Jamais autant de Suisses n’avaient osé lancer leur propre entreprise au cours de ces dix dernières années. Avec plus de 50 000 sociétés fondées en 2023, le pays enregistre une hausse de près de 14% par rapport à 2014, selon la dernière étude de l’institut IFJ. Afin d’optimiser ses chances de réussite, mieux vaut toutefois trouver une idée qui fera la différence sur le marché suisse. Et si l’inspiration venait de l’étranger? Et si l’originalité n’était en fait qu’«une judicieuse imitation», comme le soutenait Voltaire?
Bénéficiaires de levées de fonds spectaculaires ou adoubées par des prix prestigieux, les 50 pépites présentées dans ce dossier ont fait leurs preuves à l’étranger. Venues des quatre coins du monde, du Japon au Mexique, en passant par la Suède, l’Allemagne et l’Inde, les idées entrepreneuriales sélectionnées pourraient être transposées – ou développées à plus large échelle, si elles existent déjà – en Suisse. Ces entreprises s’illustrent dans des domaines aussi variés que l’intelligence artificielle, l’éducation, l’alimentation, le tourisme ou encore la flexibilisation du travail.
Afin d’évaluer le potentiel d’application en Suisse de ces concepts, plusieurs spécialistes romands de l’entrepreneuriat et de l’innovation partagent leurs réflexions et leurs conseils. Ils se demandent par exemple: «Dans quelle mesure les Suisses seraient-ils prêts à payer pour une idée similaire?» «Le projet s’inscrit-il dans une tendance générale ou ne se cantonne-t-il pas à de l’ultra-niche?» Ou encore: «Quelles seraient les barrières d’entrée sur le marché helvétique?» Autant de questions judicieuses à se poser avant de se lancer dans une aventure entrepreneuriale.
01 - Une école de code pour enfants
Créée en 2016 au Texas, l’école américaine Code Ninjas s’est rapidement développée pour atteindre 400 centres aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Elle offre des cours de codage et de programmation aux enfants dès le plus jeune âge. Inspiré par le monde du karaté, le fondateur a imaginé une structure correspondant à des ceintures de couleur pour chaque niveau de difficulté, du blanc au noir.
Yann Steulet: «Deux tendances s’opposent ici. Les Suisses sont peu enclins à inscrire leurs enfants à des programmes d’éducation en dehors de l’école, contrairement au Japon ou aux Etats-Unis par exemple. Toutefois, malgré son bon niveau, l’école suisse a un certain temps de retard par rapport aux développements technologiques actuels; un phénomène amplifié par l’avènement de produits comme ceux d’OpenAI. Toujours plus de parents pourraient donc vouloir donner des outils supplémentaires à leurs enfants, une ouverture d’esprit, une rigueur numérique, importants pour comprendre le monde de demain. Un lieu physique pourrait être nécessaire au départ, mais une offre centrée sur des cours à distance et de la gamification serait judicieuse pour la «scalabilité» de la société.»
02 - Optimiser la gestion financière des femmes
Fondée en Malaisie durant la pandémie, Wahine Capital a pour but de permettre aux femmes d’acquérir des connaissances et des compétences dans les domaines de la finance et des affaires. L’abonnement mensuel ou annuel donne accès à un coffre-fort numérique. Les utilisatrices peuvent y stocker leurs actifs numériques et consulter leur situation financière. Des outils de planification pour la retraite sont mis à disposition, tandis qu’un réseau d’expertes dispense un accompagnement personnalisé. Des thématiques en lien avec la finance sont également abordées au travers de workshops.
Gladys Winkler Docourt: «La finance reste un sujet complexe. Pouvoir se référer à des spécialistes disponibles en ligne constitue une manière flexible pour les femmes, qui doivent souvent gérer une double journée, d’approfondir certaines notions et de bénéficier d’un retour d’expérience. Des offres similaires existent toutefois déjà en Suisse. Afin de se distinguer, il s’agirait d’envisager un moyen d’attester des compétences des femmes dans le domaine, généralement acquises en entreprise, grâce à une distinction à mentionner sur leur profil professionnel.»
03 - «Data analyst» pour tous
Un assistant IA, sans avoir à engager de personnel dédié: voilà la promesse de Mesh Analytics, une start-up fondée à New York en 2022. Son logiciel analyse les données de vente et de marketing d’une société, provenant d’une centaine de sources différentes (LinkedIn, Zoom, Excel, solutions de paiement…). Il indique ensuite où et comment réaliser des économies ou générer davantage de revenus.
Jean-Marie Ayer: «Une idée dans l’air du temps. Pour qu’elle fonctionne, il faudrait toutefois qu’il s’agisse d’une société travaillant en anglais, active sur plusieurs marchés, ou qui repose sur une technologie d’une EPF ou d’une haute école. Je crains qu’une PME qui se concentre sur le marché suisse ne peine à trouver des investisseurs prêts à financer de zéro le développement d’un tel logiciel.»
04 - Plateforme ludique pour la santé des employés
La start-up Betterfly, une des premières licornes du Chili, propose un modèle d’abonnement auquel les entreprises souscrivent pour leurs employés. Il donne accès à une plateforme qui enregistre et récompense les habitudes saines comme l’exercice physique, la méditation ou une alimentation équilibrée. Les utilisateurs y cumulent des points. Ceux-ci peuvent ensuite être convertis en dons à des organisations caritatives ou pour souscrire des assurances vie, s’inscrire à des formations, obtenir des titres de transport ou encore gagner des tickets-restaurants. La plateforme est la seule insurtech d’Amérique latine à figurer dans le top 50 du domaine.
Jean-Albert Ferrez: «Les entreprises sont particulièrement friandes d’avantages à offrir à leur personnel. Proposer une plateforme qui permet une meilleure prise en main de la gestion de ces bénéfices est déjà une bonne idée. Si, en plus, ces prestations sont en lien avec la santé au travail et le bien-être personnel, l’idée semble très bien partie. Néanmoins, je crains que beaucoup d’employés ne se méfient de ce type de logiciel, qui récolte des données personnelles potentiellement sensibles tout étant lié à leur employeur.»
05 - Une agence de voyages en ligne tout en un
A la différence d’un comparateur d’offres, MisterFly négocie en direct avec ses fournisseurs pour obtenir des prestations touristiques aux meilleurs prix ainsi que des services exclusifs. Lancée en 2015, l’agence de voyages en ligne propose des séjours dans le monde entier, diverses possibilités de paiement et une option d’annulation inédite. L’entreprise a notamment reçu le Trophée de l’innovation 2024 dans la catégorie «Distribution».
