Charlotte Axelsson, 39 ans
Head E-Learning à la Haute Ecole des Arts de Zurich, Zurich
Le credo de Charlotte Axelsson, c’est que les connaissances sont beaucoup mieux assimilées lorsque les apprenants sont pris en charge sur le plan émotionnel et pas seulement rationnel. Professeure à la Haute Ecole des arts de Zurich, elle indique: «Je travaille à la création d’espaces adaptés à l’apprentissage à la fois dans le monde numérique et dans le monde analogique.» Cette trentenaire effectue un travail de pionnière qui influence l’enseignement à une large échelle. Son approche suscite en effet autant d’intérêt en Suisse qu’au niveau international. En collaboration avec l’EPFZ, l’Université de Zurich et trois autres hautes écoles, cette spécialiste développe des compétences numériques pour les enseignants, ainsi que de nouveaux formats. En 2020, elle a notamment lancé LeLa, le laboratoire d’apprentissage de la didactique universitaire, en tant que projet fédéral.
Grâce à sa longue expérience de l’enseignement à tous les niveaux de formation et à son parcours en tant que communicante pour des agences, cette experte a l’habitude de préparer les messages de manière judicieuse pour le public cible. Elle est à l’origine du concept de «numérique tendre», soit une façon d’optimiser le potentiel d’apprentissage grâce à la prise en compte de la teneur émotionnelle des moyens de transmission.
Daniela Bar-Gera, 31 ans
Head of Office Basel, Plug and Play, Bâle/Zurich
«Nous voulons renforcer l’écosystème de l’innovation en Suisse», explique Daniela Bar-Gera. L’objectif: mettre en réseau les entreprises, les start-up, les investisseurs, les universités et les autorités gouvernementales. Depuis deux ans, Daniela Bar-Gera s’est attelée à cette tâche à la tête de l’antenne helvétique de Plug and Play, qui possède des bureaux à Bâle/Zurich et à Genève. Basée dans la Silicon Valley, cette plateforme d’innovation de premier plan est présente sur près de 50 sites répartis sur les cinq continents. «Ma mission consiste à soutenir les groupes suisses dans leur travail d’innovation et à les connecter avec des start-up et d’autres experts. Nous aidons ainsi à la gestion du changement et aux défis technologiques», indique Daniela Bar-Gera.
En comparaison avec la Silicon Valley, la Suisse a des réflexes plus lents en ce qui concerne les processus d’innovation, constate cette ingénieure en construction de formation. A l’échelle du globe, la plateforme Plug and Play travaille avec environ 540 entreprises, dont de grands groupes comme Walmart, Roche et Swiss Re. L’organisme est aussi en relation avec quelque 55 000 start-up qui veulent profiter de l’échange de connaissances.
Judith Bellaiche, 51 ans
Conseillère nationale Vert’libéraux/ZH, directrice de Swico, Berne
Depuis 2019, Judith Bellaiche est Madame ICT pour les autorités fédérales, en tant que directrice de l’association professionnelle Swico et conseillère nationale zurichoise du parti des Vert’libéraux. «A mes débuts, j’ai découvert une situation un peu préhistorique en ce qui concerne la numérisation», sourit Judith Bellaiche. Puis est arrivée la pandémie, qui a démontré les points faibles de l’administration nationale. «L’importance des enjeux a obligé tout le monde à faire un grand saut en avant. Sans cette pandémie, il n’y aurait certainement pas le même intérêt pour la transformation numérique aujourd’hui», pointe Judith Bellaiche.
Les thèmes politiques ne manquent pas pour cette juriste de formation. Tout d’abord, elle s’insurge contre le «ghosting» du Conseil fédéral lorsqu’il s’agit de réagir aux réglementations de l’UE. «Par exemple pour la surveillance des chats, un sujet qui nous concerne tous. Mais personne ne semble l’avoir remarqué.» Du côté du Swico, le plus gros problème actuel est le manque de personnel qualifié. Selon la directrice de l’association, de nombreuses entreprises sont freinées dans leur développement, faute de pouvoir recruter les spécialistes recherchés.
Bramwell Kaltenrieder, 57 ans
Professeur, Haute Ecole Spécialisée Bernoise, Bienne
On le reconnaît à ses lunettes toujours perchées sur le haut de son front. Professeur à la Haute Ecole spécialisée bernoise, Bramwell Kaltenrieder est l’homme de la numérisation en Suisse. Au bénéfice d’une grande crédibilité, il est connu de tous les représentants de l’académie, de la politique et de l’économie. Au fait des questions de numérisation depuis vingt-cinq ans, il enseigne depuis 2017 la branche Digital Business, Innovation et Entrepreneurship à la Haute Ecole spécialisée bernoise, au département Technique et informatique, à Bienne.
