Les clés du succès: innovation, spécialisation et qualité

Alors que les coûts de production pèsent sur les entreprises industrielles et exportatrices suisses, les leaders parviennent à s’imposer en tirant profit de leur inventivité et de leur proximité avec la clientèle.

«Nous nous démarquons de la concurrence internationale, notamment asiatique et européenne, en proposant de la valeur ajoutée, soit des produits et services d’une plus grande complexité technique et opérationnelle, proche parfois du «sur mesure». Cela nous oblige également à être plus proches et plus disponibles pour nos clients.» David Chétrit, CEO de Kudelski Security, résume ainsi la réussite de l’entreprise vaudoise dans le secteur très compétitif et mondialisé de la cybersécurité. De nombreux secteurs, parfois inattendus, comptent des entreprises suisses parmi leurs leaders mondiaux.

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Relativement discrètes, ces PME opèrent le plus souvent sur un marché de niche et sur des segments à haute valeur ajoutée, où elles ont su s’imposer en proposant des produits de qualité supérieure ou en faisant preuve d’une flexibilité technique élevée envers leurs clients. «Les coûts d’opération nous obligent à proposer des services haut de gamme et à faire preuve d’une capacité d’innovation qui justifient nos prix auprès de la clientèle, appuie le CEO de Kudelski Security. En même temps, la Suisse offre les conditions idéales pour produire ce type de biens et services qui nécessitent une excellence technique. Cela crée un cercle vertueux qui nous incite à rester.» Fortement exportatrices, ces entreprises dépendent massivement de la santé du commerce extérieur.

«Elles contribuent à entretenir la réputation des produits et services estampillés «Swiss made», explique Claudia Moerker, directrice de l’association Swiss Export. Cette étiquette est toujours considérée comme un gage de précision et de fiabilité à l’étranger.» Mais les chiffres relevés ces dernières années témoignent d’une réalité contrastée pour l’ensemble du tissu économique. L’industrie des machines, autrefois poids lourd du commerce extérieur (voir infographie), a progressivement perdu du terrain au profit de l’industrie chimique et pharmaceutique. La part de l’industrie dans l’ensemble des exportations a pratiquement été divisée par deux ces vingt-cinq dernières années. Le cas du fabricant de vélos électriques bernois Flyer, qui a annoncé fin octobre la délocalisation de sa production, en est un récent exemple. Se maintenir au sommet en produisant sur l’un des marchés où les coûts de production sont les plus élevés du monde, voilà tout l’enjeu des PME exportatrices de Suisse.

Part de l'industrie des machines dans les exportations
© DR
Chiffres clés

PME et commerce extérieur 
Alors que seules 7% des PME sont exportatrices, elles génèrent environ 42% de l’ensemble des exportations, selon les chiffres rapportés en 2023 par la Banque cantonale de Zurich. Ce chiffre contraste nettement avec les niveaux observés chez nos voisins français (23%) et allemands (22%).

Excédent commercial 
La Suisse a enregistré en 2023 un excédent commercial de 48,85 milliards de francs. Depuis 1980, le volume des exportations a été multiplié par six et celui des importations par quatre. Depuis le début des années 2010, l’excédent commercial s’est nettement renforcé et permet à la Suisse de conclure tous ses exercices dans les chiffres noirs.

Exportations par pays 
La majorité des exportations partent pour les pays d’Europe (44,8%) et pour l’Asie (35,6%). Néanmoins, ce sont les ventes aux Etats-Unis et en Chine qui ont le plus augmenté entre 2013 et 2023, avec des taux de croissance respectifs de 83% et de 74%. Plus de la moitié des marchandises et services achetés à l’étranger proviennent d’Europe (54,9%) alors que l’Asie suit avec un peu moins d’un quart (24%).

Coût horaire moyen 
Le coût horaire moyen de la main-d’œuvre s’élevait à 63,62 francs en Suisse en 2020, selon la Statistique structurelle des coûts de la main-d’œuvre 2023, publiée par l’OFS. Dans l’Union européenne, le coût moyen s’élevait à 28,20 euros cette même année, avec des différences notables entre les pays membres (Espagne: 24,8 euros, Danemark: 47,5 euros).

