Sonja Betschart, 51 ans
Cofondatrice et co-CEO de WeRobotics, Genève et Wilmington, USA
Les moyens technologiques pour améliorer le monde existent, Sonja Betschart en est convaincue: «La seule question est de savoir comment et par qui la technologie est utilisée.» Avec son entreprise WeRobotics, Sonja Betschart s’est donc consacrée à la popularisation des robots et des drones en Afrique, en Amérique latine et dans la région Asie-Pacifique. Les experts locaux doivent eux aussi avoir accès à ces technologies afin qu’ils puissent répondre de manière plus durable et plus efficace aux défis croissants de leurs communautés.
L’expérience acquise dans le secteur des drones et dans la défense de l’environnement a appris à cette diplômée en marketing et en gestion que la technologie peut créer de la valeur ajoutée et trouver des solutions aux défis posés par la protection de la nature. L’objectif de WeRobotics est de s’attaquer à l’un des plus grands problèmes auxquels est confronté le secteur du développement: «Transférer le pouvoir aux experts locaux et aux communautés, utiliser la richesse des solutions déjà existantes, notamment la technologie et l’expertise locale, pour relever les défis redoutables auxquels notre planète est confrontée.»
Les projets de WeRobotics vont des expéditions de cartographie pour mieux gérer des terres au Kenya au déploiement de moustiques traités pour combattre une épidémie de dengue à Fidji. Mais le principe reste toujours le même: sur le terrain, les drones créent des emplois à forte valeur ajoutée et de nouveaux marchés. C’est le but que recherche Sonja Betschart, qui partage également ses expériences lors de conférences et au sein d’un groupe de travail du WEF.
Aurélien Demaurex, 42 ans
Cofondateur et CEO d’EcoRobotix, Yverdon-les-Bains
Aurélien Demaurex est né en Argentine, rejeton d’une famille d’entrepreneurs suisses. Il a étudié à Lausanne et a très tôt élaboré, avec son futur cofondateur Steve Tanner, des projets visant à rendre l’agriculture plus écologique grâce à la technologie. En 2014, ils ont fondé EcoRobotix. Basée dans le parc technologique d’Yverdon-
les-Bains, l’entreprise développe, fabrique et vend des robots agricoles qui réduisent l’impact environnemental tout en diminuant les coûts. «L’idée de base est de réduire radicalement l’utilisation de produits chimiques dans l’agriculture», explique Aurélien Demaurex.
A titre d’exemple, il cite un robot qui se déplace de manière autonome dans les champs, reconnaît les mauvaises herbes grâce à une technique visuelle spéciale et ne pulvérise que celles-ci, et non pas toutes les autres plantes sans distinction, comme c’est généralement le cas aujourd’hui. Un modèle non autonome d’EcoRobotix (fixé derrière un tracteur), basé sur cette technologie, est déjà sur le marché. «Pour l’instant, le marché n’est pas tout à fait prêt pour une technologie entièrement autonome, mais cela devrait bientôt changer», est convaincu l’entrepreneur. La jeune pousse emploie actuellement 35 personnes et recrute constamment. Ce n’est que récemment que des capitaux supplémentaires ont été injectés lors d’un cycle de financement.
Péter Fankhauser, 34 ans
CEO Anybotics, Zurich
Anybotics envoie des chiens là où aucun humain ne veut volontairement aller. Des robots-chiens high-tech, pour être précis, qui marchent. Le robot-chien de couleur gris-rouge nommé Anymal coûte 145 000 francs suisses et il possède de nombreux atouts. Avec ses quatre pattes équipées de capteurs lasers, de caméras et d’un scanner, il inspecte et surveille les installations dans les centrales hydroélectriques et les éoliennes, ainsi que dans les zones chimiques ou sur les plateformes offshore. Après ses tournées d’exploration, le robot--animal retourne fidèlement à sa station d’accueil et transmet les données qu’il a recueillies via W-LAN. Pas en roulant, mais en marchant, comme un vrai chien.
«Quatre pattes sont mieux adaptées à un tel robot autonome que des roues ou des chenilles, explique Péter Fankhauser, CEO d’Anybotics, car Anymal peut aussi grimper et monter des escaliers de cette manière.» Ou même surmonter élégamment un obstacle. C’est important sur les chantiers de construction, par exemple, où il y a toujours un câble qui traîne ou d’autres irrégularités. Dans ces zones, le fidèle animal se déplace selon un plan précis pour des clients tels que l’entreprise de construction Losinger Marazzi et documente l’avancement des travaux.
