Michael Bodekaer, 38 ans
Fondateur et CEO de Labster, Zurich
Avec sa société Labster, Michael Bodekaer s’est donné pour mission de permettre à tout le monde de se former, même dans les coins les plus reculés de la planète. Grâce à la vidéo et aux lunettes 3D, les étudiants peuvent, virtuellement, visiter des universités et réaliser des expériences en laboratoire. Cette «expérience d’apprentissage gamifiée» est, pour Michael Bodekaer, un véritable «changement de paradigme dans le paysage éducatif». «C’est comme un simulateur de vol pour les pilotes, sauf que nous ne formons pas des pilotes, mais de futurs scientifiques», s’enthousiasme Michael Bodekaer.
De cette manière, le fondateur de Labster souhaite former une nouvelle génération de scientifiques pour lutter, notamment, contre la pollution et le dérèglement climatique. Le gouvernement danois veut déjà introduire cet outil dans les écoles secondaires. De grandes entreprises pharmaceutiques et biotech comme Thermo Fisher et Genentech coopèrent avec Labster, utilisant la plateforme comme outil de recrutement mais aussi pour motiver les étudiants et ainsi préparer la relève. Sans oublier un projet en Inde, où un coûteux laboratoire est utilisé par des étudiants via l’application de Labster.
Michael Bodekaer est un informaticien autodidacte, spécialiste des softwares. Il a développé diverses solutions logicielles pour de grandes entreprises dans les domaines de la communication, des jeux et de l’éducation. Il est titulaire d’une maîtrise en finance et en gestion de la Copenhagen Business School et d’un diplôme de commerce de l’Université Harvard. Ces études lui ont permis de comprendre que l’éducation est un privilège, mais qu’elle ne doit pas être réservée aux seuls privilégiés.
Son succès – la demande est forte – prouve que son intuition était la bonne. Labster emploie aujourd’hui 400 personnes dans le monde et a levé un total de 100 millions de dollars. Plusieurs millions d’étudiants utilisent désormais cet outil, dans dix langues différentes et dans plus de 20 pays. Michael Bodekaer et sa société Labster ont également récolté une multitude de prix et de récompenses. Et l’Université d’Arizona, aux Etats-Unis, est la première université de l’Ivy League à proposer un diplôme de biologie, dont un tiers des études consiste en un apprentissage via les simulations en 3D de Labster.
Dorina Bührle, 33 ans
Cofondatrice et CEO de Piavita, Zurich
Depuis longtemps, les gens mesurent leur forme physique et leurs données vitales avec des appareils électroniques, par exemple sur leur poignet. Dorina Bührle (née Thiess) et Sascha Bührle, qui se sont récemment mariés, appliquent également ce principe aux chevaux. Ils ont mis au point un appareil de mesure, de la taille d’une main, qui se pose sur le corps du cheval, surveille son rythme respiratoire, son pouls, l’ECG, la température, et rend ces données accessibles via une application. Elles sont précieuses, car elles permettent de suivre l’évolution de la santé du cheval, et surtout de faire des prévisions et de poser un premier diagnostic dans un contexte de santé prédictive.
Dorina Bührle, économiste d’entreprise et titulaire d’un doctorat, a enregistré trois fois plus d’utilisateurs en période de pandémie. Les données récoltées, qui sont anonymisées, ont donc été plus importantes que prévu. Le développement du cloud et de l’infrastructure informatique est dès lors devenu prioritaire. Dorina Bührle a parallèlement lancé un nouveau produit qui permet de prédire une naissance. Au lieu d’attendre pendant plusieurs semaines jusqu’à ce que l’accouchement commence soudainement, l’app annonce l’événement quelques heures à l’avance. Cela protège le psychisme du cheval et le sommeil de son propriétaire. L’expertise de Piavita sera également étendue aux petits animaux, tels que les chats et les chiens. Un marché nettement plus vaste.
