Sven Beichler, 53 ans
Fondateur et CEO de Tom Medications, Uster (ZH)
Au bénéfice de dix-huit ans d’expérience en matière de start-up, le serial entrepreneur Sven Beichler a déjà fondé six entreprises. En tant que Suisse, il est particulièrement fier d’avoir créé la fabrique de chocolat MySwissChocolate et d’avoir réussi sa vente en 2016. Aujourd’hui, la possibilité d’aider les gens et de sauver des vies représente pour lui la plus grande motivation. «Avec notre dernière entreprise, TOM Medications, nous avons élaboré la possibilité d’aider en temps réel les personnes qui ont des problèmes avec leurs médicaments. C’est une première. Nous sommes capables de détecter les doublons et les effets nocifs, voire mortels, des interactions, de même que de prévenir les effets secondaires. Grâce à notre application, les prestations sont livrées dans un cadre 100% anonyme pour les patients.» Cette app rappelle aux patients de prendre leurs médicaments, les avertit des risques de mélange et leur permet de suivre leur traitement. «Nous améliorons ainsi la qualité de vie dès le premier jour et nous économisons des milliards de francs en frais de santé.» Sven Beichler a pour objectif de sauver ainsi la vie d’un million de personnes.
Ursula Costa, 37 ans
Manager Patient Centred Initiatives chez DayOne, Bâle
Née à Ibiza, cette Espagnole a obtenu un doctorat en neurologie à Barcelone dans le domaine de la physiothérapie, avec une spécialisation en neuro-rééducation. Engagée par Hocoma, le leader mondial des systèmes d’appareils de thérapie par le mouvement, elle a déménagé en Suisse il y a huit ans pour rejoindre le siège, dans le canton de Zurich. Depuis début 2022, elle joue un rôle central chez DayOne, la plateforme d’innovation dans le secteur de la santé de la région bâloise. DayOne est une initiative qui vise à soutenir l’innovation dans le domaine du diagnostic, du traitement et de la prévention. Le premier projet d’Ursula Costa a été l’organisation du seul hackathon centré sur le patient en Suisse. Baptisé Health Hacks, ce brainstorming a réuni plus de 200 participants. Au cours de cette rencontre, ces esprits créatifs ont élaboré des solutions en étroite collaboration avec des patients, médecins, infirmières, spécialistes en pharmacie et aussi des scientifiques issus du big data.
Arthur Germain, 32 ans
Cofondateur et CEO de OneDoc, Genève
Pour convaincre les médecins suisses des avantages de leurs applications de télémédecine, Arthur Germain et son équipe de OneDoc doivent décrocher le téléphone. «Comme de nombreux cabinets ne sont pas encore numérisés, les appels restent le meilleur moyen pour entrer en contact», explique le fondateur et CEO de l’entreprise. Basée à Genève, OneDoc propose aux médecins des services de conseil et d’information afin d’aider les cabinets médicaux à gagner en efficacité.
Revenons à la genèse de l’entreprise. En 2017, Arthur Germain et Alexandre Curreli, l’autre cofondateur, constatent une lacune béante dans le système de santé suisse. «A cette époque, il était plus facile d’acheter un billet d’avion pour Hongkong que d’obtenir un rendez-vous dans un cabinet médical.» Avec leur outil de réservation OneDoc, il est devenu possible de réserver en ligne le rendez-vous souhaité dans un cabinet médical et de le faire confirmer immédiatement. De nombreux patients ont déjà fait l’expérience de l’outil de réservation de rendez-vous de OneDoc. «Il s’agissait de notre premier grand cas d’utilisation», se souvient Arthur Germain.
Aujourd’hui, 30 personnes travaillent chez OneDoc et l’outil de réservation a été complété par différentes applications de gestion de cabinet. Arthur Germain et son entreprise ont pour objectif de créer un écosystème technique qui permette aux professionnels de la santé de communiquer rapidement et d’échanger des informations. «De cette manière, ces praticiens pourront mieux se concentrer sur leur compétence principale, à savoir le service à leurs patients.» Il va de soi que l’échange de données répond aux plus hautes exigences de sécurité.
Arthur Germain doit encore lever nombre d’obstacles pour convaincre les professionnels de la santé des opportunités offertes par la numérisation. «Il règne encore beaucoup de scepticisme et de réticence dans la branche. Nous devons chercher le dialogue et créer de la confiance.»
Florian Fallegger, 30 ans
Cofondateur et CTO de Neurosoft Bioelectronics, Genève
Neurosoft Bioelectronics a développé une membrane microscopique en silicone et platine qui permet de réparer les lignes neuronales endommagées et donc d’assurer la transmission des signaux du cerveau en toute sécurité. La nouveauté réside dans les propriétés du matériau. Extensible et mobile, la membrane doit pouvoir être utilisée dans les plis du cerveau sans provoquer de perturbations lorsque le corps bouge.