Anybotics travaille actuellement sur une cinquième génération d’Anymal, prévue pour 2022, qui pourra également être utilisée dans des environnements potentiellement explosifs. Outre Losinger Marazzi, la start-up zurichoise compte dans son portefeuille des clients tels que la multinationale chimique allemande BASF et la compagnie pétrolière malaisienne Petronas. De plus, une collaboration avec le spécialiste suisse des moteurs Maxon vient de débuter. Par ailleurs, la société étudie actuellement la manière dont Anymal pourrait devenir actif pour le constructeur ferroviaire Stadler Rail.
Dans un avenir proche, Péter Fankhauser, qui est titulaire d’un doctorat de l’EPFZ, prévoit de porter l’effectif d’Anybotics à plus de 100 personnes. Il recherche avant tout des professionnels de la vente et du marketing. Et comme tout le monde ne peut pas s’offrir un chien (robot) à 145 000 francs de façon permanente, de nouveaux modèles de tarification sont en cours d’élaboration. «Nous travaillons actuellement à la mise en place d’un modèle de location.»
Mina Kamel, 31 ans
Cofondateur de Voliro, Zurich
Voliro, spin-off de l’EPFZ, a développé une technologie révolutionnaire de robots volants. Mina Kamel a fondé l’entreprise en 2019 avec quatre autres diplômés de l’EPFZ. Les drones sont normalement utilisés pour prendre des photos et effectuer des analyses visuelles. Les robots volants de Voliro peuvent assumer des tâches supplémentaires, puisqu’ils peuvent toucher des objets tels que des cheminées, des plateformes de forage, des pylônes à haute tension ou des éoliennes. Ils peuvent aussi être modifiés pour transporter différentes charges utiles.
Les drones robotisés peuvent effectuer des inspections par ultrasons et vérifier l’épaisseur des objets, la corrosion et d’autres dommages structurels, notamment. En outre, ces robots peuvent peindre ou nettoyer. Le tout à haute altitude. «Nos robots volants font le sale boulot», explique Mina Kamel. Car outre le gain de temps, la sécurité des inspecteurs est un argument décisif. Parmi les clients de Voliro figurent Holcim, Shell et Axpo. D’ici à la fin de l’année prochaine, le nombre d’employés doit passer de 22 à 50, ce qui est rendu possible, notamment, par un premier financement de 2 millions de francs, touché en 2020. Une autre levée de fonds devrait bientôt se terminer.
Lorenz Meier, 37 ans
CEO et cofondateur d’Auterion, Zurich
Environ 75% des drones dans le monde fonctionnent aujourd’hui avec le logiciel libre de Lorenz Meier. En gros, ce qu’Android est aux smartphones, PX4 l’est aux drones. Avec son cofondateur Kevin Sartori, le natif de Waldshut, en Allemagne, a créé une entreprise qui compte désormais environ 80 employés à Zurich, à Munich et à Los Angeles. L’an dernier, le Ministère américain de la défense a défini PX4 comme la norme logicielle sur laquelle tous les petits drones de reconnaissance de l’armée américaine devront être basés à l’avenir. «Ça va désormais être plus simple pour les fabricants de drones», résume Lorenz Meier, qui a étudié à l’EPFZ.
Il a désormais aussi des vues sur les organisations d’interventions d’urgence. «Notre objectif actuel est d’intégrer la flotte de robots aériens et terrestres qui utilisent Auterion dans un réseau 5G privé qui peut être mis en place rapidement, c’est-à-dire indépendamment des infrastructures existantes.» Cela permettrait de transmettre des données en temps réel aux services d’urgence en cas de catastrophe. La coordination devrait ainsi être 15 à 30 fois plus rapide qu’actuellement.
Auterion devrait également profiter du conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine. Le leader du marché mondial, le chinois DJI, l’un des rares fabricants de drones à ne pas dépendre du logiciel Auterion, est soumis à une pression croissante. «Nous avons débauché des cadres de DJI à la fin de l’année dernière, ce qui nous a permis de faire une très bonne entrée sur leur marché.» En attendant, les récents partenariats avec le fabricant suisse de moteurs Maxon et la société technologique japonaise NTT e-Drone devraient alimenter la croissance de l’entreprise.
