Thierry Amsallem, 56 ans
Président de la Fondation Claude Nobs et de Montreux Sounds, Montreux

Digital Shapers 2021 The Creatives Thierry Amsallem, Claude Nobs

Thierry Amsallem et l’EPFL ont créé la plus grande bibliothèque de concerts de la planète.

© PD

Le partenaire de longue date de Claude Nobs, décédé en 2013, veille sur l’héritage de son Montreux Jazz Festival. Une tâche herculéenne, car les archives sont gigantesques: 5000 heures d’enregistrements live réalisés depuis la création du festival en 1967. Thierry Amsallem, en collaboration avec l’EPFL, a numérisé ce matériel, soit environ 15 millions de gigaoctets de données, ce qui en fait la plus grande bibliothèque de concerts de la planète. Montreux Sounds a d’ailleurs été inscrite au Registre de la mémoire du monde de l’Unesco. L’année dernière, des spécialistes californiens ont travaillé à l’encodage de la musique sous forme d’ADN. L’ensemble des archives aurait la taille d’un grain de riz, et sa maintenance serait bien moins coûteuse que celle des trois serveurs du Montreux Jazz, qui consomment chaque année quelque 40 000 francs d’électricité. En Suisse, certains des concerts historiques sont actuellement à disposition du grand public. Lors du coup d’envoi du Montreux Jazz Festival de cette année, la plateforme de streaming de la SSR, Play Suisse, a mis en ligne 40 extraits accessibles gratuitement.


Javier Bello, 34 ans
CEO et cofondateur d’Imverse, Genève

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Digital Shapers 2021 The Creatives Javier Bello, Imverse ©PD

Le logiciel de Javier Bello crée des hologrammes.

© PD

«S’il y a un moment où le cerveau considère qu’un hologramme est réel, c’est quand on peut marcher autour de la personne et interagir avec elle en temps réel, comme dans la vraie vie.» Cet exploit, Javier Bello, 34 ans, l’a réalisé lorsqu’il travaillait comme ingénieur graphique 3D dans le laboratoire de neurosciences de l’EPFL. Ce qui l’a ensuite amené à cofonder Imverse. Avec le «voxel» comme outil pour créer des hologrammes réalistes. Contrairement aux images bidimensionnelles, faites de pixels, le voxel ajoute une troisième dimension, la profondeur spatiale. Le logiciel d’Imverse, basé sur cette technique, traite les images de personnes en temps réel et les transpose dans des mondes virtuels. L’image de haute qualité conserve l’effet 3D même lorsque le spectateur se trouve à proximité – une rareté dans le secteur.

C’est pourtant une nécessité, surtout lorsqu’il s’agit d’assister à un concert virtuel en direct, où le spectateur veut voir les artistes de près. Alors que les concerts ou les conférences à distance nécessitent actuellement une installation avec plusieurs caméras, Javier Bello veut démocratiser les vidéos en 3D, pour que les youtubeurs ou les streamers Twitch disposant de petits budgets et de configurations simples puissent également utiliser son logiciel. Parmi les partenaires d’Imverse figurent de grands noms comme Microsoft et Logitech. La start-up genevoise possède également une filiale à Los Angeles, qu’elle prévoit d’agrandir. «Pour la recherche et les premières étapes de la création d’une start-up, les conditions sont excellentes en Suisse», assure Javier Bello. Par contre, il estime qu’il est ensuite difficile de faire grandir en Suisse une entreprise de haute technologie comme Imverse.


Raphaël Brunschwig, 37 ans
COO Locarno Film Festival, Locarno

Digital Shapers 2021 The Creatives Raphaël Brunschwig, Locarno Film Festival ©PD

Raphaël Brunschwig veut étendre le Festival de Locarno hors de son cadre traditionnel.

© Beat Schweizer

«Non, la numérisation partielle qu’a connue le festival en 2020 n’est pas le plus notable», lâche Raphaël Brunschwig dans la conversation. Pour le directeur opérationnel du Locarno Film Festival, il est beaucoup plus important de savoir comment la manifestation peut être étendue à long terme au-delà de Locarno et des onze jours de sa durée actuelle. Parce qu’elle ne peut plus se développer dans son cadre traditionnel. Et c’est là que la numérisation va vraiment jouer un rôle.

«Nous avions déjà commencé à travailler sur notre Vision 365 avant cette édition 2020. Parce qu’un léopard sait s’adapter à son environnement, c’est dans son ADN, sourit Raphaël Brunschwig. Le covid, cependant, a accéléré le processus.» Une douzaine de projets pilotes sont en cours. Par exemple, les cinéastes sont mis en réseau, les courts métrages ont leur propre festival en ligne et les détenteurs de droits sur les films classiques sont associés aux plateformes de streaming. En collaboration avec l’Université de la Suisse italienne, le festival a également créé une chaire, dont le professeur jouera un rôle consultatif dans cette transformation.

