Adrian Bührer, 45 ans
Serial entrepreneur, Zurich
Investisseur et serial entrepreneur depuis une quinzaine d’années, Adrian Bührer est un pionnier de la branche au point que le Blick l’a qualifié d’archétype de la scène des start-up numériques. Agé de 20 ans à peine, il a participé à la création de Students.ch, la plus grande plateforme étudiante de Suisse, qui a ensuite été vendue à l’éditeur Axel Springer. Il figure aussi parmi les investisseurs fondateurs de Farmy.ch, un service de livraison de produits frais fournis directement par les producteurs, ou de Neon Bank, la première et la plus grande banque mobile de Suisse.
Il y a cinq ans, son état d’esprit a évolué, relate-t-il: «Je me suis de plus en plus préoccupé de la plus-value sociale qu’apportaient mes investissements.» Via Übermorgen Ventures, une société d’investissement qu’il a fondée avec trois partenaires, il soutient de jeunes entreprises qui luttent contre le changement climatique grâce à des solutions innovantes. Une quantité d’idées atterrissent chaque année sur son bureau et, en moyenne, il investit chaque mois dans une nouvelle start-up. «Les entreprises de notre portefeuille doivent décarboniser l’atmosphère à hauteur de 1 million de tonnes de CO2 par an à partir de 2030», explique Adrian Bührer. Ce chiffre représenterait environ 2% de l’ensemble des émissions de CO2 en Suisse.
Laurène Descamps, 28 ans
Head of Climate Action & Circular Economy, Impact Hub, Zurich
Comme les cinq autres Impact Hubs de Suisse, l’antenne zurichoise encourage l’entrepreneuriat durable. Responsable de l’ensemble du domaine Climate Action depuis l’automne dernier, Laurène Descamps en est devenue l’une des figures de proue. Sa principale mission est de mettre en réseau les acteurs du changement climatique. «Nous nous voyons comme des bâtisseurs de ponts», relève Laurène Descamps, engagée depuis quatre ans auprès d’Impact Hub. Parmi les projets en cours, il y a notamment la mise en place d’une plateforme participative en étroite collaboration avec la ville de Zurich. La plateforme doit aider à mettre en œuvre la stratégie climatique de la ville. Différentes activités ont été lancées, comme un atelier avec les parties prenantes pour promouvoir les chaînes de valeur alimentaire locales. Grâce à un incubateur, l’Impact Hub soutient également une trentaine de start-up dans le domaine de l’économie circulaire dans toute la Suisse.
Fidel Esquivel, 27 ans
Cofondateur et chef du projet Autonomous River Cleanup arc, Zurich
A moins de 30 ans, Fidel Esquivel a déjà fondé deux start-up. La plus connue a créé des robots qui ramassent le plastique dans les cours d’eau (Autonomous River Cleanup ARC). «Nos appareils sont capables de distinguer de manière autonome les déchets polluants des biodéchets tels que les algues, les troncs d’arbres et les feuilles. Ils retirent ainsi tous les débris artificiels sans nuire à l’écosystème», rapporte l’entrepreneur. Sa seconde start-up s’occupe de la détection et du traitement du plastique, ainsi que d’autres types de déchets, dans des installations de traitement des déchets (UpCircle).
«Notre première solution a été déployée en juillet 2021 dans la Limmat, à Zurich. Dès août 2022, nous utiliserons notre deuxième procédé de conteneurs de tri robotisé au même endroit», détaille Fidel Esquivel. Lorsqu’il s’agit des grands problèmes de l’humanité, l’ingénieur de l’EPFZ pense en termes de design. Pour lui, le développement durable et l’économie circulaire font partie des défis à relever les plus urgents.
Au bénéfice d’une formation à la Design Thinking School de Potsdam (Allemagne), il se décrit lui-même comme un «penseur de design enthousiaste». Il voit sa vie comme une suite de résolutions de problèmes. Le plus important, selon lui, c’est qu’il ne doit pas y avoir de théorie sans mise en pratique. Après avoir obtenu un bachelor en ingénierie aérospatiale à l’Université de Floride, aux Etats-Unis, il est venu en Suisse pour faire un master en robotique des systèmes et du contrôle à l’EPFZ. Dans la foulée, il a aussitôt lancé un projet de transformation des déchets plastiques recyclés à l’aide d’une imprimante 3D.