Dépenses par secteur 
En Suisse, les coûts horaires observés dans l’industrie sont semblables à la moyenne. Dans le secteur de la finance, ces dépenses atteignent 98,23 francs alors qu’elles se situent à 88,51 francs dans le secteur de l’information et de la communication. A l’inverse, ce sont les métiers de l’hébergement et de la restauration qui coûtaient le moins cher dans le pays (39,90 francs par heure).

Ces entreprises suisses se sont imposées dans le monde

De bouchons de bouteilles à des véhicules d’entretien de la voirie, en passant par des sécateurs, des friteuses pour les restaurateurs ou encore des connexions USB ultrarapides, huit exemples de PME, parfois en mains familiales, qui réussissent à l’étranger.

1. Aisa: Boulevard des tubes

L’entreprise valaisanne construit des machines qui produisent des emballages. Près d’un tube de dentifrice sur deux dans le monde a été fabriqué sur l’un de ses appareils.

Elle fournit Colgate, L’Oréal ou Procter & Gamble. Aujourd’hui, la moitié des tubes de dentifrice vendus dans le monde sont manufacturés à l’aide de ses machines. L’entreprise Aisa, installée à Vouvry (VS), fabrique d’imposants dispositifs industriels complexes qui permettent de produire jusqu’à 600 emballages par minute. L’entreprise emploie 260 personnes sur son site chablaisien et exporte la quasi-totalité de sa production, sur tous les continents. Fondée en 1962 à Vevey, Aisa était initialement spécialisée dans les systèmes de vernissage des tubes d’emballage en aluminium.

A la fin des années 1970, le marché connaît une petite révolution avec l’apparition, aux Etats-Unis, du tube laminé, plus flexible et plus léger. La PME suisse y voit une opportunité et décide de fabriquer des machines capables de produire des tubes laminés en quantité industrielle. Le succès est au rendez-vous et Aisa devient rapidement un acteur majeur du secteur. A la fin des années 1990, l’entreprise valaisanne introduit son premier modèle capable de produire des tubes en plastique, alors appréciés du marché car sans aluminium à l’intérieur. Peu après, ses ingénieurs s’intéressent aux matières plus recyclables comme le polyéthylène et le papier. «Nous avons aussi été pionniers sur ce segment, mais il a fallu les années 2020 pour que certaines des grandes marques, dont L’Oréal, franchissent le pas», explique Hugues-Vincent Roy, directeur d’Aisa.

Pour pérenniser ses activités, l’entreprise industrielle s’efforce de fournir des produits parmi les plus fiables du marché. «Sur les 1000 exemplaires que nous avons vendus, seule une poignée n’est plus en fonction aujourd’hui. Ces appareils sont conçus pour durer et s’adapter. Ils peuvent recevoir des améliorations et des mises à jour tout au long de leur vie.»

Cette capacité de production de qualité supérieure est l’une des raisons pour lesquelles l’entreprise exclut de délocaliser. «Nous avons besoin de compétences dans des dizaines de domaines, de l’ingénierie à l’assemblage, en passant par l’intelligence artificielle. Or la main-d’œuvre disponible en Suisse est souvent très bien formée et reste volontiers fidèle à son employeur.»

Désormais contrainte de s’approvisionner partiellement en pièces détachées en Europe de l’Est pour réduire les coûts, la firme valaisanne mise sur le développement de son outil de production pour rester dans la course. Environ un dixième de son chiffre d’affaires est réinvesti dans la recherche et le développement. «Cela répond à notre volonté de pérenniser notre site de Vouvry. Pour produire en Suisse, il faut constamment innover.»

2. Valentine: La PME qui a la frite

L’entreprise vaudoise fabrique des friteuses professionnelles et compte notamment sur la fiabilité et l’ergonomie de ses machines pour rester attractive malgré des coûts de production plus élevés.

La volonté de perpétuer un ancrage de longue date se retrouve chez Valentine, qui a inventé en 1947 la friteuse à corps de chauffe électrique plongé directement dans l’huile. Installée à Romanel-sur-Morges (VD) depuis 2014, la société compte une trentaine d’employés et produit environ 120 unités par semaine, dont 80% sont vendues à l’étranger. Comment l’entreprise s’est-elle imposée face à la concurrence internationale? «Nous avons été les premiers», résume Christophe Paris, directeur de Valentine, tout en insistant sur le fait que cet avantage concurrentiel ne suffit plus aujourd’hui à contrer les compétiteurs sur les marchés internationaux, dont l’entreprise dépend largement. Petit-fils du cofondateur de l’entreprise, René Paris, le Vaudois a récemment repris les commandes de son père, aux côtés de sa sœur, Stéphanie Berthet-Paris, et de son frère, Julien Paris.