Raphaël Brunschwig travaille pour le festival depuis 2013, après avoir rejoint l’équipe en tant qu’expert en sponsoring. Le président du festival, Marco Solari, le décrit comme «unique». Raphaël Brunschwig, dont les parents sont Suisses alémaniques mais qui a grandi au Tessin, combine «comme peu de managers les vertus du Nord, d’Europe centrale, avec celles du Sud, d’influence italienne». C’est un «leader tourné vers l’avenir», conclut Marco Solari.


Amanda Byrde, 35 ans
Coprésidente d’Impact Hub Switzerland Association, Genève

Digital Shapers 2020 Amanda Byrde Impact Hub Switzerland Jeremy

Récemment, Amanda Byrde a co-créé un projet sur l’économie circulaire, une thématique très actuelle.

© Jeremy

Les Impact Hubs Switzerland, comme leur nom l’indique, se doivent d’avoir de l’impact. Ils ont été créés par Amanda Byrde, qui a ouvert son premier hub à Genève en 2016 avec son partenaire Felix Staehli. Son but: promouvoir le jeune entrepreneuriat innovant. Son mot d’ordre: #StrongerTogether. Les hubs offrent des infrastructures de coworking, des formations, des solutions de financement et, surtout, un réseau pour les entrepreneurs. Lancés d’abord en Suisse romande, les Impact Hubs ont rapidement fait des petits et on en compte désormais huit dans tout le pays, qui réunissent environ 2000 membres, dont des entrepreneurs, des créatifs et des techniciens. En raison de la pandémie, les sessions d’apprentissage et les événements se déroulent désormais également en ligne. Récemment, Amanda Byrde a co-créé le projet «Circular Economy Transition» pour développer l’économie circulaire, une thématique on ne peut plus actuelle. Le projet prévoit notamment de travailler dans les années à venir avec une trentaine de PME dans des secteurs comme la construction, le textile et l’électronique, sur de nouveaux modèles commerciaux respectueux de l’économie circulaire.


Ulrich Götz, 50 ans
Professeur et responsable du Game Design, ZHDK Zurich

Digital Shapers 2021 The Creatives Ulrich Götz, ZhdK ©Joseph K

Pour Ulrich Götz, la demande en game design dépasse le cadre des jeux et intéresse par exemple les services marketing et informatique.

© Joseph Khakshouri für BILANZ

Contrôler des personnages de jeux vidéo par la pensée? Ce qui semblait impossible a été rendu possible par Ulrich Götz et René Bauer. Dans le cadre du Cybathlon, une compétition organisée pour la première fois en 2016 où des personnes souffrant de handicap physique sévère s’affrontent à l’aide d’assistances techniques, ils ont conçu Brain Runners. Dans ce jeu, des tétraplégiques, c’est-à-dire des personnes qui ne peuvent pas ou quasiment pas se mouvoir en dessous du cou, dirigent des personnages dans une ville cybernétique, les contrôlant grâce à des impulsions cérébrales. Ceux qui réagissent mentalement de manière correcte peuvent accélérer au moment opportun ou éviter un obstacle.

Depuis 2016, le monde des «serious & applied games», dans lequel opère Ulrich Götz, s’est beaucoup développé. Désormais, l’industrie créative ne se limite plus aux jeux mais trace aussi son chemin dans le monde des affaires. Des applications dans les domaines médicaux, thérapeutiques ou même éducatifs sont devenues possibles et sont utilisées quotidiennement. «Le game design était autrefois une niche, mais aujourd’hui les diplômés sont recherchés non seulement dans les entreprises de jeux, mais aussi dans les services de marketing et les services informatiques», explique Ulrich Götz.

Ce qui paraît d’ailleurs une évidence, car ce genre de formation est aujourd’hui très demandé. Jamais le besoin de solutions numériques dans les domaines du divertissement, de l’éducation, de la gestion durable des ressources ou de la technologie médicale n’a été aussi fort. C’est précisément la raison pour laquelle Ulrich Götz s’engage avec autant de passion dans le développement de projets innovants et la promotion des jeunes talents. «La ZHdK (l’université des arts de Zurich) n’est pas seulement un centre de formation, c’est aussi un lieu de réflexion, où l’innovation se cultive et où émergent des idées stimulantes pour l’avenir», explique-t-il, faisant référence aux nombreux spin-off et start-up qui ont vu le jour à la ZHdK.

