C’est une réorientation que l’on pourrait qualifier d’inéluctable, au vu de la situation difficile du secteur de l’impression. Fleuron de l’imprimerie haut de gamme dans la région romande, l’entreprise d’arts graphiques Genoud, au Mont-sur-Lausanne (VD), a choisi de développer en Suisse ses activités digitales en relocalisant l’impression traditionnelle.
Pour ce qui touche aux projets spéciaux et aux petits volumes, elle conservera l’impression numérique. En revanche, les grands tirages offset seront centralisés auprès de l’imprimerie Musumeci. Située à Quart, dans le val d’Aoste (Italie), elle appartient depuis cinq ans à Genoud. Le site suisse de l’entreprise romande se concentrera essentiellement sur le développement de projets, la gestion de la clientèle, ainsi que sur différents nouveaux services qu’elle a commencé à développer depuis quelques années, tels que la 3D, la photo, la vidéo ou les retouches.
Changements de mode de consommation
«Le numérique a complètement changé la manière de communiquer de nos clients, souligne le CEO, Michele Biza. Ces nouvelles activités représentent la direction stratégique que nous souhaitons emprunter dans le futur en termes de croissance. Nous devons suivre cette voie, car le marché s’accélère dans cette direction.»
Depuis plusieurs années, l’entreprise observe une baisse de la demande de ses clients en matière de beaux livres et de catalogues de luxe, mais aussi au niveau des volumes. C’est pourquoi, dès cet été, elle va vendre sa presse Heidelberg. Sur la trentaine d’employés actifs au Mont-sur-Lausanne, sept devront être licenciés.
En parallèle, depuis deux ans, la société a investi plusieurs centaines de milliers de francs dans divers équipements numériques, ainsi que dans un studio photo flambant neuf, qui occupe désormais une partie de l’espace laissé libre par la miniaturisation et la numérisation des machines. «L’évolution des supports conduit au remplacement de certaines compétences par de nouveaux savoir-faire, relève le responsable des ventes, Victor Lutz. Nous allons donc continuer à engager des spécialistes dans le numérique, ainsi que des gestionnaires de projets.»
Pour le directeur de l’exploitation, Sébastien Gasser, il s’agit d’une extension des activités historiques de l’entreprise: «Nous avons toujours numérisé de belles images, mais elles se consomment désormais davantage sur des supports digitaux. Nous avons donc dû adapter nos processus. Aujourd’hui, nous nous définissons comme une agence numérique à 360 degrés.»
L'écologie aussi joue un rôle
Dans le cadre de cette transformation, l’aspect écologique joue également un rôle important. Les productions sont plus restreintes et proches des différents marchés. D’où le développement d’un réseau international de partenaires, notamment en Asie et aux Etats-Unis.
Dernièrement, en Suisse, de nombreuses annonces démontrent à quel point le secteur de l’impression tire la langue. A la mi-janvier, le relieur industriel Schumacher, à Schmitten (FR), a demandé sa mise en faillite. Fondée en 1840, la société comptait encore 300 employés il y a une quinzaine d’années. Le coup de grâce est venu de la perte de son principal client indirect. Swissprinters, à Zofingue (AG), fermera quant à elle ses portes fin septembre en raison d’une baisse générale du volume d’impression et d’importantes pertes de commandes ces dernières années.
De leur côté, les imprimeurs vaudois Cavin (Grandson) et Baudat (vallée de Joux) ont décidé, en début d’année, d’unir leur destinée. La nouvelle entité conservera ses deux sites de production et ne prononcera pas de licenciements. Cependant, là aussi, une importance accrue est mise sur le digital: sur 66 postes, environ sept sont dédiés au marketing numérique.
Dans un tel contexte, quel sera l’avenir pour les flyers, magazines, brochures ou livres de prestige? «Je suis convaincu que le papier ne va pas disparaître, surtout dans le domaine du luxe et les secteurs de niche, estime Michele Biza. Toutefois, les clients ont aujourd’hui besoin de plus de réactivité et nous sommes leur partenaire dans cette mutation. Les impressions seront donc toujours davantage basées sur des projets, des produits ou des événements spécifiques.»
Fondée à Malley (VD) en 1957 par Jean Genoud, l’entreprise s’est installée en 1972 dans ses locaux du Mont-sur-Lausanne. Elle a débuté dans le domaine de l’art et de la culture, avant de s’étendre au luxe et à l’horlogerie, qui regroupent aujourd’hui la plus grande part de ses activités. Elle compte parmi ses clients de nombreuses marques horlogères appartenant, notamment, aux groupes de luxe LVMH et Richemont.
En 2012, le fondateur, alors âgé de 86 ans, décide de vendre la société à la Fondation Sandoz, qui l’intègre dans son pôle imprimerie, aux côtés des PCL (Lausanne) et de Cornaz (Yverdon). Sept ans plus tard, pour des raisons stratégiques, la Fondation Sandoz décide de se séparer de ses activités liées à l’impression. Genoud, qui avait déjà acquis Musumeci, a alors été rachetée par le fonds d’investissement allemand Gemech, notamment actif dans l’imprimerie.