Gladys Winkler Docourt: «La proposition de valeur facilite clairement l’organisation des vacances. Avoir un seul partenaire représente un atout quand on sait le temps qu’il faut pour effectuer les réservations sur les différents sites. Les problématiques environnementales actuelles voudraient toutefois que l’on privilégie de plus en plus un tourisme lent, qui explore les spécificités locales de régions parfois peu connues.»
06 - Plongée immersive pour un recrutement réussi
Basée en France, Welcome to the Jungle propose une plateforme de recrutement avec des vidéos immersives et des interviews d’employés. L’objectif? Offrir aux candidats un aperçu de l’environnement de travail, afin de garantir un meilleur alignement culturel avant même de postuler.
Gabrielle Loeb: «Cette solution pourrait effectivement être importée en Suisse, mais son succès dépendra de la capacité à comprendre les spécificités du marché suisse en matière de formation et de type d’entreprises locales, composées à majorité de PME. Il s’agit donc de se lancer avec des gens qui sont au fait des particularités cantonales, en réalisant des études de cas adaptées à la réalité locale, et de se frotter à d’autres entreprises déjà positionnées sur ce créneau.»
07 - Optimiser le recrutement et la préparation des candidats
La plateforme indienne Naukri utilise l’intelligence artificielle pour proposer aux recruteurs des candidats correspondant précisément à leurs besoins, en se basant sur les compétences et l’historique professionnel. Côté candidats, elle offre des simulations d’entretiens personnalisées grâce à l’IA, de manière à mieux se préparer et à maximiser ses chances de succès.
Gabrielle Loeb: «Le recrutement simplifié ou basé sur les compétences devient de plus en plus important. Une telle solution ne peut toutefois être couronnée de succès sur le marché suisse que si elle apporte une réelle plus-value perçue par les recruteurs comme par les candidats. Par ailleurs, convaincre le marché de l’utiliser implique des moyens importants pour développer l’image de marque de la plateforme.»
08 - Footballeur amateur cherche partenaires
L’objectif de CeleBreak: révolutionner le football amateur. L’application met en lien des adeptes du ballon rond qui souhaitent pratiquer leur sport favori régulièrement mais ne souhaitent pas s’engager dans un club pour autant. Avec 6000 utilisateurs payants actifs par mois, la start-up espagnole aide également les propriétaires de terrains à rentabiliser leurs installations.
Mathieu Menet: «Ce concept pourrait séduire en Suisse, notamment auprès des étudiants ou travailleurs expatriés. On pourrait aussi ajouter des fonctionnalités qui permettent d’organiser des championnats, en suivant les performances des équipes et des joueurs. La fragmentation du marché suisse constituerait toutefois un défi: la disponibilité des infrastructures varie d’une région à l’autre.»
09 - Optimiser l’usage des voitures électriques
Basée à Budapest, Volteum propose des analyses de données permettant de faciliter et d’optimiser la transition électrique du parc automobile. Ses services sont avant tout destinés aux grandes entreprises. La start-up hongroise offre des conseils sur les modèles d’e-véhicules les plus adaptés, sur le déploiement des bornes de recharge et sur les coûts. Elle offre aussi une solution d’analyse de données permettant de calculer la réduction des émissions de CO2 et les coûts économisés.
Jean-Albert Ferrez: «A l’époque où la start-up a commencé, l’idée était certainement novatrice, mais je crains qu’aujourd’hui le fabricant ou le partenaire qui a mis la flotte de véhicules à disposition ne propose également sa propre solution de gestion de flotte adaptée aux véhicules électriques. Il faudrait mettre à jour le service en proposant un service novateur.»
10 - Un site d’e-commerce en quelques clics
L’entreprise indienne Dukaan entend faciliter l’accès à la vente de détail en ligne. Mise au point en 2020 pour soutenir les petits commerçants locaux, son application permet aujourd’hui à des entreprises internationales de toute taille de créer leur boutique de commerce électronique sans aucune compétence en programmation, même depuis un smartphone. Dukaan a levé 11 millions de dollars en 2021.
Gladys Winkler Docourt: «Tout projet qui contribue à soutenir le commerce local est intéressant. Une société comme Dukaan permet à une entreprise d’offrir une expérience client similaire à celle proposée par le commerce en ligne. Concevoir un catalogue produits représente toutefois un coût financier et temporel conséquent. En Suisse romande, plusieurs plateformes favorisent déjà le commerce local, en mettant en lumière des offres particulières.»
11 - Réinventer le mécénat d’entreprise
Lancée en 2024, Sootenir facilite le mécénat d’entreprise tout en le rendant plus transparent. L’application de la start-up française permet à ses utilisateurs de financer gratuitement leurs associations préférées grâce aux achats qu’ils réalisent dans les enseignes partenaires de Sootenir. Leurs dépenses sont converties en tokens qui, cumulés comme des points de fidélité, correspondent à un montant qui sera reversé à l’association de leur choix.
Patrick Albert: «C’est une bonne idée, qui peut marcher en Suisse. La population est de plus en plus consciente des enjeux environnementaux. Le défi consistera à garantir une grande cohérence dans le choix des associations à soutenir, ainsi que des fournisseurs et des enseignes partenaires. Il s’agira de sélectionner des projets et entreprises aux valeurs véritablement vérifiées.»
12 - Un tatouage qui dure trois ans
Après sept ans de recherche et de tests, la société Ephemeral a ouvert son premier studio de tatouages éphémères en 2021 aux Etats-Unis. La technique est la même que le tatouage permanent puisqu’elle utilise des aiguilles qui traversent la peau, mais le dessin noir s’efface au bout de trois ans, sans intervention au laser. L’entreprise a tatoué plus de 20 000 personnes et vend désormais son encre spéciale à divers salons professionnels. Elle planche également sur de nouvelles couleurs.
Jean-Marie Ayer: «Un salon de tatouages éphémères utilisant cette technologie pourrait bien fonctionner en Suisse, même s’il devait y avoir un surcoût lié à l’achat de cette encre spéciale. En effet, le pouvoir d’achat est plutôt élevé chez nous et cette offre pourrait convaincre les Suisses, qui traditionnellement agissent peu sur un coup de tête. On pourrait aussi voir émerger une entreprise développant sa propre encre éphémère en Suisse, sachant que notre pays a un savoir-faire en science des matériaux, en encre sécurisée et en cosmétiques. Une telle société vendrait son produit également à l’étranger et jouirait de l’image de qualité du «Swiss made» à l’international.»