Neurosoft a levé 3 millions de francs de nouveaux capitaux au printemps dernier. La plus grande partie de ces fonds provient du Secrétariat d’Etat à l’éducation et à la recherche. Née à l’EPFL, Neurosoft peut ainsi financer une étude clinique et espère lancer des produits sur le marché en 2023. La start-up a maintenant mis en place une ligne de production prête à démarrer. «Il y a eu trois engagements et nous sommes désormais une équipe de huit personnes», déclare le directeur de recherche, Florian Fallegger. Les deux autres cofondateurs, Nicolas Vachicouras et Ludovic Serex, se concentrent sur la gestion d’entreprise.
Séverine Gisin, 30 ans
Cofondatrice et CCO d’Idun Technologies, Zurich
«Notre devise était claire: se concentrer sur les compétences clés et les renforcer», résume Séverine Gisin. Avec le cofondateur Simon Bachmann, elle a ainsi recentré la vision au sein de l’entreprise IDUN Technologies. La firme développe des capteurs qui peuvent être intégrés dans des écouteurs, de manière à mesurer les ondes cérébrales. «Le potentiel de la technologie est si vaste que nous nous sommes longtemps dispersés sur différentes applications.»
A long terme, l’objectif était d’enregistrer les émotions et d’en tirer des informations utiles. L’équipe a maintenant remis ce but au cœur des préoccupations. «Nous nous consacrons entièrement à l’amélioration de la qualité du sommeil», détaille Séverine Gisin. Comment est-ce que cette technologie fonctionne? On fait écouter de la musique aux patients via des écouteurs pour améliorer leur sommeil. Les capteurs d’IDUN Technologies fournissent alors des données qui permettent d’optimiser l’effet du traitement. Cette approche s’adresse notamment aux personnes atteintes de narcolepsie (crises de sommeil). Actuellement, une version bêta est en phase de test avec des clients sélectionnés. La version destinée au marché B2B est prévue pour l’année prochaine.
Maria Hahn, 41 ans
Fondatrice et CEO de Nutrix, Bâle
Ce n’est qu’une petite piqûre, mais elle reste désagréable à chaque fois. Il s’agit de la mesure de la glycémie, qui fait partie du quotidien des diabétiques. Jusqu’à présent, cette opération est réalisée de manière invasive avec une aiguille. L’entreprise Nutrix a créé une alternative grâce à la nanotechnologie. Le capteur Nutrix permet de mesurer différents biomarqueurs comme le glucose et le cortisol dans la salive. Un demi-milliard de patients diabétiques dans le monde auraient ainsi la possibilité de surveiller leur taux de glycémie sans avoir à prélever constamment du sang.
Pour Maria Hahn, qui a créé la firme Nutrix en 2020, l’année écoulée a été riche en événements. «Nous avons récemment lancé au Chili la première génération de notre produit ainsi que l’écosystème associé. Nous sommes déjà en contact avec les leaders d’opinion locaux, ainsi qu’avec le corps médical.» Le marché test du Chili offre des conditions idéales, car le diabète est très répandu dans ce pays d’Amérique du Sud. C’est à partir de là que d’autres marchés seront explorés, en commençant par le Brésil.
La start-up a ainsi franchi une étape importante. En combinaison avec la nouvelle technologie de capteurs, l’écosystème Nutrix permet d’enregistrer non seulement le glucose, mais aussi les repas consommés, ainsi que de fournir des services de télémédecine et de conseil aux patients. A l’aide de l’intelligence artificielle, une équipe médicale analyse les données des patients et élabore des plans de traitement sur mesure.
Pour Maria Hahn, l’accent est actuellement mis sur l’optimisation du logiciel et sur le peaufinage de l’onboarding. «Le processus fonctionne, certes, mais il n’est pas encore tout à fait fluide.» Les réactions des premiers patients ont donc été utilisées pour améliorer les processus. Il faut maintenant faire monter la solution en puissance. Le but est d’atteindre 1000 utilisateurs.
Loulia Kassem, 30 ans
Fondatrice et CEO Rea Diagnostics, Lausanne
«Malheureusement, pour une femme sur dix, la grossesse se termine brutalement. Et dans le pire des cas, tragiquement», regrette Loulia Kassem. Cette diplômée de l’EPFL pointe le fait qu’une femme sur dix accouche prématurément. Et comme la médecine ne peut pas prédire exactement quelle femme sera touchée par ce phénomène, celui-ci survient de manière complètement inattendue dans la moitié des cas. «Cela signifie qu’un bébé prématuré sur deux vient au monde sans suivi médical préventif.»