Fidel Esquivel pense l’économie circulaire de manière pragmatique, soit de la collecte au recyclage. C’est chez UpCircle qu’ont été développés les outils qui permettent de récupérer et d’analyser les déchets dans l’environnement. Cette tâche s’effectue à l’aide de caméras et d’algorithmes qui permettent de quantifier les déchets et d’identifier les résidus qui peuvent être recyclés et ceux qui doivent être traités. Chez ARC, on est déjà sur le terrain. Fidel Esquivel a démontré l’efficacité du système lors d’un essai grandeur nature. Il a dirigé les opérations à l’aide d’un robot de collecte des déchets de 14 mètres de long. L’appareil a trouvé des objets en plastique, des textiles, des pneus de vélo et des métaux, les a comptés et a enregistré les données correspondantes.
Christoph Gebald, 39 ans
Cofondateur et membre du CA de Climeworks, Zurich
Fondé par Christoph Gebald et Jan Wurzbacher, le spin-off de l’EPFZ Climeworks est sans aucun doute l’une des entreprises cleantech les plus suivies du moment. Grâce à un procédé complexe, l’entreprise extrait le CO2 de l’air. Depuis sa création, en 2009, ce procédé a énormément progressé. Alors que, au début, seulement quelques milligrammes de dioxyde de carbone étaient capturés chaque jour en laboratoire, l’entreprise retire désormais des milliers de tonnes de ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère par an. Mais pour obtenir un effet sur le climat, le scale-up doit se poursuivre à un rythme similaire. «Chez Climeworks, nous avons toujours eu pour objectif de donner aux gens les moyens d’inverser le changement climatique. La capture du CO2 dans l’air doit y contribuer de manière significative», explique Christoph Gebald.
Avec l’usine de captage Orca, en Islande, mise en activité en 2021, Climeworks est à la base d’un nouveau fleuron technologique. Orca peut capter 4000 tonnes de CO2 par an et constitue ainsi la plus grande installation de l’entreprise. Un autre site est en construction, toujours en Islande. Baptisé Mammoth, il devrait capter près de dix fois plus de CO2. Entre-temps, les investisseurs font la queue chez Climeworks. En avril, un tour de financement a rapporté 600 millions de francs. Des actionnaires comme Bill Gates ou Swiss Re se réjouissent de contribuer au projet de neutraliser des quantités importantes de CO2 dans l’atmosphère.
Renat Heuberger, 45 ans
Cofondateur et CEO de South Pole, Zurich
Faire passer l’image de la protection du climat de sacerdoce à celle d’investissement lucratif, c’était l’objectif de la start-up South Pole. Renat Heuberger a fondé la start-up il y a seize ans, avec quatre autres personnes. Depuis cette époque, le thème de la réduction et de la compensation du CO2 s’est banalisé dans l’économie. «Les actionnaires, les clients et les collaborateurs plébiscitent cette possibilité. En outre, on peut économiser beaucoup d’argent en étant plus efficace sur le plan climatique», constate le CEO. Avec un effectif de 900 personnes, l’entreprise zurichoise est considérée comme le leader mondial dans le développement de projets de protection du climat et le conseil en stratégie climatique.
Avec South Pole, l’entrepreneur oriente en particulier les entreprises qui souhaitent réduire leurs émissions de CO2. Et c’est là que la technologie entre en jeu. «Les données et les solutions logicielles constituent le fondement de toute notre activité. Grâce à des mesures par satellite, nous pouvons par exemple calculer combien de CO2 un projet de reforestation en Afrique a permis d’économiser», dévoile-t-il.
Le logiciel est également utilisé lorsque quelqu’un souscrit une compensation climatique pour ses achats chez Digitec Galaxus, par exemple. L’outil South Pole Footprint calcule alors en arrière-plan l’émission de CO2 du produit commandé. L’idée est de lutter contre le changement climatique avec les bonnes données. «Grâce à la technologie numérique, nous identifions toujours mieux où le CO2 est émis et comment il peut être économisé.»