13 - Site de rencontre spécialisé
Toujours plus de plateformes spécifiques gagnent des parts de marché sur les géants de la rencontre que sont Tinder et Bumble. Certaines misent par exemple sur des centres d’intérêt ou les particularités culturelles d’une population. C’est le cas de ThaiFriendly, qui s’est imposée comme le leader des applications de rencontre en Thaïlande grâce à des critères et à une approche adaptée à la culture locale.
Jean-Marie Ayer: «Presque chaque année, j’ai un étudiant qui réfléchit à un projet de ce genre dans le cadre de mes cours d’entrepreneuriat, car l’offre ne lui convient pas. Une application de rencontre adaptée au contexte local, comme l’intérêt des Suisses pour la randonnée, pourrait trouver son public. Ce serait en outre une solution technologique assez facile à mettre en place.»
14 - Parrainer son créateur de contenus favori
Lancée en 2013, la plateforme de monétisation américaine Patreon permet aux fans et aux mécènes de soutenir leur vidéaste, musicien, influenceur ou créateur de contenus préféré sur une base récurrente ou par œuvre d’art, via un abonnement. Grâce à leur adhésion, les membres bénéficient des outils nécessaires à la gestion d’un service d’abonnement et à la vente de produits numériques. Une commission de 8 à 12% est prélevée sur leurs revenus mensuels, en plus des frais de traitement des paiements. La plateforme génère la majorité de ses revenus grâce à des contenus érotiques ou pornographiques.
Patrick Albert: «Il s’agit d’un concept novateur, qui facilite l’établissement d’une relation sur le long terme entre artistes ou créateurs de contenus et leurs fans. En Suisse, de nombreuses personnes souhaitent investir dans ce type de projets. Pour l’instant, elles ne peuvent le faire que de manière ponctuelle, via un crowdfunding par exemple. La plateforme présente donc un intérêt pour toutes les parties,
sur un marché peu concurrentiel. D’un point de vue économique, le modèle fonctionnera certainement aussi grâce au créneau érotique ou pornographique.»
15 - Cartes de visite numériques
Transformer l’acte d’établir de nouveaux contacts professionnels en quelque chose de plus innovant, durable et efficace: voilà l’objectif de la start-up espagnole InnoCard avec ses cartes de visite numériques. En plus de moderniser l’échange de contacts professionnels, la solution vise à simplifier la gestion administrative, à améliorer le suivi des ventes et à maximiser l’impact des premières impressions lors de nouvelles rencontres professionnelles.
Gabrielle Loeb: «Développer son réseau représente une vraie nécessité, que l’on soit entrepreneur ou salarié. Mais échanger des cartes de visite peut paraître anachronique à l’heure de la transition écologique. Néanmoins, c’est le code QR de LinkedIn qui est désormais utilisé comme moyen dématérialisé pour remplacer les cartes de visite. Un aspect intéressant du projet, c’est le branding personnalisable. Autre point positif: on peut extraire les contacts et les transférer facilement d’un collègue à l’autre, par exemple après avoir participé à un salon professionnel.»
16 - Leasing pour les personnes à mobilité réduite
Les personnes en situation de handicap peinent souvent à acquérir un véhicule privé adapté à leurs besoins. En effet, elles sont moins susceptibles que le grand public d’obtenir les fonds nécessaires auprès des organismes de prêt. Abiliz propose une offre de leasing spécialement conçue pour les personnes à mobilité réduite. Les clients peuvent choisir entre une voiture de location longue durée et avec option d’achat.
Jean-Albert Ferrez: «En Suisse, les personnes à mobilité réduite disposent déjà de moyens de financement pour leur véhicule, notamment au travers de fondations ou d’associations. Ce sont les véhicules adaptés qui font défaut. Il pourrait être intéressant de mettre en place un système d’autopartage pour les personnes à mobilité réduite, qui pourraient ainsi louer un véhicule pour une durée déterminée. La start-up devrait aussi assurer un service de mise à disposition des véhicules au domicile du loueur afin qu’il n’ait pas besoin de se déplacer.»
17 - Recrutements rapides et automatisés
Basée à Singapour, la plateforme GrabJobs accélère le processus de recrutement en utilisant des chatbots pour automatiser les premières étapes de l’évaluation des candidats. Elle intègre également la planification des entretiens directement dans les agendas des recruteurs et managers. Autant de fonctionnalités qui visent à simplifier le recrutement, tout en offrant une expérience utilisateur optimisée pour répondre aux enjeux de marchés de travail dynamiques.
Gabrielle Loeb: «Le concept promet un gain de temps important pour les DRH. Il répond donc à un besoin réel, d’autant que la Suisse reste en retard par rapport à l’adoption de ces outils. Mais le marché regorge de solutions similaires, ce qui peut rendre la différenciation difficile. L’efficacité des chatbots pour une sélection pertinente reste aussi un point de vigilance: il s’agit de garantir des fonctionnalités personnalisables pour chaque entreprise. Aussi, une partie des candidats refusent catégoriquement de passer un entretien avec une IA. Une adaptation locale nécessite de prouver une réelle valeur ajoutée aux entreprises tout en investissant dans une stratégie marketing forte pour se faire connaître.»
18 - Surveiller la santé de ses animaux en temps réel
L’application Carepet développée par la start-up turinoise Domethics recueille en temps réel les données concernant le rythme cardiaque, la respiration ou encore le sommeil des animaux de compagnie afin d’obtenir une image complète de leurs habitudes. Ces informations permettent d’identifier d’éventuels problèmes de santé. Grâce à l’application, elles peuvent être transmises à un vétérinaire ou à des services d’assistance disponibles 24 heures sur 24 heures et sept jours sur sept afin de garantir une prise en charge rapide.
Patrick Albert: «Le concept dispose d’un très grand potentiel économique en Suisse. Le marché des animaux est en pleine croissance, et les gens sont prêts à mettre toujours plus d’argent pour garantir le bien-être de leurs compagnons à quatre pattes. En outre, la transmission d’informations concernant la santé des animaux ne se heurterait à aucune contrainte en matière de protection des données. On pourrait même envisager de créer une chaîne de valeur, en incluant par exemple aussi un service qui viendrait récupérer l’animal à domicile en cas d’urgence, si le propriétaire ne peut pas se libérer immédiatement, pour l’amener au plus vite chez le vétérinaire.»
