Nikki Böhler, 30 ans
Ex-directrice d’Opendata.ch, Zurich
Pendant quelque cinq ans, Nikki Böhler a dirigé l’association Opendata.ch, qui s’engage en faveur de l’ouverture des banques de données numériques. Antenne suisse de l’Open Knowledge Foundation, l’association dispose d’un excellent réseau international. Début juillet 2022, Nikki Böhler a quitté cette responsabilité pour préparer le lancement de sa propre organisation pour cet automne. La jeune femme s’était déjà engagée en faveur de l’entrepreneuriat social et de l’économie responsable pendant ses études d’économie à l’Université de Saint-Gall.
Elle s’implique pour que la révolution numérique serve les besoins de la société. «La mise à disposition de données administratives ouvertes s’est établie en Suisse pour devenir la norme», relate Nikki Böhler. Néanmoins, il est primordial, selon elle, que le cercle des personnes qui décident de la disponibilité des données s’élargisse. «Les décisions concernant le domaine numérique sont encore très unilatérales.» Egalement très concernée par le thème de l’énergie, Nikki Böhler veut aussi servir sur le front de la politique climatique.
Carla Bünger, 42 ans
CEO, Kore Technologies, Zoug
Cofondatrice et directrice de KORE Technologies, Carla Bünger a créé cette entreprise dédiée au stockage, aux transactions et à la tokenisation d’actifs numériques en 2019. Ces premiers contacts avec la blockchain remontent à 2016. Cette innovation est maintenant au cœur de ses activités. «J’étais au bon endroit au bon moment», dit-elle. L’endroit, c’est la Crypto Valley de Zoug, dont elle apprécie l’écosystème et la communauté. L’entreprise est en pleine croissance. Elle compte parmi ses clients de grandes marques horlogères qui veulent lutter contre la contrefaçon en créant des certificats d’authenticité numériques. Carla Bünger et son équipe proposent également des solutions blockchain au secteur financier et dans le domaine des identités des personnes.
Avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, elle a travaillé pour des entreprises comme Nestlé, Rivella et Lindt & Sprüngli. Carla Bünger a fondé sa première entreprise en 2009 avec la marque de mode en ligne pour hommes Nargeni. «Mais c’était encore trop tôt pour moi», considère-t-elle aujourd’hui. En 2014, elle met le projet en veilleuse sans renoncer à l’entrepreneuriat. Tous deux universitaires, son père était entrepreneur et sa mère, numismate. Sa famille lui a transmis des valeurs telles que la liberté, l’autodétermination, la coopération transfrontalière et la responsabilité envers l’environnement. Cette experte de la blockchain vit avec son mari, également entrepreneur, et leurs deux jeunes enfants à Zollikon (ZH).
Florian Evéquoz, 41 ans
Fondateur de Datastory et professeur à la HES-SE, Lausanne
La Suisse est fière de sa démocratie directe. «Et à juste titre», souligne Florian Evéquoz. A la tête du département Economie et services à la Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale, celui-ci se demande aujourd’hui à quoi ressemblera la démocratie numérique de demain. «Nous devons déterminer quelles sont les opportunités que la numérisation offre à notre système démocratique. Et comment donner aux gens les moyens de les saisir.» Par le passé, Florian Evéquoz a participé à divers projets numériques qui ont marqué le paysage politique suisse. Il a par exemple organisé la première élection primaire ouverte à tous de Suisse.
Conseiller constitutionnel valaisan, il a mis en ligne un site internet qui permet de suivre le vote des politiciens et livre des analyses quantitatives. Pour lui, la publication de ces données constitue un parfait exemple de la manière dont la technologie numérique peut contribuer à plus de transparence en politique. Pour s’assurer que chacun puisse utiliser les nouveaux outils, Florian Evéquoz a mis les codes sources en ligne. Il lui tient à cœur de sensibiliser ses étudiants aux enjeux de la démocratie et de la numérisation.