Florian Fallegger, 29 ans
Cofondateur et CTO de Neurosoft Bioelectronics, Genève
Les implants neuronaux aident les personnes malades en émettant des signaux dans leur cerveau ou dans leur moelle épinière, qui permettent de stimuler des organes déficients. Cependant, la technologie actuelle n’est pas optimale. Trop rigides, ces implants sont souvent cause d’inflammations ou même de coupures. Florian Fallegger et ses cofondateurs, Nicolas Vachicouras et Ludovic Serex, travaillent à une meilleure solution avec leur start-up Neurosoft Bioelectronics. Ils ont mis au point un implant souple, hautement flexible, qui s’insère même dans les plis du cerveau, une membrane microscopique composée d’un mélange de silicone et de platine.
Leur premier produit permet de déterminer avec beaucoup plus de précision, chez les patients épileptiques, l’emplacement exact du centre épileptique sur le cerveau. Les essais cliniques commenceront bientôt. Florian Fallegger s’attend à recevoir «l’approbation aux Etats-Unis à la fin de 2022, puis en Europe en 2023». Pour le second produit, il estime que le lancement sur le marché aura lieu vers 2029. Il s’agit d’un implant qui reste fixé en permanence sur le cerveau et qui est destiné à atténuer, voire à éliminer, les symptômes dans les cas graves d’acouphènes. Florian Fallegger a étudié la science des matériaux à l’EPFL, puis à l’EPFZ, où il a également obtenu son doctorat. Il a ensuite travaillé à l’institut de recherche américain PARC, à Palo Alto. Son objectif à long terme est de pouvoir aussi aider les personnes atteintes de paraplégie ou de sclérose SLA (la maladie de Charcot).
Arthur Germain, 31 ans
Cofondateur et CEO de OneDoc, Genève
Le Franco-Suisse Arthur Germain, diplômé de l’EPFL, a cofondé OneDoc avec Alexandre Curreli en 2017. OneDoc, ça vous dit quelque chose? En effet, c’est grâce à cette jeune pousse que six Suisses sur dix ont pris leur rendez-vous de vaccination pendant la crise du covid. Une plateforme qui a plié mais n’a pas rompu sous l’assaut. Et ce n’est pas tout: OneDoc permet aussi aux utilisateurs de prendre des rendez-vous chez le médecin et, plus récemment, de s’entretenir avec lui par vidéo. Arthur Germain a eu cette idée alors qu’il travaillait pour une société de conseil, après son diplôme. «C’est là que j’ai réalisé à quel point la numérisation était en retard dans ce domaine», explique-t-il. Cela faisait longtemps qu’il voulait se mettre à son compte: «J’ai toujours eu le désir de créer ma propre entreprise, avant même de savoir exactement dans quel domaine.»
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Maria Hahn, 40 ans
Fondatrice et CEO de Nutrix, Bâle
L’idée derrière Nutrix est simple: obtenir des informations sur la santé non seulement lors d’une visite chez le médecin, mais en permanence, à l’aide de capteurs non invasifs qui utilisent la nanotechnologie, c’est-à-dire des composants miniatures. Plus précisément, le capteur Nutrix mesure le glucose et le cortisol dans la salive, le glucose, c’est-à-dire la glycémie, étant une valeur que le demi-milliard de patients diabétiques dans le monde doit surveiller en permanence. Jusqu’à présent, cela se faisait par aiguille, c’est-à-dire de manière invasive.
Mais l’approche de Nutrix permet d’aller plus loin. Au Chili, où un habitant sur dix souffre de diabète, Nutrix construit actuellement tout un écosystème autour de sa technologie de capteurs, qui enregistre non seulement le glucose, mais aussi les aliments consommés et les médicaments pris, et fournit ensuite un soutien et des plans de traitement via l’intelligence artificielle et l’analyse des données par une équipe médicale, moyennant une redevance mensuelle partiellement couverte par l’assurance maladie. A partir de cette expérience menée au Chili, l’entreprise veut conquérir d’autres marchés. «Nous voulons aider les patients atteints de maladies chroniques à vivre dans le plus grand confort possible», explique Maria Hahn, la fondatrice, qui a rencontré ses deux compagnons d’armes au MIT.
