires de 8 milliards et plus de 11 000 collaborateurs. Est-ce en quelque sorte le discret numéro trois de la distribution en Suisse derrière Coop et Migros, mais loin devant Aldi et Lidl? «On ne peut pas le dire comme ça, nuance Geneviève Gassmann. Nous ne sommes pas un simple distributeur. Nous faisons plein d’autres choses, comme du stockage et de la transformation pour nos membres agriculteurs. Nous fournissons aussi des produits et des services à nos plus de 42 000 membres, dont au moins 23 000 sont des paysannes et paysans actifs.»

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Il y a 30 ans, fusion entre 6 fédérations agricoles

Même si ses lointaines origines remontent aux années 1860, Fenaco n’a en réalité que 30 ans. Elle est le résultat de la fusion, le 24 septembre 1993, de six fédérations agricoles couvrant presque l’entier du pays. Parmi elles, pour la Suisse romande, l’Union des coopératives agricoles romandes et, spécifiquement pour Fribourg, la Fédération des syndicats agricoles. Le mouvement coopératif dans le monde agricole a été rendu nécessaire par l’avènement du… bateau à vapeur à la fin du XIXe siècle, qui rendait l’importation de céréales étrangères beaucoup moins onéreuse. A l’origine, ces coopératives étaient souvent minuscules; elles se sont souvent fédérées jusqu’à couvrir presque l’entier du pays.

De nos jours, Fenaco compte 153 membres, en majorité des coopératives Landi, dont 137 ont une activité commerciale. Le grand public connaît les enseignes Landi, de grandes surfaces sises en périphérie des villes qui vendent un vaste assortiment allant des denrées alimentaires aux équipements de ménage, en passant par de l’habillement robuste, des scooters et vélos électriques, des plantes et des outils de jardin, des stères de bois de feu, des tondeuses pour chevaux et des clapiers à lapins. Les agriculteurs, eux, savent qu’ils trouveront dans leur coopérative Landi des aliments pour leurs bêtes, du fourrage et de la litière, des céréales et des semences.

Mais Fenaco est un discret géant qui arbore encore bien d’autres enseignes. Ainsi le groupe Volg et ses quelque 580 magasins de proximité dans l’ensemble du pays. La recette de son succès: rester petit, préférer les villages et la campagne aux villes et à leurs banlieues. De Volg dépendent les TopShop implantés dans les stations-services Agrola. Les grandes surfaces Landi et les magasins TopShop sont des franchises, tandis que les magasins Volg peuvent être parfois des filiales. «Une structure plutôt compliquée, tellement suisse, admet Geneviève Gassmann. Mais elle est vivante, agile, pas lourde du tout et elle nous met en contact constant avec le terrain.»

 

Même si ses lointaines origines remontent  aux années 1860, Fenaco n’a en réalité que 30 ans.

Même si ses lointaines origines remontent aux années 1860, Fenaco n’a en réalité que 30 ans.

© archives Fenaco

Agrola, Ramseier ou Sinalco

Et devinez à qui appartiennent les plus de 400 stations-services Agrola? A Fenaco, bien sûr! Mais Agrola fait bien plus que de distribuer de l’essence. La société livre à domicile du mazout et des pellets de bois, installe des panneaux solaires et des systèmes de stockage d’énergie. Et développe à grands pas son réseau de stations de recharge électrique rapide, y compris à domicile. En juillet dernier, Fenaco a signé avec La Poste un accord visant à proposer un vaste réseau de recharge rapide dans toute la Suisse. Dans le cadre de l’Association Mobilité H2 Suisse, Agrola s’est également lancée dans les stations de ravitaillement en hydrogène et des Landi en gèrent déjà trois, à Zofingue (AG), à Schötz et à Rothenburg (LU).

Fenaco est très active dans l’industrie alimentaire. Par le biais de ses multiples entreprises, elle transforme des fruits et légumes, des pommes de terre, de la viande et des œufs – mais pas le lait. Ces produits de base sont directement pris en charge auprès des agriculteurs, parfois par le biais des Landi. Quand vous voyez passer un véhicule de livraison marqué Suttero, il s’agit de l’entreprise Ernst Sutter, reprise en 2004, qui transforme et apprête sur cinq sites la viande des éleveurs suisses en viande fraîche, volaille et charcuterie.

C’est peu connu, mais Fenaco possède notamment la plus grande cidrerie du pays, Ramseier, qui rachète aux producteurs suisses plus de 87 000 tonnes de fruits à cidre pour en faire notamment le fameux jus de pommes. Mais Ramseier, c’est aussi les sodas et les eaux minérales Elmer et, surtout, Sinalco. Enfin, toujours au rayon boissons, Fenaco a repris en 2019 le valaisan Provins, fondé en 1930, plus grand producteur de vin du pays, en lui laissant toutefois son indépendance sous forme de société anonyme dès 2020. «Provins nous fournit des produits de qualité pour nos divers canaux de distribution. C’est intéressant tant pour nous que pour les viticulteurs et viticultrices qui travaillent avec Provins», commente Geneviève Gassmann.

Quoique devenue géante, Fenaco a gardé de ses origines de la terre collée aux souliers. Son conseil d’administration ne porte pas la cravate tous les jours, il est entièrement composé d’agriculteurs actifs. Et sa direction puise aussi dans le monde paysan, même si elle compte des économistes et des agronomes.

Une paysanne pur-sang

Exemple: Geneviève Gassmann, précisément. A 57 ans, la cheffe de la région Suisse romande de la division Landi de Fenaco et membre de la direction élargie du groupe est une paysanne pur-sang. Au sortir du gymnase, elle se serait bien vue ingénieure agronome EPFZ. Mais cette mère de quatre enfants a préféré, en 1990, reprendre avec son mari l’exploitation agricole familiale dans la Broye fribourgeoise. Pour cela, elle a d’abord obtenu son brevet de paysanne. Puis un MBA. Elle fut ensuite pendant trois ans cheffe de projet, chargée de la formation professionnelle chez… McDonald’s Suisse, une société qui, souligne-t-elle, se fournit à plus de 80% en produits suisses. Cinq ans durant, elle a dirigé l’Institut agricole de Grangeneuve (FR), avant de rejoindre Fenaco en 2015. Un parcours atypique de première de classe.