Agnès Petit, 43 ans
CEO de Mobbot, Berne
Ce sont peut-être les 14 années d’expérience d’Agnès Petit dans la construction qui l’ont amenée à révolutionner le fonctionnement de ce secteur. En 2018, elle a fondé la société Mobbot, dont le fleuron – une imprimante 3D pour éléments en béton sur mesure – a reçu quantité de prix d’innovation. Cette solution ne nécessite pas de moule dans lequel le béton est coulé. La quantité de béton est également moindre. Concrètement, cela signifie une empreinte carbone plus faible et des coûts réduits. «Chez nous, un travail de deux jours prend deux heures», tels sont les arguments d’Agnès Petit pour faire la promotion de son entreprise. Avec un succès certain, puisque Mobbot fournit des éléments sur mesure à des entreprises telles que Cablex, Axians ou Walo. L’entreprise loue également ses imprimantes 3D pour béton afin que l’impression puisse être effectuée sur place.
Compte tenu de ses nombreuses années dans le secteur de la construction, Agnès Petit affiche un cursus plutôt inhabituel. Née en Pologne en 1978, elle est titulaire d’une licence en mines et minéralogie de l’Université de Lausanne et d’un doctorat en cosmochimie de l’EPFZ. Grâce à une formation en marketing, la fondatrice de cette jeune pousse a également acquis les connaissances commerciales nécessaires pour faire progresser une entreprise comme Mobbot.
Parmi les partenaires de sa start-up figure son ancien employeur, Holcim, qui s’est engagé sur la voie de la construction durable. C’est que Mobbot joue un rôle important pour le ciment «vert». En effet, l’imprimante permet d’adapter la recette du béton selon les besoins et même d’y intégrer des matières premières recyclées.
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Patrick Thévoz, 35 ans
CEO de Flyability, Paudex
Les drones, lorsqu’ils bourdonnent dans l’air, font penser à des insectes. Patrick Thévoz et son cousin Adrien Briod ont été inspirés par ces petits animaux lorsqu’ils ont fondé la société de drones Flyability après avoir étudié l’ingénierie à l’EPFL. «Nous avons essayé de copier les capacités des insectes pour nos machines volantes», explique Patrick Thévoz. Imiter le monde animal a visiblement bien fonctionné pour les deux fondateurs de l’entreprise. Flyability a déjà vendu plus de 1500 drones depuis sa création en 2014. Les drones Elios inspectent les raffineries de pétrole, survolent les usines chimiques ou sont dirigés vers des bâtiments où les braises couvent encore après un incendie. Un drone a même été utilisé dans le réacteur nucléaire désaffecté de Tchernobyl.
«Construire des robots pour des vols de contrôle à l’intérieur des bâtiments», c’est ainsi que Patrick Thévoz décrit la mission de son entreprise. Avec une bonne centaine d’employés, Flyability réalise aujourd’hui plus de 10 millions de francs de chiffre d’affaires par an et connaît une croissance de 40%. Atteindre rapidement la rentabilité n’est cependant pas une priorité, «nous préférons investir nos revenus dans la recherche et le développement», explique l’entrepreneur, qui occupe le poste de CEO tandis que son cousin conçoit les produits. Dans un avenir lointain, Flyability pourrait se retrouver sur le marché boursier ou être racheté par un grand groupe. Mais pour l’instant, les deux Vaudois volent à vue. «Notre marché est encore peu développé. Il y a beaucoup de place pour croître.»
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Laura Tocmacov, 46 ans
CEO et cofondatrice de la fondation ImpactIA, Genève
La Fondation ImpactIA vise à mettre en œuvre des applications durables de l’intelligence artificielle (IA) sur le lieu de travail. Laura Tocmacov, qui a étudié au MIT et s’est spécialisée dans les liens entre l’éthique et l’IA et leur intégration dans l’entreprise, a récemment expliqué pourquoi cela était important pour elle dans une interview accordée au quotidien Le Temps.
«Tout d’abord, il y a la simple préoccupation de la pertinence des services et des produits créés par les hommes. Dans de nombreux cas, par exemple dans le secteur de la santé, ils ne sont pas, ou pas suffisamment, adaptés aux femmes. Deuxièmement, une grande majorité de développeurs masculins renforcera les inégalités. Les services étant principalement développés pour les hommes, les femmes seront exclues de nombre de ces services et de nombreuses innovations.»
