En théorie, un carburant de synthèse peut être produit à partir de toute matière première contenant du carbone et de l’hydrogène, comme le charbon, la biomasse (déchets agricoles, ménagers, industriels…) ou le gaz naturel. Selon le professeur Oliver Kröcher, les trois pistes suivantes sont les plus prometteuses. A terme, elles pourraient par exemple permettre de décarboniser le secteur du transport maritime.

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1. Le gaz naturel de synthèse

Il est relativement facile de combiner de l’hydrogène avec du monoxyde ou du dioxyde de carbone pour fabriquer du gaz naturel de synthèse. De plus, les réseaux de distribution sont déjà disponibles en Suisse. En outre, notre pays peut utiliser ses propres turbines à gaz et pourrait choisir de recourir à un mix entre gaz naturel, gaz de synthèse et hydrogène. Les évolutions futures sont difficiles à prévoir, c’est pourquoi il se révèle judicieux de garder le plus d’options ouvertes. On trouve déjà sur les océans des navires qui fonctionnent avec ce type de carburant au lieu du diesel habituel.

2. Le méthanol

Les vecteurs énergétiques peuvent également être liquides. C’est d’ailleurs une tendance qui prend de l’ampleur. Le méthanol peut lui aussi être converti en fuel durable pour le secteur de la navigation. L’Institut Paul Scherrer travaille activement sur cette question avec différents partenaires. L’idée consiste à développer une technologie permettant de convertir de l’hydrogène et du CO2 en méthanol, puis de le transformer en oléfine.

Aujourd’hui, le méthanol est l’un des composés chimiques les plus produits à l’échelle mondiale: 200 millions de tonnes sont engendrées chaque année par l’industrie chimique. Bien sûr, il s’agit de méthanol basé sur de l’énergie fossile. Mais il est envisageable de substituer, étape par étape, le processus de production par de l’énergie renouvelable. Cependant, cette substance reste un composé organique. D’où l’idée de s’orienter vers des vecteurs énergétiques sans carbone, comme l’ammoniac.

3. L’ammoniac

Composé d’un atome d’azote et de trois atomes d’hydrogène, l’ammoniac est lui aussi un composé chimique produit en très grandes quantités dans le monde, notamment pour les fertilisants (plus de 200 millions de tonnes sont produites chaque année par l’industrie chimique). Il est possible de diviser cette substance pour en retirer l’hydrogène, ce qui évacue uniquement dans l’atmosphère de l’azote, dont cette dernière est en grande partie constituée. L’effet sur l’environnement est par conséquent nul. En outre, par rapport à l’hydrogène, l’ammoniac est beaucoup plus facile à stocker à partir de basses pressions. Sa densité d’énergie est alors nettement plus élevée que celle de l’hydrogène compressé.

Lorsqu’il est transporté, les pertes sont nettement moins importantes (avec l’hydrogène, on estime que sur une distance de 1000 km à travers un pipeline, la perte est comprise entre 20 et 30%). De plus, on peut le liquéfier facilement, ce qui permet de le transporter plus aisément en bateau ou en camion. Enfin, nous disposons déjà d’une longue expérience avec ce composé, qui est fréquemment utilisé pour maintenir des produits au frais sur les navires ou refroidir les patinoires, par exemple.

Seul problème, si ces carburants sont brûlés dans des moteurs à combustion, des polluants néfastes peuvent être produits, comme de l’oxyde d’azote, dont la concentration peut être plus élevée qu’avec des carburants traditionnels. Par conséquent, l’objectif consiste à poursuivre les recherches afin que le produit de la combustion soit uniquement composé d’eau.

Hydrogène vert: des projets à foison

Alpiq, CIMO et Satom à Monthey (VS) 
Il n’y a pas que les start-up qui innovent en matière d’hydrogène, les grands groupes sont aussi très actifs. Parmi d’autres projets, Alpiq prévoit de produire de l’hydrogène vert à Monthey en collaboration avec les sociétés locales CIMO et Satom. Les trois partenaires souhaitent construire une installation d’une puissance initiale de 5 mégawatts, qui devrait produire de l’hydrogène vert dès 2026. L’hydrogène issu de ce projet devrait contribuer à la décarbonation du trafic lourd régional et couvrir une partie des besoins en hydrogène et en oxygène du site chimique de Monthey.

Romande Energie à Aigle (VD) 
Pour sa part, Romande Energie gère un portefeuille comprenant de l’hydraulique, du photovoltaïque et de l’éolien. Elle investit dans les réseaux de chauffage à distance et collabore à des projets de géothermie profonde. Depuis quelques années, elle se profile également dans l’hydrogène. Avec les entreprises vaudoises SolydEra et Zwahlen & Mayr, elle développe une centrale à Aigle. Opérationnelle en 2025, elle devrait produire de l’hydrogène renouvelable autoconsommé localement.

Groupe E à Schiffenen (FR) 
De son côté, Groupe E a inauguré l’an dernier le premier site de production d’hydrogène vert de Suisse occidentale, à Schiffenen. C’est l’électricité issue de la turbine de dotation du barrage voisin qui alimente les installations. Le processus de production des molécules est donc entièrement décarboné. Le groupe entend ainsi contribuer à la décarbonation de l’industrie et de la mobilité lourde, mais également acquérir de l’expérience dans une technologie qui pourrait apporter des solutions à la problématique du stockage de l’électricité.