Maria Hahn est originaire de Pologne et s’est installée en Suisse via l’Espagne. Elle parle quatre langues, est titulaire d’un MBA et a 16 ans d’expérience en management. Avant de fonder Nutrix, elle a passé cinq ans au sein du groupe dentaire Straumann. Son prochain projet, prévenir les burn-out grâce au taux de cortisol qui indique le niveau de stress. Pas mal pour une start-up qui n’existe que depuis un an
Séverine Gisin, 29 ans
Cofondatrice, présidente du conseil d’administration et Chief Customer Officer d’Idun Technologies, Opfikon, ZH
Séverine Gisin a fondé son entreprise Idun Technologies six mois après avoir obtenu son master en sciences et technologies de la santé à l’EPFZ, avec son camarade Simon Bachmann, qui est aujourd’hui CEO de ce spin-off de l’EPFZ. Pendant leurs études, tous deux s’intéressaient déjà à la médecine préventive.
Dans un premier temps, ils se sont concentrés sur le cœur, car les maladies cardiovasculaires (telles que les infarctus du myocarde ou du cerveau) sont les causes les plus fréquentes de décès en Suisse, responsables de plus de 20 000 morts chaque année, soit environ un tiers de tous les décès. Lors de discussions avec des cardiologues, il s’est avéré que les données sur le long terme des patients posaient problème. Si vous vouliez utiliser des électrodes de mesure médicale pendant plusieurs jours, vous étiez obligé de passer par des implants. En effet, les électrodes ne peuvent être fixées sur la peau que pendant vingt-quatre heures, sinon elles provoquent une irritation. Pour résoudre ce problème, Idun a développé un matériau qui permet aux électrodes de rester sur la peau pendant plusieurs semaines sans irritation. Cependant, les marges n’étaient pas assez élevées pour justifier une production à grande échelle.
Ce qui n’était pas une raison suffisante pour abandonner la partie. Cela a au contraire poussé Séverine Gisin et Simon Bachmann à développer une nouvelle technique: mesurer les ondes cérébrales avec des écouteurs. Cette technique pourrait même être utilisée ailleurs, en partenariat avec d’autres entreprises. Par exemple pour améliorer le sommeil avec de la musique. Dans ce cas, Idun Technologies pourrait fournir les données permettant d’améliorer ce traitement. Il existe également une coopération avec le géant pharmaceutique japonais Takeda, dont l’objectif est d’aider les patients souffrant de narcolepsie.
Mais la vision d’Idun va bien au-delà de ces applications. A long terme, les capteurs des écouteurs seront aussi utilisés pour mesurer les émotions humaines. «Cela pourrait favoriser une appréciation objective des sentiments, par exemple», explique Séverine Gisin. Bien entendu, ce genre d’opération comporte de grands risques éthiques, notamment parce que le cadre réglementaire n’est pas encore formalisé. D’où l’importance du comité éthique mis parallèlement en place par Idun.
Eugénie Nicoud, 32 ans
Cofondatrice et COO de Sedimentum, Cham, ZG
Eugénie Nicoud, qui a étudié l’économie à la Haute Ecole de Lucerne, avec spécialisation sur le business numérique, est la COO de la start-up de cybersanté Sedimentum. Elle est responsable du lancement sur le marché de l’outil développé par les quatre membres de l’équipe fondatrice de cette entreprise créée en 2018. Un dispositif destiné à rendre le monde plus sûr pour les personnes présentant un risque de chute. Il donne l’alerte aux soignants ou aux proches lorsqu’un épileptique ou une personne âgée tombe. L’idée elle-même n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau, c’est que l’outil n’a pas besoin d’une caméra ou d’un microphone et ne nécessite aucun contact physique avec l’utilisateur. La détection des chutes se fait par le biais de capteurs et repose sur l’intelligence artificielle, qui est si élaborée que l’algorithme associé peut faire la distinction entre une chute réelle et un exercice de yoga ou un chat qui gambade. Les investisseurs semblent convaincus. Le dernier tour de table a été sursouscrit. Il a permis de lever 2,1 millions de francs. Avec ces fonds, la jeune pousse vise maintenant une expansion à l’étranger
Patrick Pestalozzi, 55 ans
Managing Director de Gait Up, Renens, VD
Gait Up n’existe que depuis 2013, mais l’entreprise a déjà connu une histoire assez mouvementée. Le fondateur a quitté l’entreprise, Patrick Pestalozzi est arrivé pour redresser la barre, la stratégie a été revue et l’entreprise a été vendue à MindMaze, la licorne romande (aujourd’hui, Gait Up est une filiale indépendante). Mais cette histoire mouvementée convient parfaitement à Patrick Pestalozzi. Cet américano-suisse formé à l’EPFL possède une vaste expérience, tant dans le monde de l’entreprise que comme mentor. Et pour Gait Up, une histoire mouvementée n’est après tout que très naturel. En effet, au final, la jeune pousse s’intéresse aux mouvements, les mouvements humains, en particulier lorsqu’ils sont perturbés et limités par des maladies.