Pour Christophe Paris, c’est la capacité à innover qui fait la différence. «Actuellement, nous misons sur des filtres à huile plus efficaces pour nous démarquer.» Toujours attentif aux nouvelles demandes du marché, le Vaudois n’exclut pas d’investir dans le développement des mini-fours à air chaud (communément appelés «friteuses à air chaud» ou «air fryer»), très appréciés des consommateurs qui y voient une façon d’obtenir des résultats similaires à la friture à l’huile. «C’est une nouveauté intéressante, notamment pour rendre la frite plus saine. Cependant, elle convient actuellement davantage aux particuliers qu’aux clients commerciaux.»

Le fabricant vaudois compte aussi sur la fiabilité et l’ergonomie de ses machines pour rester attractif malgré des coûts de production plus élevés. «Nos clients ne veulent pas entendre parler de service après-vente, nous œuvrons à ce que les machines soient faciles à utiliser dès la première fois.»

3. Medistri: Les as de la stérilisation

La PME fribourgeoise décontamine 1 milliard d’objets par an pour des clients du monde entier, dont la NASA.

Etablie à Domdidier (FR), Medistri propose des services de stérilisation et d’analyse de laboratoire à des entreprises du monde entier. La PME a été créée en 2006 face au constat d’une forte demande en la matière: «Je travaillais dans une entreprise de stérilisation de produits medtech, qui ne voulait pas grandir davantage. Le marché était en pleine croissance. Il ne fallait pas attendre que ce potentiel parte à l’étranger», raconte Shoko Nilforoushan, fondatrice et actuelle directrice de la PME.

Medistri travaille pour des clients dans la pharmaceutique et le médical, qui représentent 60% de son chiffre d’affaires, mais aussi dans l’aérospatial. Elle reçoit parfois des paquets de la NASA avec des ustensiles à stériliser pour des missions dans l’espace. En tout, ce sont près de 1 milliard de fioles en verre par an qui passent dans ses locaux. Comment l’entreprise s’est-elle imposée dans le secteur? «Le monde de la pharma et de la medtech représente finalement un marché assez restreint, où les gens se connaissent. Le bouche à oreille fonctionne vite. Et puis, nous nous inscrivons dans un marché de niche.»

Un atout de la PME semble être la rapidité d’exécution. «Les clients s’adressent à nous quand ils sont prêts à commercialiser un produit. Il faut donc assurer notre tâche dans les meilleurs délais, sans quoi ils vont voir ailleurs.» Près de 10% du personnel de Medistri travaille au département qualité et la PME est soumise à un audit par semaine, de la part de «notified bodies» suisses et étrangers ou de ceux de ses clients.

Cet été, Medistri a été désignée comme l’une des cinq meilleures PME de Suisse romande par le Swiss Venture Club. Pour cause, sa croissance se chiffre de 15 à 18% par an et l’avenir s’annonce prometteur. Les derniers travaux d’agrandissement de son site permettront d’accueillir encore quatre installations de stérilisation à ajouter aux six existantes. Elle a aussi reçu récemment le certificat ISO 14001 pour la récompenser de ses efforts en matière de durabilité: choix de fournisseurs locaux et utilisation de 100% d’énergie renouvelable. «Nous évitons le gaspillage en achetant le matériel qu’il nous faut dans la région. On dit toujours que les produits suisses sont chers, mais si on arrive à avoir une bonne maîtrise des coûts, on peut fixer des prix corrects et rester concurrentiels avec les pays voisins. Cet aspect nous a clairement aidés à fidéliser notre clientèle.» Medistri compte 87 employés en Suisse et vient d’ouvrir un site de stérilisation dans la région de Budapest, fort d’une dizaine de collaborateurs.

4. Corvaglia: Des milliards de bouchons

L’entreprise thurgovienne conçoit et produit 20% du marché mondial des bouchons de bouteilles, pour les géants de l’industrie agroalimentaire.