19 - Emballages réutilisables pour grandes surfaces
Basée à Prague, la start-up MIWA (Minimum Waste) a développé un système de distributeurs rechargeables, fonctionnant en complémentarité avec des capsules réutilisables. Les clients y déposent la quantité d’aliment en vrac dont ils ont besoin. Utilisée au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Portugal, la solution de MIWA inclut aussi un logiciel de gestion des stocks.
Mathieu Menet: «Ce n’est pas évident de se positionner sur ce marché car les grands acteurs locaux, comme Migros et Coop, ont déjà des réseaux de distribution des denrées en vrac et des solutions de gestion des stocks. Il pourrait être intéressant de développer la vente d’aliments hors gabarit, impropres à la vente chez la plupart des distributeurs malgré une qualité nutritive équivalente.»
20 - Le Tinder de la formation
La société française StudiAva a développé une solution inédite pour aider les jeunes à choisir leur orientation: un système de «matching» qui simplifie la recherche et vise à ouvrir de nouvelles perspectives. Grâce à un algorithme intelligent, la plateforme analyse les compétences, envies et aspirations des étudiants, avant de leur proposer des parcours adaptés.
Gabrielle Loeb: «Le concept répond à un immense besoin des étudiants et gymnasiens de trouver leur vocation et de réussir à s’orienter correctement dans la vie. Par ailleurs, le système de navigation déjà familier avec le swipe à gauche et à droite est un moyen malin d’améliorer l’acceptation de l’outil par les utilisateurs. La question est de savoir si le besoin en Suisse, où le système éducatif est différent de celui de la France et plus clair en termes d’offres, peut justifier l’usage de cette application. Aussi, il reste complexe de rentabiliser une application basée sur un modèle freemium sur un petit marché. L’enjeu consiste dès lors à envisager un modèle B2B, de manière à vendre aux écoles privées une solution qui peut leur apporter de la valeur ajoutée pour se différencier.»
21 - Le traducteur pour les situations médicales
La start-up française Aalia.tech a développé Aaliatalk. Objectif de cette application: interpréter en temps réel une conversation entre un soignant et un patient allophone, en tenant compte du contexte médical et culturel de ce dernier. L’outil permet de s’épargner les services et la présence d’une tierce personne pour la traduction durant la consultation, et ainsi de bénéficier pleinement du secret médical.
Nathalie Nyffeler: «Une telle application améliore l’inclusion sociale et réduit les inégalités. Le marché est toutefois très concurrentiel. Les restrictions en matière de protection des données dans le domaine médical pourraient néanmoins permettre de développer une solution propre à la Suisse, à condition de déterminer comment la financer. Des partenariats avec les hôpitaux pourraient se révéler intéressants.»
22 - Coworking pour parents
Aux Etats-Unis naissent des centres de coworking d’un nouveau genre, qui combinent espace de travail flexible et service de garde d’enfants. C’est le cas de The Haven Collection, une entreprise lancée en 2019 qui réunit bureaux, crèche et fitness sous un même toit. Les clients choisissent un abonnement individuel à temps partiel ou à plein temps, ou bien à plusieurs pour entreprise.
Yann Steulet: «Cette société s’inscrit dans la tendance de la flexibilisation du travail. Toutefois, je crains que nous ne nous trouvions dans de l’ultra-niche: les clients doivent avoir des enfants en bas âge, ne pas souhaiter travailler chez eux et pouvoir travailler à distance. Il serait en revanche intéressant de créer des partenariats entre des lieux de garde et des espaces de coworking à proximité.»
23 - L’IA au service des profs
Proposer aux enseignants, écoles ou centres de formation de rendre leurs supports de cours plus efficaces avec l’aide de l’IA, c’est l’objectif du logiciel Adaptical, qui génère automatiquement des exercices et des projets pour les élèves ou les étudiants à partir de données fournies par l’enseignant. L’outil offre un haut degré de personnalisation et permet également d’automatiser l’évaluation des travaux.
Gabrielle Loeb: «Le concept répond à un vrai problème: comment s’adapter pour continuer de motiver et de capter l’attention des élèves? Le succès dépendra cependant de la facilité de prise en main de la solution, de la véracité des contenus et du modèle d’affaires. Qui paiera? Les écoles ou les professeurs? Dans les deux cas, il faudra tester l’attrait pour la solution et vérifier que la différenciation du produit soit suffisante.»
24 - Coloration naturelle
L’entreprise Khadi, fondée en Allemagne, propose des colorations pour cheveux à base de plantes, qui sont toujours plus prisées à l’international, chez les particuliers comme dans les salons spécialisés. Elle compte déjà 50 collaborateurs et fait produire ses cosmétiques en Inde, selon des normes allemandes, en utilisant des recettes ayurvédiques. La clientèle y voit une alternative aux colorations standard, dont les ingrédients chimiques peuvent être mal tolérés. Les variantes naturelles sont généralement vendues plus cher, nécessitant une application plus longue et plus fréquente.
Jean-Marie Ayer: «C’est une idée qui demande un peu de savoir-faire, mais qui est abordable, car on peut commencer par fabriquer de petites quantités, puis augmenter par étapes. Il y a un système de distribution déjà bien existant en Suisse pour vendre et faire connaître ses cosmétiques naturels. Si le démarrage n’est pas complexe, le «scaling-up», avec des ventes dans toute la Suisse et à l’étranger, me semble toutefois plus complexe. Il sera peut-être nécessaire de trouver un partenaire plus grand, si tant est que l’entrepreneur souhaite bien augmenter la taille de sa petite entreprise.»
25 - Payer ses produits ménagers en les rechargeant
Algramo a mis au point, en partenariat avec Unilever et Nestlé, des distributeurs intelligents pour recharger et payer ses produits ménagers. Chaque emballage dispose d’une puce associée à un compte d’utilisateur sur l’application Algramo. A chaque fois qu’un même emballage est rechargé, le client reçoit une prime en espèces. L’emballage devient une sorte de carte de paiement à ne surtout pas jeter.
Nathalie Nyffeler: «Le concept permet une réduction du plastique et des coûts pour les consommateurs. La présence de telles bornes dans les grandes surfaces suisses permettrait d’encourager toujours plus de gens à changer de comportement. Afin de garantir un impact environnemental positif, il faudrait néanmoins calculer la consommation énergétique de tous les outils technologiques nécessaires au fonctionnement de la solution.»