Franz Grüter, 59 ans
Président de Green et conseiller national UDC, Eich (LU)
Le conseiller national UDC Franz Grüter a transformé le petit fournisseur d’accès internet Green en l’un des plus importants fournisseurs de centres de données de Suisse. L’entrepreneur, qui a quitté la direction opérationnelle en 2016, est actuellement en train d’agrandir le nouveau centre de données de Dielsdorf (ZH), où il a investi environ un demi-milliard de francs. «Nous sommes orientés vers le long terme. Nous avons l’intention de consolider notre position de leader dans le secteur en pleine croissance des centres de données», explique-t-il. Le Lucernois s’engage également pour la numérisation sur le front politique. En tant que président du conseil d’administration de Green, l’élu peut concentrer ses efforts sur son mandat de conseiller national et faire profiter le monde politique de son expérience économique.
Le fait que l’UDC, avec son image conservatrice, soit sa patrie politique n’est pas contradictoire avec l’aspect innovateur du numérique, selon lui. «N’oubliez pas que notre entreprise a été fondée par l’Union suisse des paysans», déclare Franz Grüter. La sécurité énergétique est pour lui une préoccupation majeure. Pour que la Suisse puisse rester l’un des sites d’hébergement de données les plus importants d’Europe, elle a besoin d’un «approvisionnement énergétique stable, sûr et abordable». Car une pénurie d’électricité au niveau national représenterait un grand risque pour l’industrie numérique.
Catrin Hinkel, 53 ans
CEO de Microsoft Suisse, Zurich
Avant-gardiste, Catrin Hinkel s’est engagée pour la transformation numérique il y a trente ans déjà. Depuis mai 2021, elle est CEO de Microsoft Suisse. Au terme de ses études à l’European Business School de Reutlingen (D), elle a occupé différents postes au sein de l’entreprise de conseil Accenture. A son dernier poste en date, elle était responsable du secteur Cloud First Strategy & Consulting pour l’Europe. Dans son rôle de conseillère pour différentes industries ainsi que dans l’administration publique, Catrin Hinkel a acquis une vaste expérience professionnelle en optimisant le succès de ses clients grâce à la transformation numérique.
Après un parcours de trois décennies dans différents pays, cultures, secteurs et organisations, Catrin Hinkel se dit convaincue de la capacité de la technologie à améliorer les conditions de travail et de vie dans le monde. A ses yeux, l’innovation technologique est «le principal moteur permettant d’atteindre les objectifs de durabilité, ainsi que de développer de nouveaux modèles d’entreprises et possibilités de revenus».
En tant que cadre, elle s’implique depuis de nombreuses années en faveur de la diversité et de l’inclusion sur le lieu de travail. La manager milite dans différents comités pour renforcer la présence des femmes dans les postes à responsabilité. Elle leur conseille de «se rendre visibles dans l’entreprise et de communiquer avec assurance les objectifs qu’elles veulent atteindre». Par ailleurs, elle s’efforce également de promouvoir la relève en tant que membre du conseil consultatif de Startup Teens, une plateforme qui transmet aux jeunes des connaissances en management et en informatique. Pour Catrin Hinkel, la formation dans les technologies de l’information est un facteur essentiel pour que la Suisse puisse assurer son avenir.
Cette Allemande d’origine est mère de deux fils. Elle se décrit comme quelqu’un de compétitif, mais d’une manière très ludique. «J’ai toujours eu le désir de faire mieux chaque jour», dit-elle. Selon cette experte, personne n’est parfait, mais tout le monde peut s’améliorer. Son but est d’être aussi authentique et intègre que possible. Pour Catrin Hinkel, ces qualités sont à la base d’un bon travail d’équipe, dans lequel elle voit une clé décisive du succès.
Daniel Markwalder, 47 ans
Délégué du Conseil fédéral à la transformation numérique et à la gouvernance de l’informatique (TNI), Berne
Daniel Markwalder portait déjà plusieurs casquettes lorsqu’il a commencé à travailler pour la coordination nationale de la numérisation de l’administration fédérale. Après des études de droit et d’informatique, ainsi qu’une thèse, il est entré dans l’administration fédérale en 2008 en tant que chef de secteur à l’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication (OFIT). Au Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), il a ensuite dirigé le domaine de l’informatique. De 2016 à 2020, il en a été le secrétaire général adjoint, responsable du domaine des ressources.
