«Beaucoup comparent La Rebletzerie à Freitag. Nous avons en effet une philosophie similaire, mais nous n’en sommes qu’au tout début de notre aventure. Julien Gurtner, mon compagnon et associé, vient de quitter son emploi de designer horloger pour se consacrer à 100% à l’entreprise. Il y a un an, notre atelier de réparation et de revalorisation de bâches, de spis de bateaux et de tissus a déménagé dans des locaux plus grands à Saint-Blaise.
Tout récemment, nous avons réalisé des bletz augmentés (le bletz, un mot issu du patois bernois, est une pièce rapportée qui sert à rapiécer un trou, ndlr), en cocréation avec un musicien vidéaste. Je pense que cela n’existe nulle part. En scannant la broderie avec une application de reconnaissance d’images, on lance une vidéo et de la musique. Les vêtements prennent vie. C’est comme un code QR, mais avec un motif brodé. Pour le moment, la série est limitée, mais le concept pourrait intéresser des entreprises, pour leur logo.
Est-ce que nous sommes en train d’inventer un nouveau métier? Nous ne sommes pas qu’un simple atelier de couture. Récemment, j’ai dû remplir un document avec mon métier, mais «rebletzeuse» n’existe pas. Ce qui est sûr, c’est que notre démarche est militante: notre but est de faire réfléchir sur la consommation textile. On peut faire durer les habits, leur donner une seconde vie en les personnalisant. TexAid récolte 70 000 tonnes de vêtements par an en Suisse. Le réflexe aujourd’hui est encore de jeter une doudoune trouée alors qu’on peut la réparer. Notre modèle peut essaimer partout en Suisse. Il y a d’ailleurs d’autres projets similaires comme Histoire Sans Chute à Genève, une ressourcerie textile.
J’ai eu cette prise de conscience pendant le covid, comme beaucoup. Je viens d’une filière très académique et je suis ingénieure en microtechnique horlogère. Mon rôle était de faire le lien entre les designers horlogers et la technique, de dessiner des mouvements et des habillages, pour qu’ils soient compatibles avec les exigences de prix et de qualité. J’ai travaillé trois ans chez Swatch, puis chez Zenith. Mais rester toute la journée derrière un ordinateur ne m’a pas plu. J’aime œuvrer avec mes mains et je trouve le tricot hyper-méditatif. J’ai d’ailleurs fourni en bonnets et en bandeaux toute ma famille et mes amis. Depuis l’adolescence, je confectionne mes vêtements et, à un des mes anniversaires, mes proches m’ont offert une super machine à coudre que j’utilise toujours. Aujourd’hui, nous en avons six à l’atelier, pour les tissus résistants, les bâches, le cuir, les sacs, la broderie.
Notre démarche est aussi une prise de risque, mais les récompenses nous confortent dans le bien-fondé de notre atelier. Il y a d’abord eu le Prix Activation du Hub Neuchâtel, un programme qui oblige à concrétiser ses idées et à se confronter à d’autres. Puis le Prix du CCAP pour des projets écoresponsables, 20 000 francs avec lesquels nous avons trouvé notre local et lancé les Rebletz’Cafés, des ateliers de réparation. Et cet été, à Sion, lors de l’Innovation Booster soutenu par Innosuisse, nous avons reçu le Prix du public.»
1993
Naissance à Neuchâtel. Sa mère travaille dans la mode, son père est prof de physique.
2021
Fondation de La Rebletzerie et suivi du programme Activation du Hub Neuchâtel qu’elle remporte en 2022.
2024
Cocréation du premier bletz augmenté mêlant couture et technologie.