Sanket Bhatia, 42 ans
Nouveau CEO de ProDecipher, Alpnachstad (OW)
«Tout le monde se targue de durabilité aujourd’hui. Mais il n’y a pas de durabilité sans transparence.» C’est ainsi que Sanket Bhatia résume les activités de sa start-up, ProDecipher. L’entreprise, fondée en 2020, a développé une solution permettant de documenter les données sur les chaînes d’approvisionnement. Cette fonction lui permet de répondre aux exigences posées aux entreprises par un nombre croissant d’Etats et aux attentes des consommateurs. Le logiciel repose sur la base de la technologie blockchain.
«Notre activité repose sur la réglementation en vigueur», dit Sanket Bhatia. Les exigences dépassent souvent les capacités d’analyse de nombreuses entreprises. Pour les aider, Pro-Decipher a développé l’application ProFuelTrace, qui permet aux compagnies aériennes de prouver qu’elles utilisent des biocarburants issus de sources durables. Un autre exemple de client est le commerçant suisse d’épices Spicelish, qui documente sa chaîne de production depuis le paysan jusqu’à la boîte d’épices individuelle grâce à la même technologie.
Originaire d’Inde, Sanket Bhatia est venu en Europe pour le travail, d’abord en Allemagne, puis en Suisse. Désormais citoyen helvétique, il vit aujourd’hui à Alpnachstad (OW). C’est dans cette région qu’est basé son ancien employeur, Axetris, dont les bureaux se trouvent dans la ville voisine de Kägiswil.
Rino Borini, 50 ans
Fondateur de House of Satoshi, Zurich
Dans un local à seulement sept minutes à pied de la gare centrale de Zurich, Rino Borini a fondé une antenne dédiée au monde de la cryptographie, baptisée House of Satoshi. Satoshi Nakamoto est l’inventeur supposé du bitcoin. Mais, jusqu’à présent, personne n’a encore vu Satoshi en personne. Le mythe a conduit Rino Borini à fonder une sorte de centre communautaire pour les personnes intéressées par la crypto dans le quartier chaud de la Langstrasse. House of Satoshi est un «enfant du covid». «Nous avions beaucoup de temps pour boire des bières, s’amuse Rino Borini. C’est ainsi qu’est né le premier local commercial «bitcoin & friends» dans la Langstrasse zurichoise.» Une idée qui est devenue une entreprise rentable: «Nous avons plus de visiteurs qu’une succursale de banque.»
Avec ce projet, l’entrepreneur veut rendre la technologie tangible. La société propose des cryptobancomats et est également un lieu de formation. De temps en temps, il organise des «day parties» dans l’arrière-cour ou des animations sur un après-midi pour les enfants où il est question d’argent, d’épargne et de bitcoins. Rino Borini veut contribuer à l’avenir de la Suisse et de la place financière helvétique. «Nous devons être les meilleurs, et nous ne le sommes pas.» Le personnage apprécie la provocation. Même dans ses propres rangs, Rino Borini passe pour un révolté. Il ne ressemble pas au «crypto-youngster» typique, collé à l’écran toute la journée, qui amasse des bitcoins. A l’origine, il vient du secteur bancaire traditionnel. La banque d’investissement, les produits dérivés de taux d’intérêt et les risques de bilan formaient son univers. Son environnement de travail «était déjà marqué par la technologie». Son attitude a toujours été plus «why not» que «yes, but».
Dès l’âge de 30 ans, il a compris qu’il ne pourrait pas faire de vieux os dans le monde bancaire. Depuis, Rino Borini a fondé plusieurs entreprises ou y a pris des participations. Depuis une dizaine d’années, il se concentre sur la transformation numérique de l’industrie financière, sur les fintechs et les actifs numériques. Il envisage maintenant une présence dans la capitale fédérale. «Berne a besoin de nous», affirme-t-il. Avec un poignée d’entreprises, il développe des activités de conseil et des modules de formation. Il veut soutenir davantage les prestataires de services financiers dans le processus de stratégie et de distribution. «Il faut des idées fraîches. Et les entreprises doivent aussi être un peu plus courageuses», pointe Rino Borini.
