Modifier les comportements problématiques, notamment en matière d’alimentation, par le biais de jeux vidéo. C’est l’objectif de la start-up Neuria, dont les recherches ont débuté au sein du laboratoire de neuroréhabilitation de l’Université de Fribourg. «Nous étudions les comportements addictifs depuis plus de dix ans, souligne le cofondateur Frédérik Plourde. Au départ, l’idée consistait à réentraîner le cerveau afin de le rendre plus discipliné.»
Cependant, les raisons qui font qu’une personne est plus ou moins disciplinée sont multiples. «Nous n’avons pas réussi à implémenter la discipline, mais à diminuer l’envie d’effectuer des actions contre-productives», poursuit l’entrepreneur. En d’autres termes, une personne obèse ou en surpoids qui aime, par exemple, particulièrement les aliments transformés les appréciera moins après le traitement proposé par Neuria. L’objectif est de remettre en question l’envie ou le besoin du patient de consommer ce type de produits.
Un traitement basé sur des mécanismes cognitifs
Concrètement, il s’agit de simplifier le processus décisionnel en retirant les comportements addictifs ou impulsifs. Les mécanismes d’action fonctionnent comme des «molécules digitales» qui diminuent la réactivité du circuit de récompense dans le cerveau grâce à des tâches cognitives et mécaniques. Sur un smartphone, une tablette ou un ordinateur, les jeux font appel à des réflexes et à des clics rapides, qui structurent le cerveau à travers les répétitions. Ces jeux de stratégie ou d’arcade sont immersifs, ce qui permet de suractiver la plasticité neuronale et d’obtenir des résultats plus rapidement. Chaque thérapie est personnalisée. Une fois l’environnement et la mécanique de jeu développés, des algorithmes sont insérés, qui permettent de réhabiliter le cerveau. Le traitement peut durer entre trois et douze mois, avant que ces actions ne se reflètent dans la vraie vie.
Basée à Fribourg et au Biopôle (VD), Neuria opère depuis fin 2023. Elle compte aujourd’hui huit employés spécialisés dans les neurosciences, le développement de jeux vidéo, l’IA, l’analyse de données et la gestion d’entreprise. Diplômé en ingénierie mécanique et biomédicale, Frédérik Plourde a déjà fondé trois sociétés, dont deux au Québec, son pays natal. A ce jour, environ 1500 personnes ont utilisé cette thérapie au niveau clinique. D’ici à deux ans, l’équipe vise le million d’utilisateurs.
L’été dernier, elle a développé une solution pour la campagne MAYbe Less Sugar de Diabètevaud, afin d’aider les personnes à réduire leur consommation de sucre. Parmi ses clients figurent par exemple l’assureur maladie CSS ainsi que diverses institutions cliniques, comme le Centre hospitalier de La Côte ou le CHUV. En termes de financement, la start-up a levé à ce jour 510 000 francs et prévoit une levée de fonds de 3 millions de francs ce printemps. En avril, elle va lancer une version ouverte au public. A l’avenir, l’équipe souhaite développer ses activités aux Etats-Unis, où les problèmes d’obésité sont immenses. Elle envisage également de traiter d’autres types d’addictions, comme celles liées au tabac ou à l’alcool.