26 - Des glaces aux probiotiques
La start-up Bifidice vend des glaces saines, avec des probiotiques, dans des emballages similaires à ceux des compotes pour enfants. Elle propose des saveurs vanille-cacao et des options végétaliennes. Elle entend, grâce à son produit, améliorer le microbiote des enfants et ainsi leur état de santé général. En 2024, l’entreprise chilienne a levé 850 000 dollars.
Felix Stähli: «L’alimentation des enfants est souvent trop sucrée et les parents semblent à la recherche d’aliments plus sains, notamment avec des probiotiques. Le succès de produits comme le kéfir, boisson contenant des bactéries lactiques et des levures, montre qu’il existe une tendance marketing. On pourrait imaginer un modèle d’affaires à impact durable en Suisse, puisque le produit aide à prévenir l’obésité. Il faudrait toutefois veiller à proposer des emballages biodégradables.»
27 - Renforcer les liens de voisinage
Nextdoor est un réseau social destiné aux acteurs d’un même quartier, des habitants aux commerçants, en passant par les employés des services publics. La plateforme permet aux utilisateurs d’échanger des recommandations, d’accéder aux nouvelles locales, mais aussi d’emprunter des outils ou de vendre des appareils ménagers. Lancée en 2016, l’application compte aujourd’hui 95 millions d’utilisateurs dans 340 000 quartiers, répartis dans 11 pays.
Jean-Albert Ferrez: «L’idée pourrait fonctionner en Suisse, notamment pour faciliter l’organisation de fêtes de quartier ou de vide-greniers. Toutefois, si l’application est d’abord créée pour être utilisée dans le cadre d’un contexte précis, un quartier ou une ville en particulier, il faudra s’assurer que le service puisse ensuite être déployé à plus large échelle.»
28 - Stimuler la performance grâce à la gamification
La start-up française Objow propose un logiciel de gestion de la performance reposant sur les principes de la gamification. L’outil, qui compte à l’heure actuelle près de 10 000 utilisateurs actifs, permet de fixer des objectifs personnalisés pour les collaborateurs, en récompensant leurs efforts par des points échangeables contre divers prix.
Gabrielle Loeb: «Je suis assez fan de ce concept! Les entreprises courent depuis toujours après la productivité de leurs employés. Répondre à cette problématique par le jeu peut s’avérer astucieux. Reste à savoir comment la solution est acceptée par les employés, et comment ceux-ci sont récompensés. Les bons classements suffisent-ils sur le long terme pour garder les équipes motivées? Cela reste
à démontrer, mais une telle offre peut séduire bon nombre de PME qui souhaitent améliorer leur efficacité commerciale.»
29 - Une plateforme pour «mompreneurs»
Momlancers est une agence mexicaine de conseil en emploi pour les mères indépendantes. Cette plateforme créée en 2017 a pour vocation de mettre en relation des professionnelles mères de famille avec des entreprises susceptibles d’avoir besoin de leurs services, dans le but de leur permettre de travailler à distance et de continuer à s’occuper de leurs enfants. Plus de 10 000 mamans utilisent Momlancers pour se connecter avec une centaine de sociétés au Mexique, mais aussi en Colombie et en Equateur.
Yann Steulet: «Cette initiative me plaît car elle s’aligne sur la tendance globale de la flexibilisation du travail. Depuis le covid, toujours plus de collaborateurs souhaitent faire du home office, des temps partiels, etc. L’acceptation a en outre fortement augmenté dans les entreprises. En Suisse, une telle plateforme devrait toutefois aussi s’adresser aux pères. Elle pourrait connaître des difficultés durant la phase d’allumage si le nombre de participants était limité: quelques parents qualifiés seulement ne suffiraient pas à intéresser les sociétés, et vice versa. Il serait donc bien de pouvoir compter sur un grand partenaire comme La Poste ou les CFF par exemple.»
30 - Réduire l’impact carbone de la production alimentaire
En séduisant des clients prestigieux comme Barilla ou Wasa, la start-up suédoise Improvin’ a démarré ses activités avec succès. Trois ans après sa création, elle revendique être utilisée par 1200 cultivateurs exploitant au total 47 millions d’hectares en Europe. Son but est de fournir à l’industrie agroalimentaire et aux agriculteurs un outil pour évaluer la durabilité de leur production et leur permettre d’aligner leurs pratiques aux nouvelles normes. Elle s’appuie sur des données recueillies par des capteurs ou entrées manuellement par les fermiers.
Felix Stähli: «La mesure de l’impact d’une entreprise est en train de devenir un must-have dans le secteur agroalimentaire. La pression exercée sur les grandes sociétés glisse toujours plus vers les petites. Des solutions comme celle-ci sont intéressantes car elles mesurent la durabilité au travers de trois aspects importants: les émissions, la biodiversité et la circularité des matériaux. En Suisse, de grandes exploitations agricoles en plaine ou des entreprises alimentaires pourraient s’y intéresser, surtout si elles exportent des produits vers l’UE où les conditions-cadres en la matière deviennent plus strictes.»
31 - Formations en ligne pour des secteurs de niche
La société indienne Byju’s a développé une plateforme de formations en ligne ciblées sur des secteurs spécialisés, pour répondre à la demande croissante de compétences pointues. Une approche qui peut notamment soutenir des niches professionnelles locales et répondre aux besoins spécifiques de ces secteurs.
Gabrielle Loeb: «Le concept peut séduire les PME suisses actives dans des secteurs comme l’horlogerie ou la finance. Cependant, vendre et pérenniser des formations spécialisées s’avère difficile, surtout face à des concurrents internationaux établis comme Domestika ou LinkedIn Learning ou des formations certifiantes locales. Il s’agit donc de développer une offre supérieure ou complémentaire à ce qui existe déjà. Une étude de marché et une approche ciblée sont indispensables pour justifier un tel investissement.»
32 - Simplifier la création de vidéos interactives
Améliorer l’engagement de la clientèle en fusionnant chatbots et contenu vidéo, c’est l’ambition de la start-up finlandaise Videobot. Sa technologie permet de créer en quelques clics des démonstrations de produits interactives, qui s’intègrent facilement à un site web via un widget. De quoi simplifier la présentation d’offres complexes et stimuler les ventes.
