Le canton de Zoug s'enrichit d'une entreprise. Le groupe d'inspection des marchandises SGS transfère son siège de Genève à Baar. Les actionnaires ont approuvé le projet de déménagement fin mars. Officiellement, le départ est justifié par le coût trop élevé des locaux à Genève et la proximité de l'aéroport de Zurich. La directrice de SGS, Géraldine Picaud, parle d'économies de 5 à 10 millions de francs par an. Le regroupement d'autres sites suisses devrait également permettre de réduire les coûts. Les opposants au déménagement ont accusé la direction de servir ses propres intérêts. Outre la CEO, le directeur financier et le directeur juridique vivent également à proximité de Zoug.
1. Le géant discret du secteur des contrôles, des tests et des certificats
L'agitation est d'autant plus grande que SGS n'est pas une PME, mais un groupe mondial de contrôle, d'inspection et de certification. SGS signifie Société Générale de Surveillance, le groupe compte près de 100 000 employés dans le monde et dispose d'un réseau de 2600 laboratoires et succursales. Pendant longtemps, l'entreprise cotée en bourse a même fait partie du SMI, le principal indice boursier suisse.
Au quotidien, SGS passe presque inaperçue: même à Genève, tout le monde ne sait pas qu'un groupe mondial est installé sur la Place des Alpes, dans un bâtiment historique avec une annexe en verre. Pourtant, rares sont les entreprises qui peuvent se passer des services du leader de l'inspection de marchandises. Qu'il s'agisse de contrôles de navires, de certifications ISO ou de tests de matériaux, SGS réalise un chiffre d'affaires annuel total de près de 7 milliards de francs suisses. Même la plateforme chinoise de commerce électronique Temu, qui vise les prix les plus bas, travaille avec le groupe d'inspection mondial.
2. De la société française d'inspection des céréales au groupe d'inspection mondial
Les origines de SGS remontent à 1878. Dans les docks de la Seine, dans la ville française de Rouen, le jeune immigrant letton Henri Goldstuck a l'idée de soutenir les exportateurs de céréales en contrôlant et en vérifiant la cargaison à l'arrivée avec l'importateur. L'avantage de ce contrôle se répand rapidement auprès des exportateurs, et Henri Goldstuck fonde une entreprise avec l'Autrichien Johann Heinze. Après l'ouverture de bureaux dans les plus grands ports français, l'entreprise se développe sur tout le continent et à Londres.
Au début du XXe siècle, la société d'inspection est leader dans le contrôle des céréales avec 45 succursales en Europe. Pendant la Première Guerre mondiale, elle quitte Paris pour s'installer au bord du lac Léman, où le gendre de Henri Goldstuck, Jacques Salmanowitz, réunit les différentes filiales au sein de la Société Générale des Surveillance, qui porte encore aujourd'hui le nom de l'entreprise. Les activités d'inspection et de contrôle sont progressivement étendues à d'autres secteurs commerciaux et industries.
3. En tant que «TÜV du monde», SGS profite de la réglementation croissante
Les tests et les inspections dans le secteur des matières premières représentent encore environ un quart du chiffre d'affaires. Le principal pilier est désormais le secteur Industries and Environment, qui comprend les échantillons environnementaux, les analyses de matériaux et l'inspection des installations et des processus. Le reste - près de la moitié - est généré par les tests de composants électroniques, de biens de consommation, de denrées alimentaires et de médicaments, ainsi que par les certificats, les audits et les conseils.
Les négociants en matières premières font appel à SGS parce qu'ils veulent s'assurer que la marchandise livrée correspond bien à ce qui a été commandé. D'autres clients s'adressent au groupe de contrôle parce que la réglementation l'exige: SGS réalise une grande partie de son chiffre d'affaires grâce à des tests imposés par la réglementation nationale, qu'il s'agisse de labels de durabilité, de surveillance des émissions ou de nouvelles réglementations alimentaires. Cela protège l'entreprise des fluctuations conjoncturelles. Ses principaux concurrents sont Bureau Veritas, Intertek et, en Allemagne, le TÜV.
4. Un actionnaire important discret et une méga-fusion avortée
SGS est une société anonyme cotée en bourse avec 189,5 millions d'actions. Au cours actuel de 88 francs, la valeur boursière s'élève à 16,6 milliards de francs. Depuis la vente d'un important paquet d'actions de la famille von Finck au groupe belge Bruxelles Lambert (GBL) il y a cinq ans, ce dernier est devenu l'actionnaire principal. La société de participation cotée en bourse détient environ 15% de SGS et compte deux membres au conseil d'administration.
Derrière GBL se cachent les familles d'entrepreneurs Desmarais et Frère, ainsi que la société de participation Pargesa, fondée à Genève en 1981 par l'investisseur belge Albert Frère et l'entrepreneur canadien Paul Desmarais. Le reste des actions est détenu par des actionnaires minoritaires, UBS et Blackrock ayant également dépassé la limite des 5% via différents fonds. Les investisseurs n'ont pas apprécié que SGS négocie récemment avec Bureau Veritas une éventuelle fusion ou acquisition. Les discussions ont été interrompues en janvier.
5. Un dividende stable réconforte les investisseurs, malgré une faible performance boursière
Depuis des années, les actions de SGS sont à la traîne par rapport à l'ensemble du marché et à celles de son concurrent Bureau Veritas. Après la pandémie, SGS a dû faire face à une pression sur les coûts et à une baisse de ses marges. Le franc fort a également causé des difficultés au groupe international.
Néanmoins, le cours de l'action est à nouveau en légère hausse depuis que l'ancienne directrice financière de Holcim, Géraldine Picaud, a pris la tête de lentreprise il y a un an. En 2024, le groupe a enregistré un résultat solide, avec une croissance organique de 7,5% et une marge bénéficiaire opérationnelle de 15,3%. La grande fusion avec Bureau Veritas n'a pas eu lieu, mais SGS a racheté quatorze petites entreprises depuis début 2024. La stratégie d'acquisition porte la marque de la nouvelle CEO. Le dividende devrait rester constant à 3,20 francs par action, ce qui représente actuellement un rendement de 3,6%. Les analystes ont des avis partagés sur SGS: les recommandations d'achat ne dépassent que légèrement les recommandations de vente.
Conclusion
Que ce soit à Genève ou à Zoug, SGS est un bon contribuable et un atout pour le marché boursier suisse. Mais en tant qu'employeur, son importance dans notre pays reste relativement modeste. Sur les quelque 100 000 employés que compte l'entreprise dans le monde, seuls 350 sont basés en Suisse, dont environ 200 dans les différents laboratoires et 150 au siège de Genève. Selon la SGS, un abonnement général sera proposé à ces derniers en vue du déménagement à Baar.
Les économies de coûts espérées, de l'ordre de 5 à 10 millions de francs, ne pèsent pas lourd face aux coûts opérationnels totaux de près de 6 milliards. L'année dernière, les frais de déplacement à eux seuls se sont élevés à 324 millions de dollars. Après des années difficiles, les affaires de SGS vont à nouveau mieux. La nouvelle directrice générale ne manque pas d'ambition: d'ici 2027, SGS vise une croissance organique annuelle comprise entre 5 et 7% avec des marges nettement plus élevées. Reste à savoir si cet objectif sera plus facile à atteindre depuis le nouveau site.
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Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.