Près d’un tiers des entreprises genevoises ont déjà envisagé de quitter Genève. Ce constat tiré d’un sondage de la Fondation pour l’attractivité du canton (FLAG) illustre les difficultés que traverse la région. Après Firmenich, la SGS – autre entreprise iconique du canton – s’apprête elle aussi à faire ses cartons. A ces départs s’ajoute une grande incertitude autour de la Genève internationale, les coupes de la nouvelle administration américaine menaçant de nombreux emplois. «Ces signaux doivent être sérieusement pris en compte», dit Vincent Subilia, directeur général de la CCIG. «En interrogeant les entreprises, on en apprend plus sur leurs difficultés: accès aux talents, fiscalité, mobilité et logement», renchérit Karine Curti, directrice de la FLAG.
Des obstacles structurels
«La réforme de l’OCDE sur l’imposition des personnes morales limite la concurrence, pour autant que les administrations cantonales en aient une lecture homogène, explique Vincent Subilia. Mais l’imposition des personnes physiques et de l’outil de travail reste un frein majeur à Genève.» En septembre, la population se prononçait à 58,7% contre l’allègement de l’impôt sur l’outil de travail. Un choix dommageable, selon Ivan Slatkine, président de la section genevoise de la Fédération des entreprises romandes (FER): «Cette initiative aurait permis d’alléger les charges, notamment pour les start-up, et de favoriser l’entrepreneuriat au sens large.»
Autre problème, l’accès aux talents. «Le canton n’est plus aussi attractif pour les profils hautement qualifiés souvent associés à de hauts revenus, poursuit Karine Curti. Les entreprises genevoises qui ne parviennent pas à attirer et retenir ces talents sont contraintes d’étendre leurs activités ailleurs.» Une majorité des entreprises interrogées gardent leur siège à Genève mais créent plus d’emplois dans d’autres cantons. «A Zoug, où la SGS souhaite installer son siège, un haut cadre paie deux fois moins d’impôts, c’est difficile à concurrencer, illustre Ivan Slatkine. A Genève, il faut interroger la formation pour favoriser l’émergence de talents mais aussi être en mesure de les conserver.»
La concurrence étrangère se montre par ailleurs de plus en plus musclée. Vincent Subilia l’observe tous les jours: «Des pays comme Singapour ou des Emirats viennent démarcher des entreprises genevoises avec des condition-cadres très attractives.» Plus proches de la Suisse, la France et l’Italie s’intéressent aussi aux entreprises helvétiques.
Des atouts à préserver et à renforcer
Genève conserve de bons arguments. «Sa stabilité économique et juridique, la qualité de vie et son ouverture restent des atouts majeurs», rappelle la directrice de la FLAG. Le départ voulu par la SGS devrait donc amener à un questionnement pour maintenir ces acquis. «La présence de grandes multinationales est historique à Genève et contribue largement à la prospérité du canton, précise Vincent Subilia. Si le levier fiscal est central, il faut que politique et économique s’accordent pour développer les bonnes infrastructures, régler ces problèmes de logement et de mobilité, et s’assurer que l’administration soit au service des contribuables.»
Enfin, la question de la Genève internationale ne peut être ignorée. Le canton a débloqué une aide de 10 millions de francs pour soutenir les emplois des ONG. «Un signal fort qu’il était important de donner, juge Ivan Slatkine. Mais il ne résoudra pas tout; la Confédération doit aussi s’en saisir.»
Genève ne traverse pas une crise irréversible, mais son attractivité est mise à l’épreuve par la conjoncture et, pour de nombreux acteurs économiques interrogés, la réponse passe par l’innovation et une politique fiscale plus incitative. «Il est temps d’être plus offensif pour préserver notre prospérité», résume Vincent Subilia.