Hilda Liswani, 30 ans
Fondatrice et CEO de WeBloom/Sustainability Engagement Manager EPFL, Lausanne
C’est un fait: les femmes entrepreneuses africaines reçoivent nettement moins de soutien sous forme de subventions ou de programmes d’accélération que les créateurs d’entreprise masculins. Au total, la différence représente, selon les statistiques, nettement plus de 40 milliards de dollars. Pour combler cet écart, Hilda Liswani a lancé en 2019 WeBloom, une organisation à but non lucratif qui met en relation des entrepreneuses africaines et des investisseurs spécialisés dans le développement durable dans des hubs WeBloom. Hilda Liswani a créé sa première entreprise sociale à l’âge de 14 ans. Cette fille de diplomate originaire de Namibie a vécu en Afrique du Sud, en Ethiopie, en Angleterre, aux Etats-Unis et en Suisse. Hilda Liswani a étudié les relations internationales à l’Université de Nottingham Trent. Elle a également conseillé de grandes organisations comme l’Union européenne, la MasterCard Foundation ou Siemens en matière d’initiatives d’investissement durable. Elle est également Sustainability Engagement Manager à l’EPFL.
Marco Mattmann, 45 ans
Responsable du Smart Farming chez Fenaco, Sursee (LU)
Responsable du smart farming à la coopérative agricole Fenaco, Marco Mattmann aide les agriculteurs à numériser leurs exploitations. Il est chargé de la mise en place du gestionnaire de ferme numérique Barto qu’il a lui-même créé. Après avoir grandi dans une exploitation agricole, Marco Mattmann a étudié l’informatique et la gestion d’entreprise. Outre Fenaco, neuf autres actionnaires participent au financement de la start-up Barto. Un partenariat bienvenu, car un seul acteur n’aurait pas pu assumer la complexité de la mise en œuvre numérique, selon l’entrepreneur. Quelque 4000 agriculteurs et agricultrices utilisent aujourd’hui cette solution lancée sur le marché en 2019.
«Grâce à Barto, les données peuvent être mises à disposition sous forme numérique, évaluées, combinées et transmises, explique Marco Mattmann. Ainsi, il est par exemple possible de donner des conseils individuels et optimaux en matière de production végétale pour les semences, la fertilisation et la protection phytosanitaire. Les indications se basent sur des données concrètes comme la culture précédente, la qualité du sol et les informations géographiques.» En outre, les tâches administratives sont facilitées et le respect des obligations réglementaires est encouragé. Les compétences du logiciel vont de la planification de la culture à la récolte et à la transformation, en passant par le semis, la fertilisation et l’entretien.
Muriel Richard-Noca, 53 ans
Cofondatrice de ClearSpace, Renens (VD)
Quelque 600 000 déchets volants tournent autour de la Terre, mettant en danger les satellites et même la Station spatiale internationale (ISS). L’ingénieure Muriel Richard-Noca a développé un système d’élimination de ces dangereux débris spatiaux. Sa conscience du problème a été aiguisée par son expérience auprès de la mission SwissCube. Le premier satellite universitaire suisse a été lancé dans l’espace en 2009 depuis la base de lancement indienne de Sriharikota. Muriel Richard-Noca travaillait à l’EPFL à l’époque. «Comme une collision entre deux gros satellites avait eu lieu en orbite du SwissCube quelques mois auparavant, nous avons soudain reçu des avertissements de l’US Air Force concernant des heurts potentiels avec les débris.»
La Française est une pionnière de l’espace en Suisse. Cofondatrice et ingénieure en chef de ClearSpace, elle a étudié au California Institute of Technology et a participé au programme Mars de la NASA. Clear-Space est désormais soutenu par l’Agence spatiale européenne (ESA) et devrait effectuer sa première mission dans l’espace en 2025. Il s’agit d’un vaisseau spatial sans équipage capable d’attraper un morceau de ferraille préalablement identifié. L’appareil entre ensuite dans l’atmosphère afin que les déchets se consument.