Depuis 2021, il est désormais responsable du domaine Numérique et Informatique. Le centre de compétences est responsable des questions liées à la numérisation et organise les réunions du comité du Conseil fédéral. Il doit aussi créer les conditions-cadres permettant de mieux intégrer les processus commerciaux de l’administration fédérale, d’utiliser les données de manière optimale et d’améliorer les applications et technologies ICT.
Daniel Markwalder et son équipe d’environ 60 spécialistes soutiennent l’introduction de l’identité électronique pour les citoyens. Ce bureau s’occupe également de l’interaction entre les clouds privés et les clouds publics, de la gouvernance des données et de l’actualisation de la stratégie «Suisse numérique». Le spécialiste aspire à un changement de culture au sein de l’administration fédérale et plaide pour une forme de collaboration plus agile. «Les technologies évoluent rapidement, c’est pourquoi il faut assouplir les processus fastidieux afin de suivre le rythme de la numérisation.» Son objectif principal est de faciliter la mise en œuvre de solutions numériques dans tous les départements et de créer des synergies, «car la transformation numérique au sein de l’administration fédérale est et restera une tâche commune».
Marc Oehler, 38 ans
CEO Infomaniak, Genève
Lorsque Marc Oehler a commencé sa carrière chez Infomaniak, il y a tout juste dix-neuf ans, la société de l’information dans laquelle nous vivons relevait encore de la science-fiction. Internet n’en était qu’à ses balbutiements et il n’était pas question de smartphones ou même de cloud de données. «A l’époque, 14 personnes travaillaient chez Infomaniak; aujourd’hui, nous en employons environ 200», se souvient Marc Oehler, qui dirige la société depuis presque deux ans. Selon le CEO, les années 2000 ont été un «âge d’or» pour Infomaniak. De plus en plus d’entreprises cherchaient alors des solutions d’hébergement web et de messagerie électronique. «Aujourd’hui comme hier, nous considérons que notre mission principale est d’accompagner les entreprises, en particulier les PME, dans leur voyage numérique et de garantir la sécurité de leurs données.»
Les services de cloud computing d’Infomaniak jouent un rôle central à cet égard. On a même pu lire récemment que l’entreprise basée à Genève et à Winterthour voulait s’attaquer ainsi aux grands groupes américains comme Google et Amazon, en se distinguant au niveau des prix. «Je ne vois pas cela comme une offensive. Nous proposons simplement une bonne alternative suisse indépendante», souligne Marc Oehler. Chez Infomaniak, on parle d’«ethical cloud». Celui-ci ne comprendrait pas seulement des outils de stockage et de productivité en ligne rapides «made in Switzerland», mais tiendrait également compte du besoin de durabilité de la clientèle actuelle.
Sylvie Reinhard, 40 ans
Présidente de Republik, Zurich
En tant que présidente du conseil d’administration du magazine numérique Republik, Sylvie Reinhard a pour mission de préserver l’indépendance de ce média qui ne dépend pas des recettes publicitaires. Au vu des bouleversements dans le secteur de la presse, c’est tout sauf une tâche facile. Il est décisif de «poser des questions qui dérangent», comme elle le dit à propos de son rôle. «Le journalisme de qualité ne s’élabore pas dans une zone de confort. Il nécessite des questions persistantes et des décisions claires afin d’ouvrir de nouvelles perspectives de développement et de croissance.» Tandis que de nombreux médias sont menacés dans leur existence, ce titre veut prouver que le journalisme indépendant, qui n’est redevable qu’aux lecteurs, peut fonctionner comme modèle commercial au XXIe siècle.
Enthousiaste au sujet de ses activités, Sylvie Reinhard connaît bien les modèles commerciaux numériques. A peine sortie du gymnase, la Zurichoise est devenue entrepreneuse en tant que cofondatrice de l’entreprise de sécurité web DreamLab. De nombreux autres projets et créations d’entreprise ont suivi. Elle synthétise: «Je suis fascinée par la révolution numérique depuis plus de vingt ans, car elle nous oblige à remettre en question ce qui existe et à emprunter de nouvelles voies.»