Ulrich Götz est à la tête du département Game Design de la ZHdK. Grâce à sa formation d’architecte à l’Université de Berlin et à l’Ecole technique supérieure d’architecture de Barcelone, il s’intéresse depuis longtemps aux contraintes de l’espace réel. Aujourd’hui, il s’efforce de transférer ces concepts dans l’espace virtuel des jeux. «Nous ne sommes plus aux débuts du game design, nous avons déjà accompli tant de choses. Mais le chemin est encore long et je me réjouis de voir ce que l’avenir nous réserve dans ces mondes virtuels», s’enthousiasme le professeur, qui cherche à partager sa passion avec ses étudiants.


Pascal Hufschmid, 41 ans
Directeur du Musée de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève

Digital Shapers 2021 The Creatives Pascal Hufschmid, ICRC Museum

Pascal Hufschmid se définit comme un «Cultural Engineer», entre art, technologie et sens des affaires.

© lucien FORTUNATI

Il se qualifie de «Cultural Engineer» qui combine art, technologie, sens des affaires, médiation et cosmopolitisme. Pascal Hufschmid est un véritable tourbillon. Il a prouvé sa polyvalence au Musée de l’Elysée à Lausanne ou au réseau international Communicating the Museum (CTM), qui vise à réunir le plus grand nombre possible de disciplines liées aux musées.

Logiquement, lui et son équipe ne se sont pas laissé abattre par la pandémie. Ils ont organisé l’exposition Concerned avec 30 artistes de Genève (HEAD, Ecole d’art et de design) et de Dakar (Sup’imax), s’inscrivant ainsi dans la tradition de la maison, qui allie art et humanité.

Entre-temps, il a travaillé sur le thème du genre et de la diversité pour le rendre accessible à un large public. Il sait de quoi il parle. Son père est Suisse alémanique, sa mère Britannique et il vit avec une Italienne. Il s’appuiera également sur le numérique pour son prochain projet. «La popularité d’un musée ne se mesure plus seulement au nombre de visiteurs.» Aujourd’hui, la manière dont le contenu est perçu sur les réseaux sociaux et le fait qu’il peut déclencher un débat sont tout aussi importants.


Sarah Kenderdine, 55 ans
Responsable du Laboratoire de muséologie expérimentale; directrice et Lead Curator des Pavillons de L’EPFL, Lausanne

Digital Shapers 2020 Creatives Sarah Kenderine EPFL François Wa

Sarah Kenderdine veut protéger les sites culturels de la menace du tourisme de masse.

© François Wavre | lundi13

Sarah Kenderdine est l’une des personnalités les plus passionnantes du paysage universitaire suisse. Elle est professeure de muséologie expérimentale à l’EPFL. Elle est également directrice des Pavillons de l’EPFL, qui relient l’art, la science et la société. Ces liens sont d’ailleurs le fil conducteur du travail de Sarah Kenderdine. Cette artiste d’origine australienne organise des expositions dans le monde entier et mène des recherches dans des galeries, des bibliothèques, des archives et des musées. Elle a déjà redonné vie à des peintures rupestres chinoises ou a rendu publiques les gigantesques archives musicales du Montreux Jazz Festival. Bien que le tourisme se soit effondré dans le monde entier en raison de la pandémie, Sarah Kenderdine veut protéger les sites culturels de la menace du tourisme de masse grâce à ses installations interactives. Avec ces «archives vivantes», elle vise à enrichir l’expérience muséale en mêlant le réel et le numérique. L’exposition la plus récente qu’elle a organisée aux Pavillons de l’EPFL porte sur le thème des deep fakes, quand la réalité et la fiction sont mélangées et instrumentalisées à des fins politiques ou économiques.


Nina Röhrs, 47 ans
Fondatrice et CEO de Roehrs & Boetsch, Stäfa, ZH

Digital Shapers 2021 The Creatives Nina Roehrs, Roehrsboetsch.co

Nina Röhrs change la donne avec Cube, qui donne aux œuvres d’art numériques en 3D une plateforme équivalente au monde physique.

© Joseph Khakshouri für BILANZ

Ces dernières années, une nouvelle branche de l’art s’est développée: l’art numérique et virtuel. Mais comment présenter quelque chose qui est tridimensionnel et qui n’existe que dans l’espace numérique? Sur un écran? C’est ce que de nombreux artistes ont fait jusqu’à présent, car il n’existait pas de méthode mieux appropriée pour présenter ces œuvres dans toute leur richesse. Mais Nina Röhrs change la donne avec le développement de la plateforme de réalité virtuelle Cube. Son objectif est simple: donner aux œuvres d’art numériques en 3D une plateforme équivalente au monde physique.