Robert Bregy, 47 ans
Nouveau Secrétaire général de Lugano et directeur du Lugano Living Lab, Lugano
Grâce à Robert Bregy, Lugano est devenu le carrefour suisse de la technologie blockchain. En 2015, le secrétaire général a fondé le Lugano Living Lab, un laboratoire d’innovation urbaine situé au sein de l’administration municipale. Il décrit sa start-up comme un lieu d’expérimentation qui doit montrer que les institutions publiques peuvent et doivent être innovantes. Pour lui, la transformation technologique et numérique, et donc la blockchain, est inévitablement liée à l’innovation. Depuis sa création, le Lugano Living Lab a lancé trois projets liés à la blockchain qui devraient avoir un impact positif sur la vie des Luganais: le token LVGA, la 3Achain et Lugano’s Plan B.
La blockchain doit devenir la base de l’échange financier à Lugano. L’éventail des projets va des transactions en bitcoins avec des commerçants locaux au paiement des impôts annuels. La devise de Robert Bregy: «C’est à chacun d’entre nous de faire en sorte que la technologie soit accessible à tous de la même manière.» Lugano est en tout cas sur la bonne voie pour y parvenir.
Jan Brzezek, 40 ans
Fondateur et CEO de Crypto Finance Group, Zurich
Jan Brzezek ouvre aux banques traditionnelles les portes du monde du bitcoin, de l’ethereum et autres cryptomonnaies. La société Crypto Finance, qu’il a fondée en 2017 avec Tobias Reichmuth, est active dans le négoce, le traitement et le stockage des monnaies virtuelles. Apparemment, ce service est très demandé, même en plein hiver cryptographique. Au cours des douze derniers mois, les Zougois ont pu doubler le nombre de leurs clients. Jan Brzezek envisage une croissance comparable pour l’exercice en cours. «Beaucoup de choses avancent en Suisse. Certaines grandes et moyennes banques se lancent ainsi dans le domaine de la cryptographie», dit-il. Jan Brzezek continue de diriger l’entreprise. Mais depuis la vente à Deutsche Börse en 2021, il n’en possède plus que quelques pour cent. Le fondateur de Crypto Finance considère l’accord avec Deutsche Börse comme un accélérateur de croissance. «Si je parle à un client potentiel, le fait d’appartenir Deutsche Börse aide énormément.»
De nombreuses banques sont elles-mêmes clientes du groupe Deutsche Börse, comme Xetra ou Clearstream. La filiale Clearstream conserve des titres pour plus de 2500 établissements financiers. La prochaine phase d’expansion en Europe débutera avec l’obtention d’une licence de l’autorité allemande de surveillance des valeurs mobilières (BaFin) et de la réglementation européenne en matière de cryptographie (MiCA). Crypto Finance a déposé sa demande l’année dernière.
Carla Bünger, 43 ans
Cofondatrice et CEO de Kore Technologies, Zoug
Carla Bünger construit des ponts numériques. La cofondatrice et CEO de KORE Technologies a ainsi fait entrer la technologie blockchain dans le monde de la haute horlogerie. Concrètement, son équipe a élaboré pour le groupe suisse de luxe Richemont une solution blockchain qui empêche la vente de produits de luxe contrefaits grâce à la création de certificats d’authenticité basés sur des jetons (tokens). Ce procédé repose sur un protocole blockchain développé il y a un peu plus d’un an par KORE Technologies. «Le programme porte le nom de Dragonfly et fonctionne quasiment comme un réseau suisse de haute sécurité», explique la CEO.
Le protocole est utilisé par plusieurs clients de renom. Dragonfly est ainsi exploité en partenariat avec de grandes marques informatiques du marché suisse comme IBM, Green, Switch et Phoenix Systems. Ces groupes misent sur des solutions basées sur la blockchain pour le stockage, les transactions et la tokenisation d’actifs numériques. Leur confiance démontre la capacité de Carla Bünger à jeter des ponts numériques entre des entreprises établies et une technologie disruptive.
