Installée à Eysins (VD) depuis 2016 et déjà fournisseur de grands noms de l’industrie pharmaceutique, la multinationale Cytiva, organisée autour de quatre pôles principaux situés aux Etats-Unis, en Chine, au Royaume-Uni et en Suède, a récemment fusionné, en mai 2023, avec l’entreprise de medtech américaine Pall Life Sciences. «Notre faiblesse était de ne pas disposer des technologies de filtration, soit des dispositifs qui entrent dans la chaîne de production des médicaments, des vaccins et d’autres thérapies pour les purifier, explique Emmanuel Ligner, directeur général de Cytiva. Or c’est précisément dans ce type d’outils que Pall Life Sciences excelle. Désormais, nous pourrons notamment réduire la complexité d’une partie du processus, passant de 80 étapes manuelles à une étape automatique, ce qui réduira aussi le risque d’erreur humaine.»

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En 2021, les deux entreprises ont enregistré un chiffre d’affaires combiné de 8,5 milliards de dollars.

Naguère propriété de General Electric Healthcare Life Sciences, l’entreprise a été rebaptisée Cytiva en 2019 à la suite de son rachat par le conglomérat américain Danaher pour 21,4 milliards de dollars, alors qu’elle comptait environ 7000 employés. Relativement peu connue du grand public, la firme conçoit et fournit le matériel nécessaire à la fabrication de nombreux traitements médicaux et pharmaceutiques, dont des bioréacteurs, des appareils de chromatographie et des purificateurs. Le procédé appelé CAR-T permet de lutter contre certaines formes de cancer en modifiant la génétique des cellules immunitaires pour les diriger contre les cellules cancéreuses afin de les détruire. Ces traitements visent ainsi à lutter par exemple contre les cancers ou la maladie de Parkinson.

Après son installation à Eysins, Cytiva a investi plus de 30 millions de francs pour la construction de nouveaux locaux de 7360 m2 sur la commune de Grens (VD). Elle y emploie aujourd’hui 250 personnes sur les 16 000 postes répartis dans le monde entier. «Nous n’avons aucune intention de partir, assure le directeur. Entre la qualité des infrastructures, la position géographique, le niveau de formation de la main-d’œuvre et la proximité de partenaires potentiels qu’offre la région, toutes les conditions sont réunies pour que nous restions.»

Bourgeonnement d’entreprises 

Le concept même de la Health Valley date des années 2000, lorsque les cantons de Vaud, de Genève et les institutions de recherche cantonaux – notamment l’EPFL, le CHUV, l’Université de Lausanne, les HUG et l’Université de Genève – se réunissent sous l’égide d’une association commune baptisée BioAlps. Leur objectif: promouvoir l’innovation et l’attrait de la région afin de créer des synergies entre le monde de l’industrie et de la recherche. Mais un événement majeur a failli tout chambouler en 2012: la multinationale Merck Serono décide de délocaliser son siège, situé sur le Campus Biotech, à Genève, vers Darmstadt, en Allemagne, laissant sur le carreau quelque 1250 employés.

«Le départ de Merck Serono en 2012 a durablement marqué la région, reconnaît Benoît Dubuis, président de l’Académie suisse des sciences techniques et président du Campus Biotech. Néanmoins, la majorité de ces travailleurs qualifiés ont retrouvé un poste dans la région relativement rapidement, démontrant la résilience de la région.» Le groupe allemand, devenu depuis Merck, a d’ailleurs continué à se développer en Suisse, notamment au travers d’un nouveau centre biotech à Corsier-sur-Vevey (VD) inauguré en juin 2023, qui aura mobilisé près de 250 millions de francs d’investissement.

«On constate que les acteurs investissent en masse dans la région malgré des coûts d’exploitation nettement supérieurs à ceux rencontrés ailleurs», observe Magali Bischof, secrétaire générale de BioAlps, qui réunit désormais sept cantons de Suisse occidentale. Les quelque 1400 organisations et entreprises actives dans les domaines des sciences de la vie dans la région emploient entre 35 000 et 45 000 personnes, selon BioAlps. 

Diversité et spécialisation

La force de la Health Valley se trouve dans sa diversité et sa spécialisation: «La région s’est construit une renommée grâce à des domaines comme la medtech et le biomanufacturing, qui englobent les procédés mécaniques et l’ingénierie biologique à des fins médicales.» Un héritage qu’elle doit à son passé industriel: «La tradition horlogère et le savoir-faire qui l’accompagne ont permis une diversification des activités autour de l’ingénierie de haute précision», explique Magali Bischof.

Reste à savoir si la Health Valley lémanique parviendra à rester concurrentielle face au pôle pharmaceutique bâlois. Pour le directeur général de Cytiva, Emmanuel Ligner, la Health Valley et la région bâloise n’ont rien à craindre l’une de l’autre: «Il s’agit plus d’une cohabitation saine que d’une rivalité. De par sa taille relativement réduite, la Suisse ressemble plus à un pôle élargi et décentralisé qu’à une mosaïque de plusieurs pôles rivaux.»