Avant de rejoindre le monde académique, Bramwell Kaltenrieder a lancé différentes start-up. Il a aussi siégé à la direction du groupe Goldbach et a fondé sa propre société de conseil. Au bénéfice de post-formations au MIT et à l’Université de Saint-Gall, il affirme ne jamais s’être ennuyé sur la scène numérique, bien au contraire. «Il est passionnant d’identifier de nouvelles possibilités, de créer des offres innovantes et de pouvoir ainsi être à la pointe du domaine», commente-t-il.
Ce touche-à-tout est notamment le créateur du Digital Excellence Checkup, un outil qui permet de mesurer facilement la maturité numérique d’une entreprise. Son objectif est de quantifier l’écart numérique avec les meilleurs en la matière et de combler les lacunes en fonction des possibilités. Un instrument facile d’accès qui lui a valu de nombreux contacts et engagements. En automne 2021, il a remis un prix d’excellence numérique à l’assureur La Mobilière lors de l’Award Night de SwissICT/Digital Switzerland à Zurich. Saluant le travail de cette entreprise pionnière en numérisation, il a déclaré: «La Mobilière investit stratégiquement dans des écosystèmes qui garantissent l’accès des clients tout au long de leurs échanges avec la firme.»
Silvan Krähenbühl, 29 ans
Managing Director de Swisspreneur, Enterprise Account Director chez Rentouch, Zurich
A 29 ans, Silvan Krähenbühl tient bénévolement le rôle de Managing Director chez Swisspreneur, le plus grand podcast d’affaires de Suisse. Les différents épisodes relatent les parcours d’entreprises à succès comme On (chaussures de course) ou Ava Women (tracker de fertilité). L’auditeur peut aussi découvrir l’histoire de Logitech ou des pyjamas résistants à la chaleur et au froid de Dagsmejan, en passant par les panneaux solaires au design élégant de Freesuns et la dentisterie du XXIe siècle de Denteo. Le jeune homme a récemment lancé une newsletter destinée aux investisseurs, avec des idées de start-up en quête de fonds. Cette initiative a déjà séduit 250 abonnés et cinq investissements ont été réalisés en trois mois.
Ce Bernois d’origine a grandi dans l’Emmental. Dès le gymnase, il rejoint Young Enterprise Switzerland, un programme qui permet aux élèves de créer une entreprise et de la gérer pendant un an. Après des études d’économie d’entreprise à l’Université de Saint-Gall, Silvan Krähenbühl commence sa carrière d’entrepreneur en créant Gymhopper. Cette application relie des centres de fitness indépendants en un réseau qui, peu après sa création, était déjà plus dense que l’offre de Migros, leader du secteur sur le marché suisse. Trois ans après sa création, la start-up est vendue à l’entreprise autrichienne Myclubs. Silvan Krähenbühl a aussi connu des revers. En 2019, il lance avec deux amis Bookasleeper, une plateforme de réservation de trains de nuit. L’entreprise connaît un démarrage prometteur, avec d’excellents résultats marketing, mais la start-up ne résistera pas à la pandémie de covid.
Sylvain Krähenbühl est responsable des ventes chez Rentouch, qui exploite l’application Piplanning.io sur le web. La start-up travaille à la mise en réseau d’équipes agiles sur différents continents, une tâche qui intéresse nombre d’entreprises. Piplanning.io soutient les groupes qui utilisent l’organisation Scaled Agile Framework. Ce segment représente 70% des entreprises américaines du Fortune 100. Entre 50 et 60% des clients de Rentouch viennent des Etats-Unis, mais de grandes firmes suisses sont aussi preneuses. «Nous sommes convaincus d’avoir trouvé là une niche très lucrative», déclare le jeune entrepreneur. Entièrement autofinancée, l’entreprise basée à Zurich est en passe d’accéder au statut de scale-up.
Sophie Lamparter, 42 ans
Cofondatrice et Managing Director de Dart Labs, San Francisco
Sophie Lamparter est une figure incontournable pour les jeunes pousses européennes qui souhaitent faire le saut vers la Silicon Valley. En tant que fondatrice de DART Labs, elle met en relation les start-up, les capitaux et le savoir-faire. La Suissesse joue un rôle de pivot entre les inventeurs, les investisseurs, les développeurs et les clients. Le portefeuille de start-up comprend plus d’une douzaine d’entreprises, principalement dans le domaine de la santé numérique et du développement durable. La vente de la start-up VAY de l’EPFZ à l’entreprise américaine Nautilus compte parmi les derniers succès en date. Sophie Lamparter a contribué à cette transaction en arrière-plan, avec ses deux partenaires Arijana Walcott et Doug Griffin.