Les bouteilles en PET apparaissent sur le marché européen au tout début des années 1990, remplaçant les contenants en PVC utilisés jusqu’alors. Formé dans le domaine de la plasturgie, Romeo Corvaglia flaire l’aubaine et se met à concevoir des moules à injection dès 1991 pour produire des bouchons de bouteilles. Il les fait d’abord fabriquer par un mouliste externe, dont il reprend l’activité cinq ans plus tard pour créer Corvaglia Mould. Les fabricants déjà présents sur le marché avaient tendance à élaborer des bouchons en deux parties, avec une rondelle d’étanchéité séparée du reste de la capsule.

Premier facteur de succès: dès le début, Romeo Corvaglia mise sur les bouchons d’un seul tenant, une solution très attrayante pour les clients de l’entreprise. En 1993, il vend déjà de premières installations de production de bouchons en Chine et en Corée. Aujourd’hui, la PME conçoit et produit une vingtaine de modèles de bouchons différents, et de l’ordre de 9 milliards d’unités par an, ainsi que les infrastructures nécessaires à leur production. Plusieurs de ses créations étaient pionnières quand elles ont été mises sur le marché, comme le bouchon de 25 mm de diamètre en 2014. Ses bouchons représentent 20% du marché mondial, et elle compte parmi ses clients les plus grandes marques de boissons internationales. «Ce qui nous distingue de la concurrence, c’est notre savoir-faire et nos services tout au long de la chaîne de création de valeur», explique Patrick Helbling, assistant de direction. Soit de la conception des capsules à leur production, en passant par la fabrication des moules, à l’application des bouchons sur les bouteilles et à l’impression de la marque qui les commercialise.

Corvaglia est également engagée dans le lightweighting, soit le développement de bouchons toujours plus légers, tout en conservant les mêmes propriétés de fermeture. C’est ainsi qu’elle détient depuis 2007 le record mondial du bouchon de boisson le plus léger appliqué industriellement. Elle dénombre 165 collaborateurs sur son site d’Eschlikon (TG), et presque autant dans ses deux succursales au Mexique, créée en 2003, et aux Etats-Unis (2017), avec un total de 310 collaborateurs. Pour l’avenir, la PME souhaite devenir, si ce n’est pas déjà le cas, la référence dans le secteur. «Il ne s’agit pas d’une question de taille en soi, mais de faire en sorte que tous les acteurs de l’industrie connaissent notre nom et sachent qu’ils peuvent s’adresser à nous s’ils ont des questions ou s’ils cherchent de bonnes solutions.»

5. Gotec: En grande pompe

L’entreprise valaisanne, qui exporte 95% de sa production de pompes à piston, se distingue grâce à des produits innovants et plus résistants.

«Dans notre secteur, la quasi-totalité de la clientèle opère à l’étranger. Nous n’avons pas d’autre choix que d’exporter massivement.» Frédéric Dayer est directeur de Gotec, qui emploie 50 personnes à Saint-Léonard (VS) et exporte 95% de sa production, entièrement réalisée en Suisse.

Sa spécialité: les pompes à piston électromagnétiques, qui entrent dans la composition des appareils de nettoyage ou de désinfection. C’est un partenariat avec la marque allemande Kärcher, lancé en 1986, qui a le plus contribué à propulser Gotec au rang d’entreprise internationale. Aujourd’hui, la petite société valaisanne est entièrement dépendante des exportations. En plus des pompes électromagnétiques, le fabricant usine notamment des pompes à palettes, à condensats et des pompes pour les chaudières à mazout.

Sur les marchés internationaux, Gotec parvient à se distinguer grâce à des produits innovants et plus résistants. «Nos pompes peuvent durer jusqu’à dix mille heures, là où la concurrence se situe plutôt autour de quelques centaines», explique Frédéric Dayer. Outre des pièces très résistantes à l’usure, le fabricant tire parti de sa taille modeste pour maximiser sa flexibilité en termes de conception et de fabrication.

«Nos concurrents en Italie et en Asie disposent de capacités de production de plusieurs millions de pièces par an, là où la nôtre se situe autour de 400 000. Ce volume relativement restreint nous permet de maximiser notre adaptabilité. Nous concevons et fabriquons des modèles spécialement adaptés aux besoins d’un client spécifique. En quarante ans, nous avons réalisé plus de 2000 modèles différents.»