Carla Bünger et son équipe ont dû balayer les préjugés à grande échelle et créer de la confiance auprès des grands groupes. Car cet écosystème en est toujours à ses débuts. «Dans le segment de la blockchain, on s’efforce encore en de nombreux endroits d’éliminer les maladies d’enfance.» Pour convaincre les grandes entreprises, la firme a multiplié les certifications et les seuils de sécurité afin que l’utilisation de la technologie blockchain et la gouvernance d’entreprise ne s’excluent pas mutuellement. «Nous avons travaillé très dur pour cela», souligne la fondatrice. Mais ça en valait la peine, car une blockchain à haute disponibilité a vu le jour. Celle-ci est accessible sur simple forfait et offre des services tels qu’une hotline ou un système de billetterie. En outre, il est garanti que la blockchain est disponible en permanence. «Nous avons ainsi élevé la blockchain au niveau des solutions logicielles standard», détaille Carla Bünger. A l’avenir, il s’agira d’élargir le cercle des entreprises convaincues par les avantages de cette solution.
Toni Caradonna, 51 ans
Nouveau Chief Technology Officer de Blockchain Trust Solutions, Berne
Depuis que Toni Caradonna a lancé le premier franc suisse numérique «privé» en 2018, l’entrepreneur ne cesse de faire parler de lui avec des idées nouvelles. Son entreprise Blockchain Trust Solutions conseille les entreprises sur l’utilisation de la technologie blockchain. La société a connu une forte croissance ces derniers mois. Avec son fils, il travaille également au sein de la société Operal. Celle-ci aide les entreprises de jeux à analyser et à réduire leur empreinte carbone. Un jeu que l’entreprise a lancé à cet effet a déjà été téléchargé 100 000 fois en quelques mois. Comment s’articulent tous ces projets? «Je rêve de créer quelque chose qui survive d’ici à trente générations», dévoile Toni Caradonna. Qui reprend: «Pour paraphraser Martin Luther King: «I have a dream» et non: «I have a plan.»
Ce qui le préoccupe le plus, c’est la crise climatique. Si cela ne tenait qu’à lui, une situation d’urgence devrait être immédiatement déclarée par le parlement et des lois devraient entrer en vigueur pour réduire les émissions de CO2. «Ce qui me fait le plus peur, c’est la soif d’énergie de l’humanité et la myopie des actions humaines.»
Carole Hofmann, 47 ans
Nouveau Cofondatrice et CEO de Swissgold Crypto, Zoug
Carole Hofmann fait partie des leaders suisses en matière de numérisation et de ses répercussions sur la société. Avec Swissgold, elle s’emploie à rendre le commerce de l’or plus flexible et plus accessible. Le principe: les lingots d’or sont placés sur la blockchain, le jeton (token) faisant office de preuve de propriété. Swissgold se charge du stockage physique. D’ici à la fin de l’année, l’entreprise prévoit de placer 100 kilos d’or sur la blockchain. Avec une valeur de 50 000 à 60 000 dollars par kilo, cette quantité correspond à des actifs de 5 à 6 millions de dollars. L’offre s’adresse à tous ceux qui investissent dans l’or, en particulier aux crypto-investisseurs qui cherchent à se protéger contre les fluctuations à la baisse. Les investisseurs institutionnels et les family offices figurent également sur la liste des clients de Swissgold.
La prochaine étape prévue par la serial entrepreneuse est le lancement d’une offre avec de l’or durable. «Ce segment répond à un énorme besoin», note Carole Hofmann. Les jetons d’or de Swissgold sont négociés sur Ethereum, un protocole blockchain qui ne consomme qu’une fraction de l’énergie du bitcoin. Car la durabilité fait partie des priorités. Outre Swissgold, la quadragénaire gère également Planetarian.earth, un projet de renaturation et de reboisement d’écosystèmes précieux.
Katrin Koller, 36 ans
Nouveau Global Head Advisory de Metaco, zurich
L’amateurisme et l’énergie criminelle qui sévissent dans l’écosystème de la cryptographie s’illustrent dans le scandale de la faillite de FTX. De solides garde-fous sont donc nécessaires dans cette industrie, selon Katrin Koller. «La conservation sécurisée des fonds, en particulier ceux des clients, est une activité qui doit être prise très au sérieux.» Experte en actifs numériques et Global Head Advisory auprès de l’entreprise fintech Metaco, à Lausanne, elle observe que la demande de services réglementés et dignes de confiance a fortement augmenté dans le domaine de la conservation d’actifs.