Gabrielle Loeb: «Aujourd’hui, le besoin de contenus vidéo est immense. La question qui se pose concerne la différenciation avec d’autres offres déjà sur le marché, ou des logiciels de création de vidéo simplifiés. La promesse de favoriser l’engagement client est aussi intéressante. Est-ce qu’elle se confirme sur la durée? La réussite tiendra au prix du logiciel, à la simplicité, à l’UX et au temps gagné.»
33 - Essayage virtuel de vêtements
Permettre aux clients d’essayer virtuellement des vêtements de luxe, mais aussi des chaussures et du maquillage, voilà l’objectif de la plateforme japonaise Zozotown au travers de diverses applications. Les outils intègrent la réalité augmentée afin que les clients puissent rechercher des tenues qui leur conviennent en se basant sur des diagnostics d’IA obtenus à partir de plus de 14 millions de looks publiés par la communauté.
Nathalie Nyffeler: «Si l’objectif de cette solution consiste à réduire le nombre de retours extrêmement coûteux des clients, le concept répond à un véritable enjeu. Le développement d’une telle application en Suisse devrait nécessairement passer par un partenariat avec un acteur majeur du commerce électronique comme Zalando afin de s’assurer un nombre d’utilisateurs minimum à l’échelle européenne.»
34 - Apprendre à cuisiner avec un chef
Repas chez l’habitant, cours de cuisine ou visites de marché: la plateforme Eatwith propose des expériences culinaires variées organisées par des cuisiniers du cru ou internationaux. Rachetée en 2018 par son concurrent français, l’application a étendu sa présence dans de nombreux pays, du Japon au Mexique. Son implantation en Suisse est encore limitée, mais pourrait permettre à une clientèle helvétique ou de passage de découvrir des cuisines régionales ou du monde.
Felix Stähli: «Rapprocher les gens grâce à la cuisine fonctionne généralement bien en Suisse. Ces entreprises ont, en outre, une dimension durable puisqu’elles favorisent la mixité sociale. On pourrait imaginer des ponts avec des structures existantes comme Cuisine Lab à Genève, qui aident des chefs réfugiés à développer leurs compétences.»
35 - Tourisme axé sur des trésors artistiques
Les Japan Art Tours, créés en 2008, veulent offrir la possibilité aux touristes de partir à la découverte de sites artistiques inédits du Japon, rarement inclus dans les grands circuits, en petit groupe de maximum six personnes. Les parcours, accompagnés par des guides expérimentés, sont pensés sur mesure et changent chaque année. Ils permettent une expérience personnalisée des trésors artistiques cachés du Japon.
Patrick Albert: «Cette initiative pourrait totalement être transposée en Suisse. Elle s’inscrit dans un tourisme haut de gamme qu’il faut à mon avis privilégier. Le secteur ne peut rivaliser avec des offres grand public, notamment en raison du franc fort, et doit donc se différencier en investissant dans des marchés de niche. De tels parcours permettent des expériences personnalisées et authentiques, respectueuses de l’environnement.»
36 - Accélérer le recrutement de talents internationaux
La start-up allemande Ankaadia centralise et simplifie le recrutement de travailleurs étrangers qualifiés via une plateforme numérique unique. En connectant agences de recrutement, employeurs, institutions publiques, partenaires internationaux et écoles de langues, elle permet d’automatiser différentes étapes, de la sélection des candidats à leur intégration. Le système offre un suivi en temps réel et gère les tâches administratives, y compris la reconnaissance des diplômes.
Gabrielle Loeb: «C’est un sujet porteur, particulièrement pour un pays comme la Suisse où le marché du travail est sous tension, notamment dans le domaine de l’industrie et de la santé, qui sont très demandeurs de ressources humaines. Faciliter l’engagement de travailleurs étrangers peut être une bonne option du moment que les diplômes sont compris et les équivalences bien réalisées. Il y a cependant un double enjeu pour ce type de projet: se faire connaître suffisamment par les entreprises et par les candidats.»
37 - L’appli des 50 ans et plus
Rest Less compte plus de 1 million de membres au Royaume-Uni. Destinées aux personnes de 50 ans et plus, la plateforme et l’application réunissent, depuis 2018, un éventail de services et d’opportunités dans les domaines du bénévolat, de la finance, du tourisme, de la santé et des rencontres amoureuses. L’organisation propose aussi une centaine d’événements en ligne chaque mois.
Gladys Winkler Docourt: «Dispenser des conseils et donner quelques astuces aux plus de 50 ans pour trouver un job constituent certainement une piste intéressante. Cela étant, je me demande quel degré de fiabilité d’informations une plateforme couvrant autant de thématiques différentes peut garantir. A moins que l’idée ne soit juste de bénéficier de conseils entre pairs.»
38 - Des places de jeux-cinémas
La chaîne de cinémas d’Amérique latine Cinépolis fonde une partie de son succès sur une offre réservée aux jeunes enfants. Elle construit des salles de cinéma dites «juniors», équipées aussi de lits et de poufs, mais surtout d’une place de jeux avec un toboggan géant, une piscine à boules, des chevaux à bascule, etc.
Yann Steulet: «Un cinéma existant en Suisse pourrait organiser des entractes avec des jeux pour que les enfants puissent se dégourdir les jambes et se restaurer avant la reprise de la seconde partie du film. Ce test aurait pour but de clarifier si la formule offre une véritable plus-value à la clientèle, en permettant par exemple aux jeunes ayant du mal à se concentrer de profiter de toute la séance grâce à la pause, ou en attirant des familles cherchant à organiser des goûters d’anniversaire en dehors du foyer.»
39 - Néoassurance en ligne
Avec plus de 31 millions de dollars levés depuis sa création en 2017, la sud-africaine Pineapple est une des start-up insurtech les plus dynamiques du moment. Elle utilise l’IA pour simplifier l’expérience client. En dix minutes, les utilisateurs obtiennent un devis en photographiant l’objet à assurer. Les primes sont ensuite répertoriées dans des «wallets» individuels, et les montants non utilisés systématiquement remboursés en fin d’année.
Jean-Marie Ayer: «Il y a une demande aujourd’hui pour des assurances entièrement en ligne, avec photos et intelligence artificielle. Je suis moins sûr en revanche qu’une assurance à l’objet séduise les Suisses, habitués aux assurances ménage. Il faudrait plutôt proposer des services à des compagnies d’assurances visant à accélérer, grâce à l’IA, l’évaluation des sinistres ou d’autres processus.»