«ClearSpace s’appuie sur les compétences de ses experts, ingénieurs, chercheurs et de son réseau mondial de spécialistes pour mettre au point une technologie qui permettra d’éliminer les déchets spatiaux de manière sûre et durable», souligne Muriel Richard-Noca. La valeur du contrat avec l’ESA se monte à 86 millions d’euros. La première mission doit permettre de retirer de l’orbite une pièce de 112 kilos d’un lanceur Vega, dont la taille ressemble à celle d’un petit satellite. SwissCube devra lui aussi être récupéré un jour, affirme Muriel Richard-Noca. «Nous nous rapprocherons suffisamment et prendrons une photo pour nous assurer que nous ne capturons rien d’autre. Ensuite, nous interviendrons avec notre système Pac-Man.» Le nombre de nouveaux satellites lancés est en forte augmentation, tandis que la quantité croissante de débris dans l’espace constitue une menace toujours plus grave pour la sécurité spatiale. Le rôle de ClearSpace ne peut que gagner en importance.
Bertrand Piccard, 64 ans
Fondateur de la Fondation Solar Impulse et de l’Alliance mondiale pour des solutions efficaces, Lausanne
L’explorateur, psychiatre et pionnier suisse Bertrand Piccard est considéré comme l’un des plus grands aventuriers de notre époque. En 1999, il a été le premier homme à faire le tour du monde en montgolfière. Seize ans plus tard, Bertrand Piccard s’illustre de nouveau en faisant le tour de la Terre sans escale à bord de l’avion solaire Solar Impulse. Ce record a valu au Vaudois une grande renommée internationale. Son attitude face au risque fait de lui un Suisse atypique. «J’ai appris que le plus grand obstacle au succès est la peur de l’échec», déclare-t-il dans une interview au titre allemand Handelsblatt. Pour cet explorateur, le pire est de ne pas essayer.
Bertrand Piccard consacre un budget d’environ 170 millions d’euros à ses expéditions et à ses projets. Le développement de Solar Impulse a duré quinze ans et une centaine de personnes ont travaillé sur le projet. Parmi les sponsors figurent Schindler et Swiss Re, ou encore Google. Le géant américain de la technologie attend de son engagement dans les projets du Suisse qu’ils lui apportent des connaissances. Avec la création de sa World Alliance for Efficient Solutions, Bertrand Piccard a identifié et certifié plus de 1000 solutions contre le changement climatique. Celles-ci sont classées dans une base de données avec un moteur de recherche correspondant. La fondation aide les organisations et les particuliers à mettre en œuvre ces solutions, même à grande échelle.
Bertrand Piccard est également un conférencier très demandé qui encourage les dirigeants d’entreprise, les managers et les politiciens à agir de manière responsable pour l’environnement. Ce personnage public se met habilement en scène dans les médias sociaux et peut être qualifié d’influenceur en raison de ses dizaines de milliers de followers sur Twitter.
Dagmar Weber, 51 ans
General Manager d’Agrosolution, Zollikofen (BE)
Si les agriculteurs travaillent toujours à l’alpage, dans les vignes ou dans les champs, leurs tâches intègrent aussi aujourd’hui la dimension numérique. Les exploitations agricoles sont maintenant intégrées dans des réseaux denses d’acheteurs, de services publics, d’organisations de commercialisation et, surtout, d’organismes de contrôle des labels. Les processus numériques sont devenus essentiels pour réduire les tâches administratives que représentent ces interactions. Et c’est précisément là qu’intervient Dagmar Weber avec son entreprise de logiciels Agrosolution. Cette PME fondée en 2006 et basée à Zollikofen (BE) gère une base de données centrale, accessible via internet, pour les exploitations agricoles et autres organisations. L’objectif de Dagmar Weber est de décharger les agriculteurs de la paperasse et de faciliter l’échange de données entre les parties prenantes de la chaîne de production. Avant de prendre la direction d’Agrosolution, cette Allemande d’origine a travaillé notamment chez Jet Aviation et Huber & Suhner.