Non loin du lac de Neuchâtel, le leader de l’assemblage à très haute performance ne paie pas de mine depuis l’extérieur. Ici naissent pourtant des lignes robotisées installées dans le monde entier. Elles produisent stylos-injecteurs, inhalateurs, systèmes de suivi pour le diabète ou l’obésité, implants médicaux... «La pharma et les medtechs représentent 80% de nos clients, mentionne Félix Arrieta, directeur général de Mikron Boudry. Les autres viennent de secteurs différents. Nos systèmes sont à l’origine d’assemblages très complexes, comme des déclencheurs d’airbags ou de détonateurs. Cela implique du remplissage de poudre et du soudage de fils microscopiques à des cadences très élevées, de 10 à 100 cycles par minute.»

Mikron Automation est le plus grand secteur du groupe Mikron, qui compte 1580 employés dans le monde. A la bourse, la société affiche un chiffre d’affaires net en progression de 20%, soit 370,2 millions de francs (2023), +26% pour Mikron Automation. Derrière ces chiffres, il y a des personnes hautement qualifiées et une stratégie d’entreprise visant clairement à développer l’intelligence collective.

Passé le portail de sécurité, tout est pensé pour que collaborateurs et collaboratrices s’intègrent, du plus jeune au plus âgé. Près de 50% du personnel a moins de 35 ans. En cinq ans, le site de Boudry est passé de 400 à 600 salariés, dont 300 ingénieurs et 30% de techniciens CFC. Son volume d’activité a augmenté de plus de 50%. «Deux tiers des employés vivent dans le canton de Neuchâtel. Nous en cherchons 100 de plus d’ici à 2026», sourit le patron. Cette croissance a commencé avant la pandémie de covid, avec le projet d’agrandissement Next Factory inauguré en 2021.

Organisation et processus ont été repensés dans le but de réduire les émissions carbone et de développer un environnement propice à l’innovation. «L’idée était de réunir tout le monde sous un même toit, poursuit-il. Parallèlement, nous voulions disposer d’endroits facilitant l’interactivité et les échanges de savoir-faire.» Clark Elliott, architecte et psychologue du travail basé à Onex, les a accompagnés dans cette refonte.

Culture participative

L’entreprise séculaire s’est donc dotée d’un Smart Office. Au 1er étage, les bureaux attitrés ont disparu au profit de casiers individuels et de places nomades. Au milieu de cet espace, une «place de jeu» avec tables et tableaux digitaux pour brainstormer. Caissons insonorisés, sièges class-business et fauteuils escargots de couleur transforment l’ambiance. «Cela dynamise les discussions. Il y a une bonne énergie, assure Félix Arrieta, conquis par la méthode. Et voici mon espace, entièrement vitré, mais tout le monde peut l’utiliser si je n’y suis pas.»

Une équipe d’ambassadeurs en interne a participé à designer et à promouvoir cette nouvelle configuration qui multiplie les points de rencontre. A la cafétéria, appelée «place du village», quelques employés Mikron, formés volontairement à l’art du barista, servent à tour de rôle le café sous toutes ses formes.

Pour ceux qui souhaitent prolonger les liens, il y a Mikron Loisirs. L’entreprise finance une vingtaine d’activités: du club photo à l’escalade, en passant par les soirées jeux. «Les initiatives viennent des collaborateurs. Nous accompagnons comme sponsor, mais les groupes s’organisent comme ils le souhaitent. Ce n’est pas une démarche paternaliste, mais cela participe au mélange intergénérationnel. Il faut vivre la culture d’entreprise», appuie Félix Arrieta. La sortie annuelle en car pour les retraités de Mikron ou le dîner pour deux, à savoir un bon au restaurant pour ceux qui covoiturent ou viennent à vélo, étoffent la liste des avantages.

Cet état d’esprit se retrouve dans la manière de travailler. Il y a évidemment des processus de validation stricts liés aux produits, mais les équipes se sentent libres d’avoir des initiatives et d’agir pour avancer dans les projets, sans recourir systématiquement à une autorisation managériale. C’est une source de motivation.

Flux de production

Au rez-de-chaussée, la production a été repensée pour limiter les flux. Dans un premier espace, les cellules de base sont équipées d’éléments hautement technologiques. Elles deviendront des systèmes d’assemblage autonomes avec une solution software entièrement développée à Boudry. Passé cette étape, les cellules rejoignent la halle de mise en train et validation. Plusieurs dizaines de collaborateurs de différents métiers interviennent sur une ligne d’assemblage.

«Mikron n’est pas un vendeur de machines, mais de compétences. Délocaliser dans un pays à bas coût ne ferait pas sens. Nous gardons et formons les postes clés ici», insiste l’employeur. Les sites de Denver, Singapour, Shanghai ou en Lituanie servent de base arrière pour le groupe.

Les larges allées par lesquelles transite le train électrique mènent ensuite à un troisième espace dédié à l’usinage de pièces complexes. «Cela permet de garder le savoir-faire et de ne pas être dépendant de délais extérieurs», glisse le dirigeant. Une quarantaine d’apprentis et dix techniciens industriels travaillent notamment ici. Cela fait de Mikron l’un des plus grands formateurs du canton. «Les polymécaniciens sont très importants pour notre futur. C’est aussi une manière d’être en contact avec les hautes écoles avec lesquelles nous collaborons sur divers projets», observe-t-il.

Trente millions pour grandir

Mikron Boudry continue son expansion avec un nouveau projet d’envergure. Moins de trois ans après avoir inauguré l’extension du site actuel, la société a commencé les travaux de Boudry Next. La surface de production sera agrandie de 6700 m2, pour un total de 22 000 m2, incluant le dédoublement de la halle de mise en train, l’agrandissement du Smart Office et de la terrasse, un parking souterrain et un silo de stockage. «Tous les composants seront sur place, se réjouit la direction. Cela évitera des transports inutiles.» L’enveloppe est de 30 millions de francs et la fin des travaux prévue en 2026. En attendant, une centaine de collaborateurs ont été déplacés à Y-Parc à Yverdon; une situation temporaire.

Entamer un nouveau chantier n’était-il pas prématuré? «Notre croissance demande une augmentation de notre capacité actuelle en ressources humaines et en espace. En plus, nous prévoyons une réserve pour répondre à notre croissance future», explique le directeur.

Est-ce là le signe que Mikron n’a pas de craintes pour l’avenir? «Mikron reste dans un marché très concurrentiel. Nous sommes une dizaine de sociétés similaires dans le monde, mais il faut être plus rapide et plus performant que les autres. Que ce soit avec les solutions digitales ou l’intelligence artificielle, nous devons être là», pointe-t-il. Malgré une augmentation des commandes de 15% en 2023, Mikron Automation se garde bien de s’endormir sur ses lauriers.

A noter que le groupe Mikron, dont le siège est aussi à Boudry, vient de faire l’acquisition de la start-up fribourgeoise Lysr, spécialisée dans l’intelligence artificielle.

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