La blockchain, ce registre numérique décentralisé et sécurisé, suscite l’attention du monde des affaires, surtout via la tokenisation d’actifs. Ce marché enregistre aujourd’hui au niveau mondial un taux de croissance annuel moyen de 19% et devrait atteindre 5,6 milliards de dollars d’ici à 2025, selon le cabinet spécialisé Markets & Markets. Après l’engouement autour des Initial Coin Offering (ICO) pour lever des fonds, ce sont désormais les tokens qui intéressent les jeunes entreprises.
Dans l’univers des cryptomonnaies, un token (ou jeton) désigne un actif numérique enregistré dans la blockchain, comportant des données d’identification uniques. Ces jetons peuvent représenter divers types d’actifs tels que des biens virtuels, des droits de propriété intellectuelle, mais désormais aussi de plus en plus souvent des valeurs du monde réel: immobilier ou outils financiers tels que des bons du Trésor ou des actions d’entreprise.
Potentiel immense
«Pouvoir émettre des actions sous forme digitale représente un immense potentiel pour les petites et moyennes entreprises, estime Cyril Dieumegard, consultant et formateur dans le domaine des nouvelles technologies à Genève. En premier lieu car c’est un marché qui ne connaît pas les restrictions de la finance traditionnelle, par exemple pour une entrée en bourse. Ensuite, car ce système donne accès à des capitaux issus du monde entier. Enfin, la transaction est elle-même extrêmement simple: un investisseur peut acheter une action tokenisée en quelques clics sur son smartphone. S’y ajoute le fait que l’acheteur possède vraiment ces valeurs, puisqu’elles sont liées à son portefeuille enregistré dans la blockchain.
Diverses plateformes telles que Polymath, Token Solutions ou Securrency proposent aujourd’hui un accompagnement aux entreprises qui souhaitent se lancer. En Suisse, une plateforme numérique de financement et d’investissement a été créée en 2019 par l’entreprise Daura, qui compte parmi ses investisseurs la Banque cantonale bernoise, Swisscom et l’opérateur boursier SIX. La société zurichoise déclare avoir levé près de 20 millions de francs, à ce jour, pour des PME allant du club de hockey Ambrì-Piotta à des start-up innovantes dans le domaine du développement durable.
Mise en garde
L’expert recommande néanmoins de faire très attention aux conditions générales de ces plateformes, en particulier celles régulées par les autorités américaines. «On assiste actuellement à une lutte pour le pouvoir aux Etats-Unis, comme le montre la récente affaire opposant la Securities and Exchange Commission (SEC) et la société Ripple, qui a développé un protocole de paiement basé sur la blockchain. Nous avons la chance que la Suisse ait choisi la voie de l’accompagnement plutôt que de l’affrontement.»
Son conseil? Préférer une solution sur mesure. C’est le cas de l’entreprise suisse Heritages.io, spécialisée dans la finance et l’investissement, pour laquelle Jonathan Baudoin, développeur spécialisé web3, termine actuellement la mise au point d’une plateforme propriétaire. «Un tel projet peut prendre entre un et deux mois de développement, explique-t-il. Le principal défi concerne la conformité: avant de se lancer, une société doit être parfaitement au clair avec les réglementations financières existantes. L’autre élément clé de la réussite d’un tel projet, c’est la confiance. Une personne malintentionnée peut inclure une porte dérobée, autrement dit une entrée cachée, dans les smart contracts. Il faut donc être sûr de pouvoir s’entourer des bonnes personnes.»
Les deux spécialistes se rejoignent pour souligner que le plus important reste d’apprendre et de se former. «N’importe quelle entreprise peut se lancer dans un projet de tokenisation, mais le préalable à tout projet blockchain réussi consiste à se former pour saisir tant les enjeux que les risques d’une telle démarche», conclut Cyril Dieumegard.
Blockchain: technologie de registre numérique décentralisée et sécurisée. Elle permet d'enregistrer et de valider les transactions de manière transparente et immuable, sans l'intervention d'une autorité centrale.
Tokenisation: processus de représentation d'actifs réels ou virtuels sous forme de jetons numériques sur une blockchain. Ces jetons peuvent représenter divers types d'actifs tels que des actions, des propriétés, des droits de propriété intellectuelle, ou d'autres biens numériques ou physiques.
Initial Coin Offering (ICO): méthode de financement utilisée principalement par les startups et les projets basés sur la blockchain. Lors d'une ICO, une entreprise émet des jetons (tokens) numériques en échange de cryptomonnaies pour lever des fonds en vue de financer son projet.
Smart Contract: programme informatique qui facilite, vérifie et exécute automatiquement les termes et conditions d'un contrat entre deux ou plusieurs parties. Ces contrats sont créés sur des plateformes de blockchain, telles qu’Ethereum.
Web3: désigne la troisième grande évolution d’internet, après les sites webs statiques et les réseaux sociaux, reposant sur l’usage de la technologie blockchain.