La concrétisation de Cube dans l’espace physique semble presque anodine, avec seulement un ordinateur et des lunettes VR. Mais lorsque les lunettes sont mises, un nouveau monde s’ouvre. Les sculptures numériques apparaissent soudain étonnamment réelles, et l’escalier de Penrose devient une réalité tangible. «Cube permet non seulement de tester de nouvelles œuvres d’art numériques, mais propose également de découvrir de nouvelles formes de présentation virtuelles, explique Nina Röhrs. Notre objectif est de réunir la créativité artistique d’un domaine encore jeune et l’expertise croissante des experts de la réalité augmentée, pour favoriser le processus de création.»

Mais Cube n’est pas le seul projet d’art numérique de Nina Röhrs. En plus de développer de nouveaux concepts, y compris dans le domaine de la blockchain, elle accompagne les institutions culturelles dans leur transformation numérique et a lancé un nouveau format artistique avec le plasticien Damjanski lors du premier confinement. Au lieu de sortir de chez soi pour visiter une exposition, on peut y accéder confortablement installé dans son canapé via une application sur son smartphone.

Quant à FitArt, il propose de l’art sous la forme d’un programme de fitness, où les différentes séances d’entraînement présentent des exercices créés par des artistes. L’utilisation de ces technologies a considérablement élargi les pratiques artistiques et fait disparaître les frontières physiques. «Les artistes ne sont qu’au début d’une nouvelle ère. Toute la scène est en mouvement, assure Nina Röhrs. Les limites de ce que l’on appelle traditionnellement l’art sont à nouveau explorées. Un espace se dessine pour une nouvelle esthétique, dont nous ne connaissons pas encore l’ampleur.»


Felix Saible, 36 ans
Cofondateur de Bots don’t cry et Chief Marketing Officer chez AlgoTrader, Zurich

Digital Shapers 2021 The Creatives Felix Saible, Bots don't cry,

Felix Saible et ses collègues ont lancé l’an dernier le premier jeu sur la tokenisation.

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L’année dernière, Felix Saible a fondé Bots Don’t Cry avec deux collègues et a développé Token Economy, le premier jeu de société au monde sur la tokenisation et le cryptotrading. L’idée est d’acheter des actifs – tels que des biens immobiliers, des entreprises et des licences – et de les tokeniser, c’est-à-dire de les rendre échangeables au moyen de tokens. A la fin, celui qui a le plus de tokens gagne. Contrairement au Monopoly, chacun ne joue pas dans son coin, mais des équipes peuvent se former, car plusieurs joueurs peuvent s’allier pour acquérir certains actifs. Approcher la numérisation d’une telle manière ludique est important pour Felix Saible. «Tout le monde parle de la numérisation et des nouvelles technologies comme la blockchain, mais il faut aller l’expliquer aux gens. Nous proposons cette approche ludique avec Token Economy.» Felix Saible et son collègue ont eu l’idée du jeu alors qu’ils travaillaient ensemble pour la banque Frick, active dans le blockchain banking. Felix Saible enseigne le blockchain marketing à l’Université du Liechtenstein. Il est aussi Chief Marketing Officer d’AlgoTrader, une société qui offre aux clients institutionnels une solution «one-stop-shop» pour le trading d’actifs numériques.


Pascal Viglino, 43 ans
Fondateur et directeur de Dans l’Jardin, Martigny

Digital Shapers 2021 The Creatives Pascal Viglino, l'Jardin ©PD

Pascal Viglino a organisé environ 1500 représentations.

© PD

En mars 2020, la pandémie a durement touché la culture. Après une période de doute, Pascal Viglino, lui-même musicien et artiste, a décidé d’affronter cette période de pause forcée. En quelques semaines, il crée la plateforme en ligne Dans l’jardin. Initialement prévu uniquement pour le temps du premier confinement, Dans l’jardin se révèle rapidement comme un format d’écoute musicale novateur. En quelques clics, les clients peuvent s’offrir vingt minutes de musique live dans le style de leur choix et pour un prix fixe. La plateforme recherche un artiste disponible à proximité, qui se produira à domicile. A l’intérieur ou à l’extérieur. Le résultat après quinze mois: plus de 200 artistes inscrits et environ 1500 représentations musicales. Ce petit format est un nouveau genre d’expérience musicale et n’entre donc pas en concurrence avec les autres types de concert. Les émotions et les retours des clients sont si positifs que Dans l’jardin aura bientôt sa propre application et prévoit de se développer en Suisse alémanique en 2022.