Sophie Lamparter a noué les contacts qui nourrissent ses activités actuelles pendant les années où elle travaillait chez Swissnex à San Francisco, l’antenne de l’innovation de la Suisse pour la Silicon Valley. Cette quadragénaire vit et travaille depuis onze ans dans la Bay Area, le creuset de l’industrie des start-up. Sa partenaire commerciale Arijana Walcott dirige le bureau de Zurich. Leur mission auprès des start-up dure douze mois, durant lesquels elles les accompagnent dans leur envol vers la Californie. Soutenues par leurs équipes, les deux femmes investissent financièrement tout en aidant au recrutement, à la collecte de fonds puis à l’entrée sur le marché boursier américain. Elles collaborent aussi à la mise en place du conseil d’administration, sans oublier de donner un coup de main sur le plan opérationnel si nécessaire.
DART Labs apporte ce qui manque à de nombreux diplômés universitaires: le savoir-faire commercial, l’approche stratégique et la vision à long terme. La clé d’un parcours réussi réside ensuite dans le réseau de contacts, qui va soutenir la croissance. «Nous, les Suisses, devons sortir de nos frontières et voir grand si nous voulons jouer un rôle au niveau mondial», affirme Sophie Lampart. Elle ajoute: «Avec deux femmes comme Managing Partner, nous n’avons aucun problème à assurer la diversité des genres. La moitié de nos sociétés de portefeuille sont des équipes mixtes et, dans un tiers des cas, les CEO sont des femmes. Ces chiffres font une énorme différence par rapport à l’industrie classique du capital-risque, où à peine 2% de l’ensemble des fonds vont au leadership féminin.»
Anamaria Meshkurti, 31 ans
Responsable marketing chez Fongit, Genève
Anamaria Meshkurti est le visage de l’incubateur Fondation genevoise pour l’innovation technologique (Fongit), qui réunit plus de 100 start-up. La jeune femme est responsable de la communication et du marketing. La fondation est née d’une initiative de l’entrepreneur et fondateur de LEM Jean-Pierre Etter. L’organisme a déjà contribué à l’investissement de plus de 700 millions de francs dans le soutien aux jeunes entreprises. La fondation affiche un palmarès réjouissant. Avec l’entreprise de logiciels Sonarsource, Fongit a donné naissance à la plus jeune licorne de Suisse. Quant au service de cryptage Proton (anciennement Protonmail), il a fait ses premiers pas grâce à la rampe de lancement des jeunes entrepreneurs genevois. Toujours dans le giron de Fongit, on trouve aussi la start-up crypto Taurus, dans laquelle la banque privée Lombard Odier a pris une participation.
Avant de s’engager auprès de l’incubateur, Anamaria Meshkurti a travaillé pour les Nations unies, où elle a entretenu des contacts étroits avec des entrepreneurs tech et des membres du gouvernement. La jeune femme investit aussi financièrement dans la scène des start-up. Elle est actionnaire et membre du conseil d’administration de l’entreprise lausannoise de réalité virtuelle VR4 Business. En même temps, elle s’implique en faveur des femmes dans le monde de la technologie. Une interlocutrice qui préfère rester anonyme dit d’elle: «C’est une excellente réseauteuse qui travaille dur pour amener davantage de femmes dans le domaine de la réalité virtuelle. Des femmes dont je fais partie.»
Nadja Perroulaz, 50 ans
Cofondatrice et présidente du CA de Liip, Zurich
«La numérisation doit nous faire progresser en tant qu’individus, en tant que société et en tant qu’entreprise», déclare Nadja Perroulaz, cofondatrice et présidente du CA de l’agence Liip. La firme offre un conseil dans les domaines des plateformes web, des applications mobiles ainsi que des boutiques en ligne. Parmi ses clients, il y a des start-up, des entreprises ou encore des autorités fédérales. Liip travaille en équipes auto-organisées selon la méthode de management décentralisé Holacracy. «Pas de chefs, mais beaucoup d’esprit d’entreprise et de drive», voilà pour la devise. Nadja Perroulaz reprend: «Dans le domaine du new work, nous créons des modèles et instruments de travail en collaboration avec toutes les parties prenantes. Ceux-ci laissent une grande liberté à chacun. Ces principes ont un effet positif pour nos collaborateurs et leurs familles, ainsi que pour nos clients.» Liip a récemment introduit un nouveau système salarial transparent. Nadja Perroulaz souligne: «Cet aspect suscite également un grand intérêt en dehors de Liip, ce qui montre l’importance de cette thématique.»