Mais chaque médaille a son revers, notamment lorsque les stocks des fournisseurs s’épuisent et que les chaînes d’approvisionnement se tendent. «En cas de pénurie, les fournisseurs de matière première priorisent les grosses commandes. En tant que plus petit client, on est souvent contraint d’attendre son tour ou de payer le prix fort.»

Fondée par l’entrepreneur allemand Otto Eckerle, Gotec est restée en mains familiales depuis sa création en 1964. «Les propriétaires tiennent fermement à ce que les emplois soient maintenus ici», poursuit Frédéric Dayer.

6. Boschung: La déneigeuse du futur

L’entreprise fondée à Fribourg en 1947 commercialise ses véhicules d’entretien de la voirie dans le monde entier.

Difficile d’ignorer l’existence de l’entreprise Boschung quand on habite en Suisse: ses véhicules d’entretien arpentent les rues du pays été comme hiver. Tout commence en 1947 quand Marcel Boschung senior, qui tient un atelier de carrosserie dans le canton de Fribourg, prend conscience d’un besoin criant en matière de véhicules hivernaux. Il rachète alors les engins Unimog, qui peuvent accueillir une saleuse à l’arrière et un chasse-neige à l’avant. Et imagine ensuite un équivalent plus petit pour tenir sur les trottoirs. C’est ainsi que naît en 1970 Pony, un véhicule d’entretien multifonction (déneigement, salage, nettoyage haute pression, porte-outils, arrosage des plantes), complètement novateur pour l’époque.

En 1964, l’entreprise développe un système de détection de verglas à l’aide de capteurs, pour ensuite saler les routes en conséquence. En 1985, elle sort le Jetbroom, destiné au déneigement des pistes aéroportuaires, et, en 1990, une plateforme numérique de gestion des activités de l’entreprise, bVision. Tous ces produits constituent des nouveautés sur le marché à leur sortie.

Le développement à l’international ne se fait pas attendre. Dans les années 1970 déjà, les 50 premiers Pony sont vendus à Paris. La décennie suivante, l’entreprise Boschung s’attaque au marché américain, puis, dans les années 1990, à la Chine et à la Russie. Aujourd’hui, l’entreprise compte près de 150 collaborateurs sur son site à l’aérodrome de Payerne (VD) pour un total d’environ 700 collaborateurs dans le monde, répartis dans 12 filiales présentes dans 11 pays. «Notre force consiste à proposer des appareils multifonctionnels, explique Emilie Boschung, directrice du marketing et petite-fille du fondateur de l’entreprise. Avec la situation climatique actuelle et les changements de temps potentiellement très rapides, de tels appareils se révèlent extrêmement utiles.» L’effort d’innovation constant se révèle également payant, ainsi que l’argument de la qualité suisse, qui fait généralement mouche à l’étranger.

Surtout, l’entreprise est la seule au monde à proposer des solutions à la fois de détection, d’action et de management. «Nous avons de la concurrence dans ces trois axes d’activité, mais pas sur l’ensemble.» Le groupe Boschung se distingue également sur le plan environnemental, étant l’un des premiers du secteur à s’être lancés dans le développement de modèles électriques. Il a récemment fait le pas de renoncer complètement à produire des véhicules thermiques dans sa gamme de petits modèles. Un geste pionnier, là encore.

7. Felco: La rolls des outils de jardinage

Ses outils ont séduit amateurs et professionnels du jardinage aux quatre coins  du monde. L’entreprise neuchâteloise tient  à garder toute sa chaîne de production en Suisse.

L’entreprise Felco, leader sur le marché du sécateur, exporte près de 95% de sa production dans près de 120 pays répartis sur les cinq continents. «Nos sécateurs sont aujourd’hui les plus imités du monde. Parfois, ces copies sont très ressemblantes aux originaux à première vue, mais jamais sur le plan de la qualité», ironise Nabil Francis, directeur de la société depuis 2021. Il est vrai que ses produits font des émules, à tel point qu’ils font l’objet de contrefaçons. En 2020, les douanes hongroises avaient saisi 400 faux sécateurs Felco.

Pour maintenir son statut de leader malgré le franc fort, l’entreprise établie aux Geneveys-sur-Coffrane (NE) n’a d’autre choix que de réinvestir une large part de ses bénéfices dans la modernisation de ses installations et de ses produits. «Cette année, nous avons déposé deux brevets: un système anti-coupure baptisé Cut-Shield sur les sécateurs électriques et un revêtement de lame, F-Gold, qui permet de réduire les frictions», annonce Nabil Francis.