Dans un monde parfait, il y aurait une réglementation harmonisée et des normes adaptées au-delà des frontières nationales, considère Katrin Koller. Mais la réalité est différente, il n’existe pas de réglementation globale. Néanmoins, la trentenaire voit des opportunités. «Pour une économie relativement petite et fortement interconnectée au niveau international comme la Suisse, il est important de créer des lignes claires pour que de nouveaux marchés puissent se développer. Il faut aussi établir des liens avec les réglementations internationales lorsque cela est utile et nécessaire.»
Metaco joue un rôle important sur le marché en pleine croissance des actifs numériques. «Nous offrons aux entreprises une solution technologique extrêmement sûre pour détenir, gérer et orchestrer les actifs numériques.» Metaco se profile comme un fournisseur de technologie qui se focalise sur le développement et la livraison de la meilleure solution technologique possible. Pendant ce temps, les clients – banques, prestataires de services financiers, institutionnels – peuvent se concentrer sur leurs points forts. La société a été rachetée récemment par l’entreprise californienne de cryptomonnaie Ripple, pour la coquette somme de 250 millions de dollars.
Daniel Neuhaus, 55 ans
Nouveau CEO d’Open Systems, Zurich
Daniel Neuhaus a étudié l’informatique et la gestion d’entreprise à Berne. Le CEO de Swisscom de l’époque, Carsten Schloter, l’a engagé en 2008. Sa mission était de faire des données et de l’analyse un atout stratégique. Son équipe, qui comptait à l’origine 12 collaborateurs, en réunissait 200 en 2015. Daniel Neuhaus a finalement fait part de sa vision aux dirigeants de Swisscom. Les capacités et le savoir--faire développés par son équipe n’étaient jusqu’alors utilisés qu’en interne. Or il pensait qu’il serait intéressant de mettre ces compétences à la disposition de clients tiers et d’ouvrir ainsi un nouveau champ d’activité.
Les responsables de Swisscom ont hésité trop longtemps. Daniel Neuhaus a donc créé Sqooba, en 2016. L’accent était mis sur le domaine du développement de produits de données IA. L’entreprise a pour clients des noms célèbres comme Apple, Philipp Morris, Nestlé, Swissport, l’Hôpital de l’Ile à Berne, des fournisseurs d’énergie ou encore l’assureur Axa. Au bout d’un an, la start-up était rentable et comptait une quarantaine de collaborateurs, dont de nombreux talents de l’EPFL. La création de la filiale Sqooba Allemagne a suivi. Fin 2019, Sqooba a été achetée par Open Systems, une entreprise qui se concentre sur les réseaux et la cybersécurité. Avec cette acquisition, Open Systems s’est assuré le savoir-faire en matière de cloud et d’IA. Après avoir été CPO et CTO, ce père de trois enfants est aujourd’hui le CEO de la société.
Marc Oehler, 39 ans
CEO d’Infomaniak, Genève
Depuis le 1er décembre 2020, Marc Oehler est le CEO d’Infomaniak, la plus grande entreprise d’hébergement web de Suisse. Ce Genevois de parents suisses alémaniques a fait toute sa carrière chez Infomaniak. A 20 ans, il a été engagé dans le support technique. Puis il a gravi les échelons pour devenir Chief Operating Officer, jusqu’à ce que le fondateur et ex-patron, Boris Siegenthaler, le nomme CEO.
Fondé en 1994, Infomaniak compte aujourd’hui quelque 200 collaborateurs, ce qui en fait l’un des principaux fournisseurs de cloud en Europe. Détenue par les collaborateurs, l’entreprise possède ses propres centres de calcul. Elle développe et héberge ses services exclusivement en Suisse.
«Nous nous concentrons sur les outils de collaboration et les produits dans le domaine du cloud computing», explique ce père de trois enfants, grand sportif amateur. Il souhaite qu’Infomaniak devienne une véritable alternative éthique aux grands groupes technologiques américains comme Google, Apple, Facebook et Amazon. Sa priorité est de veiller à ce que les produits soient régulièrement améliorés et que les collaborateurs se sentent bien au travail. Marc Oehler veut absolument conserver une hiérarchie plate. Selon lui, cette organisation favorise l’autonomie, la confiance et la responsabilité des collaborateurs. Ce schéma encourage également l’émergence d’idées innovantes. Marc Oehler s’engage parallèlement pour le développement d’un cloud suisse pour la Confédération et les cantons.
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