Difficile de faire plus saturé que le marché de la chaussure en Suisse. Dominé par de grands distributeurs germaniques (Dosenbach, Ochsner) et des griffes internationales (Nike, Timberland), il se caractérise par une forte concurrence et une grande diversité de produits. Néanmoins, face à ces poids lourds, de petites marques d’outre-Sarine arrivent à tirer leur épingle du jeu. Elles doivent leur réussite à des atouts originaux qui leur permettent de se démarquer de la production de masse. Coup de projecteur sur La Garçonne, Kybun et URBNC3.

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La Garçonne, du skate aux sandales colorées

On croirait ces sandales colorées nées dans le sud de la France. Or il n’en est rien. Il s’agit bel et bien d’une marque zurichoise, fondée en 2013 par l’entrepreneur Hanspeter Endras. Ces chaussures estivales déclinées en une vingtaine de teintes se vendent à plus de 100'000 paires par an. «Les principaux facteurs d’influence sur les ventes sont la météo et l’humeur des consommateurs. Pour augmenter le chiffre d’affaires, nous avons élargi l’assortiment avec des produits qui se vendent par tous les temps, comme les bijoux, les vêtements et les produits de beauté», explique Hanspeter Endras.

L’homme présente un profil atypique dans le milieu de la confection. Fan de skateboard, il part en 1986 à Seattle, aux Etats-Unis, avec son camarade Roland Brümmer. Ils y découvrent le légendaire magasin Fallout, qui réunit la communauté du skateboard. Une fois rentrés, les deux hommes fondent en 1987 le skateshop No Way, le premier point de vente à Zurich qui propose des skateboards, des T-shirts et des disques de hardcore américain. A la même époque, Hanspeter Endras obtient un diplôme d’ingénieur en construction bois à l’école supérieure spécialisée de Bienne.

Au cours des trente années suivantes, les deux partenaires ont ouvert une demi-douzaine de points de vente dédiés aux créations tendance (Dings, Sterling, On y va). Les chaussures La Garçonne se retrouvent chez toutes les enseignes et jouent un rôle central dans cet univers commercial.

Kybun, un succès international

«Nos chaussures connaissent actuellement une vague de popularité dans les Etats arabes, grâce à des influenceurs locaux sur les réseaux sociaux qui les ont adoptées», dévoile Claudio Minder. Ce dernier est copropriétaire et codirecteur du groupe familial Kybun Joya, basé à Roggwil en Thurgovie. L’originalité des souliers Kybun, c’est un matelas de coussins d’air dans les semelles qui soulagent les douleurs liées à la marche. La griffe a été fondée en 2007 par Karl Müller, un vétéran de la branche. Celui-ci a auparavant lancé et revendu la marque MBT, également basée sur le principe d’une semelle élastique.

Karl Müller et Claudio Minder produisent 400'000 paires de chaussures par an, qui se distinguent par leur confort.

Karl Müller et Claudio Minder produisent 400'000 paires de chaussures par an, qui se distinguent par leur confort.

© Kybun

Kybun a une marque sœur, Joya, qui se situe aussi dans le créneau de la santé, à destination d’un public plus jeune. Aujourd’hui, Kybun Joya est présente dans plus de 40 pays, emploie plus de 200 personnes dans le monde et produit environ 400'000 paires de chaussures par an. En 2021, le groupe a en outre racheté la marque historique helvétique d’après-skis Kandahar, portée Audrey Hepburn et Charlie Chaplin. L’entreprise était alors proche de la faillite et allait être vendue à un fonds d’investissement chinois. Avec leur image vintage, les chaussures en agneau de Kandahar suscitent l’engouement, même si les volumes de ventes restent plus confidentiels. Le groupe Kybun Joya livre des boutiques partenaires à Saint-Moritz, Gstaad, Verbier ou Andermatt, où ces modèles à 500 francs trouvent aisément preneurs.

En Suisse, les ventes de Kybun et Joya ont fait un bond de 50% en 2023, malgré des conditions difficiles. Claudio Minder reprend: «Nos chaussures occupent une niche de chaussures de santé à forte valeur ajoutée. La clientèle est aussi sensible à l’aspect éthique de notre travail. Notre démarche est de privilégier l’utilisation de matériaux durables et une production responsable.»

URBNC3, des chaussures imprimées en 3D

Des chaussures orthopédiques chics et branchées? Oui, c’est possible! Start-up née à Zurich, URBNC3 a créé des sandales fabriquées sur mesure grâce à l’impression 3D. Tout a commencé quand Linda Wang cherchait des chaussures qui ne lui fassent pas mal, tandis que Roman Wyss était en quête de souliers adaptés à sa voûte plantaire particulière. Pour ces deux diplômés en économie de la Haute Ecole de Saint-Gall, il est très vite flagrant qu’il existe un besoin pour des formes élégantes répondant aux attentes de personnes aux pieds sensibles. Car les modèles orthopédiques existants sont d’une laideur repoussante.

Fondée en mai 2023, URBNC3 est en train de lever des fonds avec des préventes sur la plateforme de financement participatif Kickstarter. «Le marché de la chaussure est très disputé. Pour faire sa place, il faut vraiment que l’innovation apporte une forte valeur ajoutée», indique Roman Wyss. Cela semble être le cas avec sa start-up car le processus développé n’a pour l’heure pas d’équivalent. Pour obtenir une paire personnalisée, le client doit simplement faire trois photos de ses pieds à l’aide d’une application mobile. URBNC3 imprime ensuite des semelles orthopédiques adaptées à chaque individu.

Les recettes du succès

R&D
L’innovation attachée à des produits de niche est appréciée d’un public averti.

Swissness
Un gage de qualité et d’originalité qui a un fort écho en Suisse et à l’étranger.

Production 
Les coûts doivent être parfaitement maîtrisés: La Garçonne collabore avec des entreprises familiales en Espagne triées sur le volet, la production de Kybun repose sur une automatisation de haute technologie.