40 - Des parcours touristiques inédits grâce à l’IA
Rendr est une agence de réalité virtuelle spécialisée dans les technologies immersives et interactives dans les domaines du tourisme et de l’éducation. Elle a créé une solution qui permet aux acteurs de ces deux secteurs de valoriser leur offre et de se différencier auprès du public. Les touristes peuvent parcourir plus de 200 circuits interactifs dans plus de 100 destinations différentes en France par le biais de leurs smartphones. Animations de réalité virtuelle, photos 360 degrés, vidéos, mais aussi quiz et audios permettent de partir à la découverte d’un patrimoine, même s’il est inaccessible ou en danger.
Nathalie Nyffeler: «Le marché de la réalité virtuelle se trouve en plein boom et devrait atteindre 22 milliards de dollars en 2025, d’après les études. Une telle solution constitue une manière très intéressante de valoriser des sites historiques ainsi qu’un patrimoine culturel. En Suisse romande, des destinations comme Avenches ou le château de Chillon pourraient certainement bénéficier de ce genre d’outils. Le coût de développement de telles technologies pourrait néanmoins constituer un frein pour des endroits aux budgets limités.»
41 - Aider les agriculteurs à gérer l’eau
Logiciel de gestion de l’eau, Kilimo est basé sur l’IA. A partir de données météorologiques et d’images satellites, le programme aide les agriculteurs à optimiser l’irrigation des cultures. L’eau ainsi sauvegardée peut ensuite être revendue à d’autres entreprises, fournissant aux cultivateurs une manne financière supplémentaire. Plus de 2000 exploitations dans sept pays d’Amérique latine ont déjà utilisé la plateforme, ce qui a permis d’économiser 72 milliards de litres d’eau.
Felix Stähli: «Les agriculteurs en Suisse ont désormais un double cahier des charges, avec d’un côté la production et de l’autre la durabilité. A cela s’ajoutent aussi des tâches administratives. Tout outil qui propose des solutions intelligentes pour simplifier leur travail, tout en créant une ressource monétisable par la suite, est donc le bienvenu. Comme les exploitations agricoles suisses sont moins vastes qu’en Argentine, on pourrait ajouter d’autres types de clients, l’hôtellerie par exemple. On se souvient que des communes comme Verbier avaient dû opérer des arbitrages entre les différents secteurs économiques durant la canicule de l’été 2023.»
42 - L’AirTag du chien et du chat
Kippy permet un suivi en temps réel des déplacements et du comportement de son animal de compagnie. L’entreprise italienne a mis au point un collier doté d’un système de traçage et d’éclairage, activable à distance. La plateforme recueille aussi des données sur l’activité physique de l’animal, ce qui permet de surveiller sa santé. Le collier traceur coûte 70 euros et les abonnements pour les logiciels entre 3 et 10 euros par mois.
Mathieu Menet: «Le marché des accessoires pour animaux de compagnie est en pleine ébullition depuis plusieurs années. Certains consommateurs sont prêts à dépenser autant pour leur compagnon à quatre pattes que pour un enfant. Dans ce concept, la fonctionnalité «traceur» me semble néanmoins difficile à positionner car le marché est déjà saturé. En revanche, la valeur ajoutée pourrait se trouver au niveau du captage et de l’analyse des données de santé physique. Si cette fonctionnalité est mise en avant, alors il y a un potentiel intéressant. On pourrait aussi imaginer étendre son champ d’application à la pratique vétérinaire, en mettant en place un système qui permet aux cabinets d’accéder aux données qui les intéressent en quelques clics.»
43 - Nounous éducatrices
Gagnant du concours de l’innovation sociale de la Banque européenne d’investissement, le réseau Gribouilli améliore la professionnalisation des gardes d’enfants en région parisienne. Lors d’ateliers et de suivis individuels, il leur donne les outils pour créer un projet pédagogique avec les parents. Il permet aussi d’engager des nounous pour des gardes ponctuelles ou durables, ainsi qu’avec des enfants au développement atypique.
Yann Steulet: «En Suisse, certains parents seraient prêts à payer plus que le prix du marché pour une garde plus qualifiée, surtout dans les cas d’enfants avec des besoins spécifiques. Je note toutefois deux bémols: il faudrait s’assurer que ce marché ne soit pas trop restreint et je vois peu d’effet de levier car la société doit former de nouvelles personnes à mesure qu’elle grandit.»
44 - Peinture amovible
Créée en 2018 en Colombie, la start-up Glasst développe des matériaux de construction et de peinture biodégradables pour les entreprises comme pour les particuliers. Son dernier produit breveté consiste en une peinture amovible baptisée Unpaint. Le but est de pouvoir transformer en quelques heures seulement un meuble ou une surface en le ou la peignant avec une nouvelle couleur. Quand l’envie de changer de teinte survient, il suffit de tirer sur un coin pour que la peinture se décolle, comme un lé de papier peint. La solution est commercialisée dans plusieurs pays d’Amérique latine ainsi qu’aux Etats-Unis.
Felix Stähli: «Cette idée est prometteuse. En effet, elle évite des rejets toxiques lors du changement des peintures dans une maison, notamment pendant le ponçage. Elle permet aussi de redécorer un meuble sans avoir à en racheter un neuf. Enfin, le gain de temps et la simplicité d’utilisation, qui sont au cœur du modèle, sont des éléments importants pour convaincre les clients de passer à une solution durable. La Suisse étant un pays de locataires, une solution qui peut être apposée puis retirée au moment du départ du logement peut présenter du potentiel.»
45 - Recommandations touristiques entre compatriotes
L’agence de voyages chinoise Klook Travel rassemble, sur une application, la possibilité d’acheter des billets pour des activités touristiques et des titres de transport, mais aussi de réserver un hôtel, une table dans un restaurant ou encore de louer une voiture. De l’Asie à l’Europe, en passant par les Etats-Unis, l’application permet aussi aux touristes d’un même pays d’entrer en contact afin de partager leurs bons plans.
Patrick Albert: «La plateforme offre des milliers d’options. Afin qu’une telle solution puisse fonctionner en Suisse, il faudrait se spécialiser sur un créneau spécifique, comme les voyages durables en solo, où les touristes souhaiteraient peut-être échanger entre eux de manière restreinte. Mais d’autres réseaux comme TripAdvisor ou Google Maps proposent déjà des services similaires.»