Un danger pour la mère et l’enfant. Cette situation a incité Loulia Kassem à lancer Rea Diagnostics en 2018. L’entreprise développe des outils techniques qui aident les femmes à minimiser ce risque. La clé réside dans le home monitoring. Jusqu’à présent, les tests biomarqueurs, qui permettent de tirer des conclusions sur un éventuel accouchement prématuré, doivent être effectués à l’hôpital. Le prototype de la société Rea permet désormais d’effectuer les mesures à domicile. Il se compose d’une tablette intelligente capable d’analyser les marqueurs biochimiques et d’une application qui alerte les professionnels de la santé en cas d’inquiétude. L’équipe de Rea comprend aussi bien des médecins que des sages-femmes. Loulia Kassem souhaite lancer son système sur le marché en 2024.
Henning Müller, 51 ans
Professeur d’informatique à la hes-so, Genève
La médecine numérique est pour Henning Müller une passion autant qu’un moteur. «Je veux aider les médecins grâce au big data et leur donner un outil pour prendre des décisions.» Professeur d’informatique et directeur de l’unité eHealth de la HES-SO, ce quinquagénaire est aussi professeur de radiologie à la Faculté de médecine de l’Université de Genève et membre du Conseil national de la recherche. La diversité de ces comités aide Henning Müller à faire avancer ses projets. «C’est justement dans les discussions avec des personnes qui défendent un autre point de vue que l’on trouve les solutions les plus créatives.»
Dans la vision du scientifique, l’intelligence artificielle fusionne avec la médecine classique. Les algorithmes d’IA analysent les images et les textes puis reconnaissent les modèles récurrents. Ceux-ci sont à leur tour mis à la disposition des professionnels de la santé et fournissent plus d’informations que jamais. Toutefois, ce ne sont ni la médecine ni l’informatique qui en tirent le bénéfice final, mais les patients. «Ceux-ci sont au centre de nos préoccupations. Pour nous, les décisions doivent être prises individuellement. Le bien-être de l’individu est placé au-dessus de tout», explique Henning Müller.
Tobias Wolf, 34 ans
Cofondateur et président du conseil d’administration OnlineDoctor, Saint-Gall
Fondé fin 2016 à Saint-Gall, OnlineDoctor a rendu la télémédecine accessible aux dermatologues. Quelque 650 médecins partenaires utilisent désormais l’outil développé par la firme. Le patient peut choisir l’un d’entre eux s’il souhaite obtenir un diagnostic numérique, c’est-à-dire sur la base d’un questionnaire et avec des photos téléchargées.
Le nombre d’utilisateurs est en forte hausse, rapporte Tobias Wolff, cofondateur et également président du conseil d’administration. Le chiffre d’affaires du premier semestre a doublé par rapport à la même période de l’année précédente. La firme compte désormais 45 collaborateurs et participe aux démarches nécessaires pour obtenir l’introduction d’une ordonnance électronique en Suisse.
En outre, OnlineDoctor collabore désormais avec le prestataire de télémédecine Medi24 et propose également ses services en dermatologie aux médecins de famille. L’expansion géographique internationale porte actuellement au-delà de l’Allemagne et de l’Autriche. La firme a comme projet prioritaire d’élaborer l’outil d’intelligence artificielle de manière à ce que les dermatologues puissent demander un deuxième avis directement au logiciel au lieu de solliciter un autre médecin.
Alexis Zawodnik, 41 ans
Responsable de la santé numérique (eHealth) du canton de Genève, Genève
Alexis Zawodnik souhaite transformer le système de santé grâce à la numérisation. Chef du secteur santé numérique du canton de Genève, il est responsable de l’introduction du dossier patient (DEP) ainsi que du moyen d’identification électronique associé, GenèveID. «La Suisse est très en retard dans la numérisation du système de santé. Je souhaite corriger ce retard et participer à la conception des outils numériques de santé de demain.» Selon lui, il s’agit d’un travail à long terme: «Sans des professionnels aux formations diverses, compétents et motivés, cela ne serait pas possible.»
A son poste, ce médecin se trouve à l’interface entre la santé publique, l’informatique, la politique et l’économie de la santé. Avec son équipe et les institutions de santé du canton, il développe des outils numériques qui améliorent la qualité, la sécurité et la coordination des soins de santé.
Baptisée Cara.ch, l’association réunit les cantons de Vaud, du Valais, du Jura, de Fribourg et de Genève dans le but d’offrir des services de santé numérique à la population. «Ensemble, nous mettons aujourd’hui à disposition un DEP certifié et travaillons déjà sur d’autres futurs outils de santé.»