Rolf Schaub, 62 ans
Cofondateur d’ICT Scouts/Campus Förderverein, Titterten (BL)
A l’âge de 58 ans, Rolf Schaub a fait un pas audacieux. En 2018, il a quitté le poste confortable de professeur d’informatique et de membre de la direction de l’école professionnelle de Muttenz (BL). Il s’est alors lancé à plein temps dans la mise en œuvre d’un programme de promotion des talents chez les jeunes. Ce programme de promotion des ICT, qui fonctionne comme une association à but non lucratif, il l’a lancé en 2013 déjà. Un tel projet n’existe nulle part dans le monde, sauf en Israël. Le principe est simple. Des recruteurs se rendent dans les écoles de 12 cantons, où ils repèrent deux ou trois élèves talentueux susceptibles de bénéficier du programme de soutien. Ceux-ci peuvent ensuite se rendre un samedi sur deux sur un campus, comme il y en a sur sept sites en Suisse. Ils y sont encouragés. Ils y poursuivent leurs propres projets informatiques et participent à des concours. C’est là aussi qu’ils rencontrent des représentants d’entreprise qui recherchent l’apprenti idéal.
Quelque 800 jeunes âgés de 12 à 15 ans fréquentent actuellement l’un des sites du campus. Les filles sont bien représentées, avec une proportion de 45% des participants. L’objectif est de donner envie au plus grand nombre possible de jeunes de faire un apprentissage dans un métier de l’informatique ou du numérique. «La Suisse est obligée de se profiler dans les ICT si elle ne veut pas se retrouver dépassée sur la scène internationale», explique Rolf Schaub. Il reprend: «C’est pourquoi nous devons motiver les jeunes, et notamment les filles, à suivre cette voie professionnelle. Il faut les soutenir dans cette démarche.»
Elena Walder-Schiavone, 41 ans
Cofondatrice et Managing Partner d’Übermorgen Ventures, Zurich
Elena Walder-Schiavone ambitionne de sauver le climat. Dans cet objectif, elle a fondé Übermorgen Ventures en 2020, avec des partenaires de renom comme Adrian Bührer (fondateur de Students.ch), Myke Näf (fondateur de Doodle) et Alexander Langguth (ex-McKinsey). Le nom de la firme, qui signifie «après-demain», est tout un programme: «Nous investissons aujourd’hui dans les technologies d’avenir pour la génération d’après-demain», explique Elena Walder-Schiavone. Pour cette mère de deux enfants, le thème du changement climatique est une histoire personnelle. Après avoir conseillé des start-up pendant dix ans en tant qu’avocate, elle est arrivée à la conclusion suivante: «Je veux contribuer à la solution du problème et ne plus en faire partie.»
Übermorgen Ventures se distingue des autres fonds par sa structure. Il ne sera pas dissous après dix ans, comme beaucoup d’autres. «Le climat n’est pas sauvé au bout de dix ans», martèle Elena Walder--Schiavone. Les investisseurs s’engagent à plus long terme et voient aussi l’opportunité d’investissement. «Seules les technologies qui ont un effet positif sur le climat subsisteront à long terme. Elles seront adoptées par toutes les entreprises à un moment donné», dit-elle. La cofondatrice et ses partenaires ont récolté environ 35 millions de francs, l’objectif étant d’atteindre 50 millions. Übermorgen Ventures a déjà investi dans 17 start-up. «Jusqu’à présent, seulement deux des investissements ont été effectués en Suisse. Une ou deux autres start-up helvétiques devraient s’y ajouter d’ici à la fin de l’année. Mais, en général, nous nous concentrons sur toute l’Europe.»
Übermorgen Ventures se focalise sur des thèmes comme la technologie alimentaire et agricole, l’énergie propre, ainsi que l’optimisation des ressources et les matériaux durables. «Il peut s’agir d’une start-up qui fait avancer la production d’un nouveau type de fromage sans lait, fabriqué en laboratoire, ou d’une autre qui propose une solution pour stocker du CO2 à long terme», explique l’ancienne avocate. Outre de telles approches, il existe également de nombreuses innovations numériques. «Le changement repose beaucoup sur l’utilisation des données», observe-t-elle. Ainsi, Übermorgen soutient par exemple la start-up Delicious Data. Grâce à un logiciel basé sur l’IA, la jeune pousse allemande planifie intelligemment la quantité de nourriture dans les cantines ou les grandes boulangeries afin de réduire le gaspillage alimentaire.
Considérée comme une experte en matière de changement climatique, Elena Walder-Schiavone s’est déjà rendue deux fois au Palais fédéral pour défendre ce thème. La quadragénaire constate: «Le souci du climat progresse dans la société, la politique comme l’économie. Toujours plus d’entrepreneurs y consacrent leur expertise et leur force créatrice. C’est une tendance de fond depuis les deux dernières années.»