Plus précisément, Gait Up produit des capteurs, des logiciels et des algorithmes qui analysent les séquences de mouvements, pour la médecine, la recherche et le sport. Avec la proprioception comme objectif central. Ce mot compliqué désigne cette capacité importante mais difficile à définir parfois appelée sixième sens chez les humains. Sans proprioception, il n’y a pas de coordination, pas de mouvement contrôlé, tout l’équilibre du corps humain est remis en question. C’est là que Gait Up veut apporter son aide, en permettant aux gens de retrouver ou de renforcer leur sixième sens.
Tobias Wolf, 33 ans
Cofondateur et président du conseil d’administration d’OnlineDoctor, Saint-Gall
Lors d’un cours de formation commerciale à l’Université de Saint-Gall, le dermatologue Paul Scheidegger a posé le problème à son professeur Tobias Wolf: ses patients doutaient que leurs problèmes de peau soient jamais résolus parce que son cabinet était souvent surchargé et que les temps d’attente étaient par conséquent longs. Ils ont donc commencé à lui envoyer des photos par courriel ou par WhatsApp. Tobias Wolf a immédiatement vu le potentiel, d’autant plus qu’une brève analyse du marché a révélé que la situation en Allemagne était encore pire. «Nous avons commencé par traiter 100 patients à titre d’essai, à la fois physiquement et numériquement, et lorsque nous avons constaté que les diagnostics étaient similaires, avec Paul Scheidegger et Philipp Wustrow, nous avons fondé OnlineDoctor à la fin de 2017», explique Tobias Wolf.
Aujourd’hui, l’entreprise compte plus de 30 employés. Elle est active en Suisse, en Allemagne et en Autriche et compte près de 700 médecins spécialistes parmi ses partenaires. OnlineDoctor a déjà traité plus de 100 000 patients via sa plateforme, et la croissance se poursuit, car de plus en plus de compagnies d’assurance maladie sont intéressées. La promesse est simple: le patient aura une réponse au plus tard dans les quarante-huit heures, même si, en moyenne, cela ne prend que six heures, assure Tobias Wolf. «Nous sommes en pleine phase d’expansion.» L’entreprise veut maintenant s’étendre à d’autres pays et intégrer d’autres types de spécialistes, comme le traitement des plaies ou l’ophtalmologie.
Alexis Zawodnik, 40 ans
Head Digital Health de l’état de Genève
Alexis Zawodnik, responsable de la santé numérique du canton de Genève, maîtrise non seulement la médecine, mais aussi la numérisation, comme le prouvent ses nombreux titres universitaires: MD, MPH et eMBA. Dans son travail, Alexis Zawodnik a pu utiliser ses deux domaines de connaissances, notamment lors de la mise en place du dossier électronique du patient (DEP). En tant que sommité dans le domaine de la cybersanté, il a également contribué au développement, à la création et à la mise en œuvre de la plateforme de santé numérique Cara.ch, une entreprise commune des cantons de Suisse occidentale visant à unir leurs forces dans le domaine de la cybersanté. Alexis Zawodnik a notamment transféré plus de 50 000 patients et 2500 professionnels de la santé de la plateforme genevoise Mondossiermedical.ch vers la nouvelle plateforme intercantonale. Cara.ch a été certifiée au printemps conformément à la loi fédérale sur le DEP et est accessible aux patients et aux professionnels de la santé depuis le 31 mai 2021.