«Comment créer un satellite moins onéreux mais toujours aussi efficace? Il faut réduire sa taille», résume Emile de Rijk, fondateur et directeur de Swissto12. Fondé en 2011 à Renens (VD), le spin-off de l’EPFL a développé le satellite géostationnaire de télécommunications HummingSat. De la taille d’une machine à laver et pesant environ 1 tonne, c’est un poids plume de l’industrie spatiale. «L’innovation consiste à maintenir la performance du satellite dans son volume très restreint, ce qui nous permet de nous intégrer en tant que «passager secondaire» sur un lancement, réduisant ainsi considérablement les coûts.» Alors que le prix des satellites géostationnaires tourne généralement autour de 200 à 500 millions de francs, Swissto12 propose le sien pour un prix approximativement trois à cinq fois inférieur.
Swissto12 compte aujourd’hui 150 employés, répartis entre la Suisse, l’Europe et les Etats-Unis. L’assemblage de ses satellites et la fabrication de ses antennes se font dans de vastes locaux de production à Renens (VD). Depuis 2011, la société a décroché plus de 350 millions de francs de commandes et levé plus de 50 millions de francs de fonds, ce qui en fait l’une des scale-up les plus prometteuses dans son domaine. En juin, le Forum économique mondial de Davos a salué sa croissance en la labellisant comme l’une des neuf entreprises spatiales «pionnières de la technologie».
Depuis 2015, Swissto12 collabore avec l’Agence spatiale européenne (ESA, selon l’acronyme anglais) pour le développement de ses produits puis de son satellite. Et ses premiers clients sont deux géants américains de l’industrie: Viasat et Intelsat – la première entreprise à avoir envoyé un satellite commercial en orbite géostationnaire.
Un succès rendu possible grâce à la technologie d’impression 3D qu’Emile de Rijk a contribué à développer au cours de son doctorat à l’EPFL: «Nous étions les premiers à utiliser l’impression 3D comme outil de production pour réaliser des antennes radiofréquences.» Une niche d’innovation qui a leur permis de trouver leurs premiers contrats et investisseurs, mais aux applications initialement limitées: «Nous avions une solution technologique innovante, mais nous n’avions pas encore identifié à quel problème elle répondait, ni sur quel marché.» Finalement, Swissto12 a choisi, sous l’impulsion de l’ESA, de se concentrer sur l’industrie spatiale, porteuse pour les technologies de télécommunications.
Une industrie en transition
A 36 000 kilomètres d’altitude, sur l’orbite géostationnaire, les satellites des grandes sociétés de télécom deviennent obsolètes. Parallèlement, sur Terre, les améliorations technologiques ont rendu les systèmes de communication au sol plus performants et meilleur marché. Les satellites deviennent ainsi trop chers en comparaison, et les entreprises hésitent à remplacer leurs flottes. «C’est là que nous arrivons avec HummingSat, explique Emile de Rijk. La demande se transforme progressivement et ne justifie plus toujours l’acquisition d’un grand satellite. Il y a un véritable besoin d’une solution pour compléter ce qu’offrent déjà les grands groupes.»
Swissto12 se positionne ainsi dans une industrie en pleine transition. Originellement dominée uniquement par de grands acteurs, comme les français Airbus et Thalès ou l’américain Boeing, l’économie de l’espace est en train de se démocratiser. De nouvelles entreprises privées y occupent une place toujours plus importante. Selon l’organisation à but non lucratif SpaceFoundation, en 2023, le nombre de lancements commerciaux a ainsi augmenté de 50% par rapport à l’année précédente.
Premier lancement en 2026
Christophe Barraud, ingénieur et coach en développement d’entreprise chez Genilem, a analysé l’entreprise. «Dans l’industrie spatiale, la concurrence est rude. Il faut se démarquer, plus encore que dans les autres domaines – ce que Swissto12 semble avoir su faire avec sa technologie novatrice d’impression 3D.» D’autant que dans l’aérospatial, la phase de développement prend du temps. «Dans leur cas, ils ont démarré il y a dix ans et arrivent prochainement au lancement de leur premier satellite.»
Pour l’expert, «Swissto12 est à une période charnière de son histoire. A court terme, le défi est de maîtriser leur phase de scale-up. Il leur faudra stabiliser la production et les processus. A long terme, tout l’enjeu sera de conserver leur avance technologique et de ne pas brûler leurs ressources.» Emile de Rijk reste optimiste: «Le marché des satellites croît rapidement. L’intérêt pour la catégorie de produit que nous fabriquons est important, et nous avons d’ores et déjà les meilleurs clients qu’on puisse espérer pour démarrer. Prochaine étape: lancer HummingSat sur Ariane 6.» Une mission prévue pour 2026.