Sans elle, pas de production de puces électroniques, indispensables au fonctionnement des ordinateurs, smartphones et tablettes. Elle, c’est l’entreprise Comet, créée en 1948 à Berne et installée depuis 2002 à Flamatt (FR). Elle emploie aujourd’hui 1500 personnes dans dix pays, dont la Malaisie, l’Allemagne et les Etats-Unis. Le site fribourgeois accueille quant à lui près de 590 salariés, principalement des ingénieurs logiciels, des électroniciens, des analystes de données ou encore des physiciens. Comet s’inscrit dans un marché prospère, stimulé aujourd’hui par l’avènement de l’intelligence artificielle générative, du machine learning et de la numérisation à grande échelle.
Un acteur clé dans la fabrication des semi-conducteurs
La fabrication des puces électroniques s’appuie notamment sur un système combiné de générateurs de radiofréquences et de condensateurs sous vide. Les radiofréquences permettent de transformer certains gaz en plasma: un processus essentiel pour fabriquer les puces à partir de matériaux semi-conducteurs. Comet est l’un des rares fabricants de ces outils très sophistiqués. «Nous estimons que notre part de marché avoisine 70% pour certains de ces composants», explique Stephan Haferl, directeur général du groupe depuis 2022.
L’entreprise cotée en bourse compte parmi ses clients les équipementiers de géants du marché des semi-conducteurs tels que le coréen Samsung, le taïwanais TSMC ou l’américain Nvidia. Comet commercialise également des technologies à rayons X pour le contrôle qualité et la détection d’anomalies dans les produits industriels. Elle analyse par exemple des moteurs à combustion ou des batteries embarquées. «Sur ce segment, nous comptons parmi nos clients des constructeurs automobiles comme Hyundai, Volkswagen et Ford, ainsi que les avionneurs Airbus et Boeing», poursuit Stephan Haferl.
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Technologies à rayons X et essor de l’intelligence artificielle
Pour Comet, l’essor de l’IA se traduit par la perspective de ventes en hausse, étant donné que la demande en puces électroniques devrait croître dans les années à venir. Mais les récents progrès du machine learning devraient également lui permettre d’améliorer l’efficience de ses propres processus de contrôle qualité. «L’imagerie générée par les technologies à rayons X est extrêmement complexe à analyser pour l’œil humain. L’IA a un fort potentiel en matière de détection d’anomalies. Elle pourrait considérablement réduire le temps nécessaire au processus», estime Stephan Haferl. En 2020, Comet a d’ailleurs acquis la petite entreprise canadienne ORS, spécialisée dans le machine learning.
Le marché des semi-conducteurs connaît néanmoins d’importantes fluctuations en raison de sa forte réactivité aux niveaux de consommation et aux avancées technologiques. Les ventes de la branche ont reculé de plus de 8% au niveau mondial notamment en raison d’une chute de la demande après le covid.
«Les semi-conducteurs constituent un domaine d’activité complexe: les unités de production sont très onéreuses et requièrent donc des investissements massifs. Les entreprises actives dans ce domaine doivent tourner à pleine capacité pour atteindre la rentabilité, ce qui les rend plus vulnérables aux cycles du marché», note Alain-Serge Porret, membre du comité de direction du Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) de Neuchâtel.
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Défis du marché et reprise attendue
Entre décembre 2021 et juillet 2022, l’action du groupe perd plus de la moitié de sa valeur, passant de près de 350 francs à moins de 150 francs. Puis, en 2023, les ventes prennent un coup de massue. Comet se voit amputé de près d’un tiers de son chiffre d’affaires annuel (-32%). Les ventes de systèmes à rayons X sont également touchées par la baisse, avec un revenu divisé par deux en comparaison avec 2022.
Les résultats contrastent néanmoins fortement (-80,3%) avec ceux de l’année précédente, au cours de laquelle les profits se sont élevés à 78,1 millions de francs.
«Nous ne nous attendions pas à un tel recul», admet Stephan Haferl. L’entreprise a dû s’adapter rapidement à cette chute des ventes, avec des conséquences pour le personnel. «Les contrats temporaires n’ont par exemple pas pu être renouvelés et les effectifs ont été réduits d’environ 10% à l’échelle mondiale.» Stephan Haferl se montre néanmoins confiant quant à l’avenir de la branche et de son entreprise. «Nous ressortirons renforcés de cette épreuve. Les technologies que nous développons sont indispensables à la transition numérique.» Les investisseurs semblent eux aussi confiants: l’action en bourse a fortement progressé au premier semestre 2024 et a même atteint la valeur record de 386 francs en juillet.
Un optimisme partagé par Alain-Serge Porret, pour qui les acteurs bien établis du secteur bénéficient d’une position plutôt favorable. «Les fluctuations ne sont pas près de disparaître, mais les entreprises déjà bien implantées, avec un rôle spécifique et important comme Comet, devraient avoir de bonnes chances de continuer à prospérer dans les années à venir», estime l’expert. Selon les projections de Deloitte, la branche des semi-conducteurs pourrait, après le creux de 2023, renouer avec la croissance dès 2024. Le cabinet de conseil prédit une hausse de 13% sur l’année, pour un chiffre d’affaires global estimé à 588 milliards de dollars.