46 - Livraison collaborative
De tous les défis de la logistique, la livraison du dernier kilomètre reste le plus complexe et le plus coûteux. Shopopop innove en mobilisant des particuliers pour effectuer des livraisons ponctuelles sur leurs trajets quotidiens dans près de 26 000 localités partout en France. En contrepartie, les 150 000 «cotransporteurs» que compte la plateforme reçoivent une compensation financière de 6 euros en moyenne par livraison.
Mathieu Menet: «Ce service pourrait tout à fait trouver sa place en Suisse, où les gens sont souvent prêts à rendre service à un voisin même sans contrepartie. Toutefois, la livraison avec rémunération semble difficile à rentabiliser, même à long terme, sans facturer plusieurs dizaines de francs par livraison. Or la plupart des consommateurs ne seront pas prêts à payer un tel prix.»
47 - Détection des risques de chute sur smartphone
Dans le Bade-Wurtemberg, la start-up allemande Subsequent a mis au point des procédés d’IA dans le domaine de la reconnaissance automatique du squelette et de l’analyse des mouvements en 3D. Très précis, les systèmes de suivi et d’analyse se déroulent en temps réel au travers d’enregistrements vidéo sur smartphone. Dans le domaine de la santé, la technologie permet d’améliorer le traitement des troubles neurologiques qui perturbent la marche et de détecter les risques de chute chez les personnes âgées. L’outil est également utilisé dans les domaines du sport, de l’automobile et du commerce de détail.
Nathalie Nyffeler: «Les chutes des personnes âgées engendrent un coût socioéconomique estimé à 14 milliards de francs par année. La prévention de ces risques constitue donc un véritable enjeu en Suisse. La solution ne nécessitant pas de multi-caméras coûteuses, elle permet en outre de faciliter l’acquisition et l’utilisation de tels outils. Les clubs de sport de toute taille y trouveront certainement un intérêt. Reste toutefois à identifier les acteurs déjà présents sur le marché afin de pouvoir se différencier, par exemple en proposant des conseils pour améliorer la stabilité de sa marche ou ses performances sportives après analyse.»
48 - Investir dans ses musiciens préférés
La start-up MasterExchange, basée à Stockholm, a lancé en 2022 une plateforme permettant d’investir dans des droits d’auteur musicaux. L’entreprise entend créer un pont entre les artistes et le public. Les passionnés de musique soutiennent leurs artistes préférés de manière directe, diversifient leur portefeuille de placements et offrent aux musiciens de nouvelles sources de financement. Fondée par des producteurs et des experts en technologie, la société mise sur une transparence et une conformité réglementaire.
Mathieu Menet: «Combiner soutien à ses artistes préférés et investissement est un concept qui convaincra sans doute de nombreuses personnes. La Suisse est généralement un terreau fertile pour ce genre d’innovation, car la population s’intéresse volontiers aux structures de placements originales. Le risque semble assez faible et, pour autant qu’on ait misé au moins en partie sur des artistes qui finissent par séduire l’industrie musicale, le retour sur investissement peut être très important. Toutefois, il faudra veiller à ce que la plateforme fasse preuve de transparence et sache préserver l’intérêt des artistes et des investisseurs.»
49 - Éducation financière des jeunes de façon ludique
Lancée en 2020, l’application américaine Zogo a pour objectif d’améliorer les connaissances en finance et en investissement grâce à des processus d’apprentissage ludiques tels que des quiz sur tablette ou smartphone. Destinée surtout aux jeunes, l’application permet aussi d’organiser des compétitions. Chaque niveau atteint est récompensé par des points qu’il est possible d’échanger aux Etats-Unis contre des cartes cadeaux dans différents magasins.
Jean-Albert Ferrez: «L’idée est prometteuse si l’application aborde les connaissances financières de base (placement, hypothèque, etc.) qui sont à peu près les mêmes partout dans le monde. La start-up dispose alors d’un potentiel de croissance important selon le principe d’économie d’échelle. Mais dès lors que l’on se penche sur des systèmes qui changent d’un pays à l’autre, comme la prévoyance vieillesse, l’éducation financière doit être adaptée à la situation locale. Cela la rend beaucoup plus difficile à rentabiliser sur un marché aussi restreint que la Suisse. En outre, les acteurs locaux effectuent déjà un travail de communication efficace pour faire connaître leurs services à la population, qui se trouve donc déjà relativement bien informée.»
50 - Traduire le langage administratif avec l’IA
La start-up munichoise Summ AI, fondée en 2022, se positionne comme une sorte de «Google Translate pour un langage facile». L’outil permet de saisir n’importe quel texte sur la plateforme et d’en recevoir une traduction dans un langage simple, d’un niveau A1 à A2. En Allemagne, environ 20 millions de personnes ont des difficultés d’apprentissage, des handicaps éducatifs ou apprennent l’allemand comme langue étrangère. La solution répond à une obligation légale de garantir une accessibilité aux textes provenant tant du secteur public que privé.
Patrick Albert: «Je trouve cette initiative excellente! Particulièrement innovante, elle répond à un vrai problème de société, d’autant plus dans un pays multilingue et multiculturel comme la Suisse, où les flux migratoires sont en outre très importants. Un tel outil permettrait de remettre le citoyen au centre de l’administration, au lieu de l’en éloigner toujours plus avec des messages souvent très difficiles à comprendre. Ce type de solutions devrait d’ailleurs être soutenu par un secrétariat d’Etat ou envisagé dans le cadre des projets que les délégués au numérique des cantons romands développent.»
>> Lire aussi: 50 idées de business à lancer en 2024
- Amanda Byrde Cofondatrice d’Impact Hub à Lausanne
- Gladys Winkler Docourt Directrice de Creapole à Delémont
- Gabrielle Loeb Coach au sein de Genilem
- Yann Steulet Directeur de Fri Up, association de soutien aux créateurs d’entreprises et aux start-up
- Jean-Albert Ferrez Président de la fondation The Ark
- Jean-Marie Ayer Responsable de l’Institut PME de la HEG-FR
- Mathieu Menet Professeur d’innovation à la HES-SO
- Felix Stähli Cofondateur d’Impact Hub Genève et Lausanne
- Nathalie Nyffeler Professeure HES ordinaire, responsable Innovation & Entrepreneuriat
- Patrick Albert Coach au sein de la plateforme d’innovation Platinn à Fribourg