Stefan Steiner, 39 ans
Codirecteur Venturelab, Zurich
Stefan Steiner a deux petits garçons. Il voit dans son rôle de père de nombreux parallèles avec son activité de promotion des start-up chez Venturelab. «Dans les deux domaines, ma tâche consiste à accompagner les gens et à m’assurer qu’ils puissent suivre leur propre voie.» Stefan Steiner connaît bien les besoins, les souhaits et les défis des créateurs d’entreprise. Il a fondé sa première firme internet à l’âge de 15 ans. «J’ai appris à programmer et j’ai commencé à créer des sites web pour des entreprises locales.»
Mais les parents du jeune homme tiennent à ce que leur fils apprenne «quelque chose de sérieux». Il a donc fait un apprentissage bancaire. L’apprenti se met à traiter des comptes et à effectuer des transactions pendant la journée, tout en se plongeant dans le monde numérique la nuit. «Avec le recul, cela s’est avéré parfait pour moi. J’ai ainsi acquis des connaissances spécialisées en gestion d’entreprise, en plus du savoir--faire numérique.» Cette expertise lui permet aujourd’hui d’identifier les start-up innovantes et d’évaluer leur potentiel tant sur le plan technique que sur celui de l’économie de marché. Il peut ensuite mettre en contact les créateurs d’entreprise avec les bons investisseurs et des entreprises établies. Une tâche qui est sa mission principale chez Venturelab.
Gavin Wood, 42 ans
Fondateur et président de Web3 Foundation, cofondateur d’Ethereum, Fondateur de Parity Technologies, Web3 Foundation, Zoug
Avec la chute des cours, le secteur de la cryptographie est actuellement voué aux gémonies. Gavin Wood ne connaît que trop bien les chutes vertigineuses qui suivent les phases d’engouement. Cela fait dix ans que cet homme de 42 ans évolue dans l’univers de la blockchain, soit une éternité dans ce monde en constante évolution. Pour ce Britannique, les technologies décentralisées sont le seul moyen de maintenir les démocraties en vie. Gavin Wood rêve d’un internet qui ne serait plus contrôlé par les géants de la Silicon Valley comme Google ou Facebook. Dans ce monde, les droits sur les données reviennent aux utilisateurs, tout comme c’était le cas aux débuts d’internet.
Gavin Wood milite pour une nouvelle révolution de la Toile. Il a lancé le mot-clé Web3 dès 2014. En 2017, il a créé la Web3 Foundation, dont il est le président. La fondation a son siège à Zoug, d’où elle fait avancer le sujet. Spécialisée dans l’infrastructure pour un internet décentralisé, la firme de Gavin Wood s’appelle Parity Technologies. Sa pièce maîtresse est Polkadot, un protocole permettant à différentes chaînes de blocs de communiquer entre elles. La cryptomonnaie correspondante s’appelle dot. Ces «coins» ont aussi été vendus à perte. Alors qu’un dot valait encore 46 dollars début novembre 2021, il en valait moins de 7 en juillet 2022. Gavin Wood a probablement perdu des centaines de millions de bénéfices comptables. Pour le pionnier, il ne s’agissait pas d’argent facile. «Ce qui me fascine, c’est de voir comment Polkadot aide les autres à créer de nouvelles choses», dit-il.
A l’âge de 9 ans, il programmait déjà des jeux, qui ont ensuite été mis sur le marché. Cette curiosité enfantine continue de l’animer. Sa réputation de précurseur de l’industrie de la blockchain, Gavin Wood la doit à sa collaboration avec Ethereum. En partenariat avec le légendaire Vitalik Buterin, il a créé ce qui est aujourd’hui la deuxième plus grande blockchain du monde au titre de CTO. Il a apporté les connaissances en programmation qui manquaient encore à Vitalik Buterin à l’époque. C’est Gavin Wood qui a publié en avril 2014 l’historique Ethereum Yellow Paper.
Malgré les turbulences actuelles, il prédit un avenir radieux au secteur de la cryptographie. Selon lui, ce domaine se trouve encore dans sa phase initiale, là où se trouvait internet entre 1993 et 1995, lorsque les e-mails faisaient leur apparition et qu’Altavista était le moteur de recherche dominant. Le web a ensuite révolutionné le monde dans les années qui ont suivi.