Laura Tocmacov se considère comme une entrepreneuse sociale qui utilise des innovations telles que l’IA pour solutionner des problèmes de la société. Dans ce contexte, assure-t-elle, la viabilité financière et la durabilité sont les deux faces d’une même médaille, qui doivent coexister. Son dicton préféré vient de Yoda: «Fais-le, ou ne le fais pas, mais il n’y a pas d’essai.»
Verena Ziegler, 40 ans
CEO et cofondatrice de BeAwear, Kreuzlingen, TG
Le taux de retour élevé des vêtements fait de l’industrie textile l’un des secteurs les plus dommageables pour l’environnement. Cette question préoccupe depuis longtemps Verena Ziegler, titulaire d’une maîtrise en design textile de l’Université de Reutlingen et d’un master en design de l’Université d’Auckland. Avec la société qu’elle a cofondée, BeAwear, l’entrepreneuse veut rendre le shopping en ligne plus efficace et plus écologique. Il suffit d’intégrer son logiciel dans les boutiques en ligne. BeAwear suggère ensuite des tailles aux clients sur la base d’un scan corporel en 3D et effectue même une présélection des vêtements les plus adaptés.
En plus de ses activités entrepreneuriales, Verena Ziegler mène des recherches au département de design du ZHdK, la Haute Ecole des arts de Zurich, où elle enseigne les techniques de fabrication numérique et le prototypage de robots. Ses recherches au ZHdK et une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique ont permis la création de BeAwear. Verena Ziegler a pu finaliser le développement d’un algorithme qu’elle et sa cofondatrice avaient créé, qui permet de convertir des scans corporels en 3D en modèles de découpe en 2D.
«Les tailles standard des vêtements d’aujourd’hui sont complètement dépassées», assure Verena Ziegler, qui souhaite utiliser son logiciel pour transformer l’écosystème de la mode. Elle ne manque d’ailleurs pas d’ambitions: à l’avenir, les pantalons de rêve dénichés sur une boutique en ligne seront fabriqués sur mesure et produits localement grâce à BeAwear. Parallèlement, une place de marché distincte gérée par BeAwear permettra ensuite de revendre les vêtements à des personnes ayant le même profil corporel. Bref, l’économie circulaire par excellence.
Anna Valente, 40 ans
Responsable du laboratoire d’automatisation, de robotique et de machines de la SUPSI, Lugano-Viganello
Nous soucier de la santé et de la sécurité des gens», tel est le credo, et la mission, de la professeure Anna Valente. Pour elle, cependant, le domaine de la santé et de la sécurité n’implique en aucun cas les bureaux d’une entreprise, mais concerne des endroits qui pour la plupart nous sont inconnus, comme sur une tour éolienne. Ou dans un réservoir. Ou en mer, sur une plateforme pétrolière. C’est dans ce genre d’espaces de travail que s’active Anna Valente, des environnements de production difficiles, hostiles à la vie, où elle peut contribuer efficacement à améliorer la situation des travailleurs en développant de nouveaux robots industriels.
«Aucun humain ne devrait avoir à travailler dans ces environnements extrêmes sans soutien mécanique, assure Anna Valente, c’est pourquoi nous les aidons avec nos solutions robotiques afin que la charge cognitive et physique soit réduite.» Cependant, il ne s’agit pas de remplacer les humains par des robots. L’objectif est plutôt de compléter technologiquement les pratiques de travail existantes, sans négliger l’expérience humaine. C’est le seul moyen de garantir une réelle valeur ajoutée dans ces environnements difficiles.
Tout cela semble évident, mais n’est pas si facile à mettre en place. Anna Valente est entourée d’une équipe de 30 personnes. Leur bureau se trouve à Lugano, à la Haute Ecole spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI). Anna Valente loue leurs qualités et leurs compétences pour «combiner tout un éventail d’expertises». Tous les secteurs sont représentés, de la mécatronique à la robotique, en passant par la métrologie ou la science des matériaux.» Elle évoque aussi l’enthousiasme et la passion qui animent chacun d’entre eux.
En tant que membre du Conseil suisse de la science et de l’Académie suisse des sciences techniques SATW et en tant qu’experte d’Innosuisse, la spécialiste de la robotique mène plusieurs mandats de front, tous orientés vers la recherche. Son engagement a été récompensé en 2019 par les prix Women-led innovations et Innovation Radar Prize. Malgré plus de 100 articles publiés, six brevets et 12 prototypes, elle ne se repose pas sur ses lauriers. «Il n’y a pas de compromis en matière de sécurité au travail. Seul le meilleur est assez bon.»