Marié à Christelle Francis-Flisch, petite-fille du fondateur de Felco et présidente du conseil d’administration du Flisch Holding, qui détient la marque, le directeur reste persuadé que la Suisse constitue un terreau fertile pour les filières haut de gamme, y compris dans l’industrie. «Le pays offre un environnement stable et un écosystème de savoir-faire industriel unique. Cette stabilité permet d’investir sur le long terme et de rester fidèle à ses standards d’excellence. Je suis convaincu qu’il existe un avenir dans notre pays pour les entreprises industrielles qui visent à s’imposer sur les marchés internationaux.»

L’aventure commence en 1945 avec Félix Flisch qui lance le premier produit de la firme, le sécateur Felco 1. En 1948, le modèle emblématique Felco 2 fait son apparition. Septante ans plus tard, en 2018, le fleuron de l’entreprise devient le premier objet industriel à décrocher le grand prix du design suisse. «Ce prix prestigieux a consacré notre excellence», se réjouit Christelle Francis-Flisch. Depuis son lancement, le Felco 2 s’est vendu à plus de 19 millions d’exemplaires.

En 2025, l’entreprise fêtera ses 80 ans. «Tout au long de notre histoire, nous sommes restés fidèles à nos principes: une innovation constante pour moderniser la production et un engagement pour des outils durables et réparables. Cela a permis non seulement de pérenniser la confiance des consommateurs mais aussi de répondre aux exigences de tous les marchés sur lesquels nous sommes présents.»

8. Kandou: La magie du silicium

La PME basée à Saint-Sulpice (VD) a convaincu les grands fabricants d’ordinateur avec sa puce en silicium à haute performance. Elle se lance désormais à l’assaut du marché des centres de données.

Professeur de mathématiques et d’informatique à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Amin Shokrollahi a fondé l’entreprise Kandou Bus en 2011. La pièce maîtresse de l’entreprise: la puce en silicium Matterhorn, qui permet aux ordinateurs et consoles de jeux de lire les informations transmises via un port USB-C. «Parmi les six plus grands fabricants d’ordinateurs, cinq utilisent notre technologie.» Les composants made in Saint-Sulpice se retrouvent en effet dans les appareils estampillés Dell, Asus, Acer, HP et Lenovo.

Vendu à plus de 13 millions d’unités, ce concentré de microtechnologies composé d’une petite plaque de silicium et de millions de transistors est conceptualisé dans le laboratoire vaudois de Kandou Bus, où 80 des 200 employés de l’entreprise sont basés. Les tests pré-production sont ensuite conduits dans les filiales de l’entreprise en Allemagne et en Écosse, avant d’être manufacturées à Taïwan par le géant des semi-conducteurs TSMC.

Ce premier succès alimente ses ambitions. Prochaine étape: le marché des centres de données, qui présente un énorme potentiel de croissance en raison du fort développement de l’intelligence artificielle. En 2023, Kandou a conclu un tour de financement de 72,3 millions de dollars qui devraient lui permettre de se positionner sur le marché avec une autre variante de composant en silicium, baptisée Regli. «Ce modèle pourra notamment équiper les processeurs graphiques de Nvidia. Si nous réussissons sur ce marché, nous pourrions peser près de 10 milliards de dollars dans les années à venir.» A noter que le marché des semi-conducteurs a connu des niveaux record ces dernières années, et son volume global pourrait passer la barre des 1000 milliards de dollars d’ici 2030.

Connue comme l’une des rares «licornes» suisses, Kandou est aujourd’hui valorisée autour d’un milliard de francs. Pourtant, la quête de financements a été dure. «Trouver des investisseurs en Suisse demeure compliqué dans le domaine des hautes technologies. Ils nous demandaient souvent un prototype, ce qui, dans notre domaine, coûte des millions.» L’entrepreneur a dû se tourner vers les États-Unis, où il a obtenu le soutien d’investisseurs en capital-risque dès 2016.

Alors que les investisseurs et la quasi-totalité de ses clients se trouvent aux États-Unis et en Asie, Amin Shokrollahi tient fermement à son implantation sur les bords du Léman. «La stabilité politique, l’appui des pouvoirs publics et la qualité de vie que nous pouvons offrir à notre personnel nous incitent à rester.»